A ceux qui profitent de ces temps nouveaux où tous les avis, opinions et positions peuvent, désormais, s'exprimer haut et fort, pour distiller des idées rétrogrades, machos et obscurantistes, une action des BIP (brigades des interventions plastiques) est venue le week-end dernier, rappeler que la Tunisie citoyenne est aussi, sinon surtout, arts, culture et présence dans la rue. Non pas pour la détériorer ou la détourner de sa vocation première, mais pour l'animer et lui conférer cette atmosphère festive qui lui manque depuis quelque temps. C'est ainsi qu'en commémoration du départ vers le “Grand ailleurs” à l'âge de 60 ans (il en aurait eu 69, aujourd'hui), du peintre le plus turbulent et certainement l'un des plus talentueux, de la troisième génération, Habib Bouabana, plusieurs peintres, réunis à l'initiative des "BIP", ont investi de vendredi à dimanche derniers, une partie de la rue de Marseille, devant l'espace qui porte le nom de cet artiste qui a marqué tout autant le monde plastique que le centre-ville. Chacun face à sa propre toile, avec sa palette et ses couleurs, ils ont laissé exploser leur inspiration de l'occasion, du moment et de l'évènement historique que la Tunisie vit actuellement et dont Bouabana, "le rebelle", a tant rêvé. Ce faisant et en présence du public improvisé des passants, ces plasticiens ont contribué, le temps d'une fin de semaine, au retour d'une vie animée et artistique dans ce centre-ville qui a été depuis des générations, la source et le quartier général de toute la création tunisienne. Cette action, baptisée "Journées Bouabana pour les beaux arts" et qui a regroupé, entre autres, Lamine Sassi, Olfa Jgham, Mourad Zerai, Hamdi Mezhoudi, Besma Haddaoui, Mourad Harbaoui, Houda Ajili, Mustafa Ben Attia, Hechmi Ghachem…, a nécessité 50 m2 de toiles montées sur châssis, ce qui en a fait une toile monumentale qui dépasse de loin, au niveau de la grandeur, tout ce qui a été réalisé jusque-là en Tunisie dans le genre. Une initiative qui fera date et dont on redemande. En tout cas, elle aurait fait sourire de fierté feu Bouabana.