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«La révolution saura distinguer le vrai du faux»
L'entretien du lundi : Hédi Guella
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 03 - 2011


Doublement heureux de rencontrer Hédi Guella.
D'abord parce que c'est un artiste musicien au talent éprouvé et prouvé. De longue date. Malgré les interruptions «forcées», malgré le «diktat» des vogues et des modes, malgré nos oublis et nos omissions. Les chansons de Hédi Guella ont survécu à tout. Ne cherchons pas loin : elles nous ont raconté et chanté, dans notre pure prosodie, dans nos pures mélodies. Elles ont traversé des époques, et pour ces raisons, elles sont restées vraies. Elles renaissent aujourd'hui, en ce temps béni de la révolution. Et elles résonnent en nous comme si elles sont nées d'hier. D'autres les suivront. Heureux, aussi, de rencontrer le militant de première heure, celui de cette deuxième génération de l'indépendance, tôt éveillée à la question politique, tôt engagée dans le combat pour la liberté et la démocratie. Art et regard. C'était, et c'est encore, l'insigne mérite de cette génération dite «perdue», si opportunément retrouvée.
Hédi Guella est de nouveau parmi nous. Il parle de la révolution, de la chanson engagée, de la musique tout court. Et il sait de quoi il parle. Jugeons-en.
Comment un artiste engagé des années 60-80, militant de la seconde génération de l'indépendance, accueille-t-il la révolution du 14 janvier 2011?
Je vais parler de ma génération d'abord. Je crois qu'il est important de rappeler que depuis 1966 cette génération a joué un rôle décisif dans l'histoire des luttes du peuple tunisien. Le fondement idéologique du système bourguibien, et par là, ses choix stratégiques, ont commencé à se révéler au grand jour à cette époque, à savoir le déni de l'appartenance de la Tunisie au monde arabe, l'alliance avec l'Occident impérialiste, néo-colonialiste, et par voie de conséquence, l'écrasement et l'étouffement de toute voix discordante. Bourguiba, qui n'était que l'écho de la domination culturelle du «clan occidental», a porté deux coups destructeurs. Le premier, en frappant au cœur de notre religion (précisément au jeûne), et ce n'était pas un geste symbolique, car il s'agissait d'un élément constitutif de notre identité. Le second a été porté à la liberté d'expression sans laquelle nulle société ne peut poser un projet de progrès.
Ce «grand homme d'Etat» a trouvé devant lui, en 1966 et jusqu'en 1985, peut-être même au-delà, l'avant-garde de nos camarades d'université qui ont dit démocratie, liberté d'expression, d'indépendance syndicale, qui ont dit non à la domination impérialiste et, bien sûr, la Palestine vaincra.
Alors notre regard, je suppose, sur ce que j'appelle, moi, le soulèvement révolutionnaire de l'hiver 2011, que nous fassions partie ou non de groupes ou de mouvements politiques, est celui de la satisfaction d'une attente, ainsi que de l'avènement des masses populaires, loin devant nos visions, nos analyses et les éventuelles stratégies de luttes que nous avons pu imaginer. Un regard de confiance pour tout dire.
Je suis bouleversé par la découverte de la haute conscience politique de notre peuple, et émerveillé par le patriotisme de notre jeunesse pour laquelle nous avons eu bien peur. Et puis, semble-t-il, les responsables actuels, veulent être à l'écoute de cette voix, alors continuons.
Il est une question qui appelle réponse aujourd'hui : pourquoi les luttes de votre génération n'ont-elles pas réussi à changer l'ordre des choses, plus simplement peut-on dire à déloger des dictatures?
Bourguiba a dirigé le pays d'une main de fer. C'étaient des condamnations de 15 à 20 ans de prison, et les régimes arabes avaient le même comportement.
J'ajoute à cela que le système bourguibien avait, tout de même, un substrat conceptuel, une idéologie propre, que n'a jamais eu le président fuyard Ben Ali.
Bouguiba bénéficiait d'un consensus ?
Il bénéficiait de beaucoup de crédit du fait de son rôle de libérateur. Même chose pour Nasser, même chose en Syrie et au Maroc. Qui plus est, les collaborateurs de Bourguiba, ses exécutants, hommes et femmes, n'étaient pas des voleurs, ils s'inscrivaient aussi dans l'élan de la lutte nationale. De même que la génération qui les a suivis.
D'aucuns observent aussi que les luttes de votre génération étaient bien davantage «régionales», universelles, que locales et qu'elles se sont peut-être trompées de cible…
Plutôt d'accord sur ce point. Je pense que la gauche arabe, qui était à l'avant-garde de ces luttes, n'avait pas bien défini la nature de l'étape historique dans laquelle elle intervenait. Influence de l'idéologie occidentale, influence surtout de l'idéal socialiste ambiant.
Mais du point de vue de la méthode, il y avait également un hiatus entre la vie réelle des peuples, d'une part, et la praxis de cette gauche démocratique, d'autre part.
Qu'est-ce qui a fait, exactement, qu'une génération nouvelle, en partie moins armée intellectuellement, idéologiquement, réussisse, elle, là ou les générations militantes fondatrices ont échoué?
Je pense que l'élément déterminant a été la mobilisation consciente des classes laborieuses, pour les revendications catégorielles d'abord, puis, dans un sillage naturel, pour la liberté et la dignité. Notre génération, il faut le reconnaître, n'avait pas la même qualité de conscience et de détermination.
Le délitement du régime de Ben Ali a dû aussi favoriser cette prise de conscience et cette détermination, non?
Absolument. C'était un régime de petits mafieux, de tigres en papier. C'est ce qui a sûrement fait que notre peuple traverse le mur de la peur.
Mais pourquoi après près d'un quart de siècle?
L'histoire progresse ainsi. Il y a mille autres conditions de stratégie internationale, économique, de développement, qui sont entrées en ligne de compte. Mais, il y a surtout une chose, c'est qu'aujourd'hui tous se sont présentés en parlant au nom du peuple, y compris les grandes organisations internationales. Un vrai bouleversement de fond, à l'échelle du monde. C'est pour cela, je crois, que le peuple a pris en mains son destin. Quant aux jeunes, je le vois à mes enfants, ce qu'ils ont subi, notamment comme médicorité de l'enseignement, a fait qu'ils se sont dirigés ailleurs. Leur salut, a résidé, en fait, dans leur ouverture à la planète. Et dans l'universel, ils ont trouvé réponse à leurs questions. Ce facteur a beaucoup joué.
Parlons de musique maintenant. Les musiques que l'on entend depuis le 14 janvier sont-elles ponctuelles, alternatives? Expriment-elles un vrai changement de fond, ou, seulement, une circonstance révolutionnaire?
On va d'abord passer, vite fait, sur les épiphénomènes, sur les faiseurs de chansons à la chaîne, en un mot sur les «arbouns» permanents. Ceux-là ne compteront pas vraiment. Ce qui est intéressant, en revanche, c'est ce mouvement musical de jeunes qui émerge. Les Amel Mathlouthi, «Bendir man», tous les rappeurs aussi, Rim El Banna, en particulier. Ces artistes font partie de la nouvelle génération dont nous parlons, politiquement lucide, nourrie à la culture universelle.
Ces jeunes musiciens connaissent leurs aînés de la chanson engagée, et ils veulent être dans leur mouvance, celle de l'engagement politique et social. Et cela donne diverses formes, mélange Occident-Orient, rap, reggae, etc. plus ou moins maladroites, mais je leur fais entièrement confiance, à ces jeunes, pour avancer et redécouvrir la richesse infinie de notre musique.
Croyez-vous que ces musiques révolutionnaires peuvent se substituer à la musique arabe?
Non. La chanson d'amour, la chanson sociale et humoristique subsisteront. Les pièces musicales et instrumentales subsisteront elles aussi et alimenteront encore le goût et les connaissances du public.
Selon vous, donc, il n'y aura pas de «révolution musicale»…
La révolution saura distinguer le vrai du faux. C'est dans l'ordre historique des choses.
Pourtant, nombreux sont ceux qui pensent, aujourd'hui, qu'il suffit d'adhérer au moment révolutionnaire pour exister artistiquement.
A ceux-là, je dis que l'art se maintient toujours. Nul ne doit oublier que cette révolution a eu ses martyrs et qu'il faut offrir à ces martyrs ce qui est à la hauteur de leur sacrifice. Fidélité à leur mémoire et véracité des projets.
La chanson engagée des années 60-80 est-elle capable de reprendre?
Bien entendu.
Pourquoi?
Parce que cette chanson (ma chanson tout particulièrement) se veut chargée de l'âme du peuple arabe. Je préserve, en ce qui me concerne, dans la prunelle de mes yeux, nos maquamets nos bacharefs, nos samaï et la chanson néo-classique fondée par le grand Sayyed Derwish, merveilleusement continuée par le grand maître Cheikh Imam qui a concilié l'écoute de tout le monde arabe. Et ça va marcher, j'en suis sûr. Je veux continuer à être le fils spirituel de cette grande musique et de ses grands maîtres.
Mais le monde actuel va-t-il l'accepter?
Le maquâm Lami iraquien se retrouve à l'heure où nous parlons dans le chant populaire du Kef. Il y a des échos communs dans les peuples, sources de toute richesse. Jean Sebastien Bach disait : «Sans la musique du peuple, je ne serais rien».
Le discours artistique engagé survivra-t-il quand même?
Parce que, depuis la nuit des temps, l'art doit être, d'abord, le miroir de la vie, oui, ce discours survivra. Et la révolution est venue le rappeler. Nous étions dans la caverne de Platon, aveugles même à nos ombres, le chant de la révolution nous a permis de renouer avec la vraie fonction de la chanson. Pour le reste, désormais, les creuses et ennuyeuses rengaines glisseront sur les rails de notre indifférence.
Que prépare Hédi Guella de nouveau?
Je réenregistre d'abord tout mon répertoire depuis 1965. J'écris ensuite des chansons sur la révolution. Je veux donner sa juste considération à l'écriture poétique et musicale, de façon à pouvoir saluer la noblesse de notre révolution.
Et ce sera pour bientôt?
Le temps travaille pour ma chanson.
Un dernier mot?
Oui. Tunisie, Egypte, Yémen, Jordanie, Libye : l'incommensurable dimension arabe de la révolution tunisienne entraînera davantage de proximité et de solidarité entre les peuples. A la bonne heure!.


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