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«Yes, We Can»
Portrait : Lotfi Saibi, entrepreneur et spécialiste en leadership

Né au début des années 60 à Jelma, Lotfi Saibi résume à lui seul une success-story à l'américaine. Parti de rien, il dirige aujourd'hui deux sociétés d'informatique à partir des Etats-Unis, où il vit et travaille depuis trente ans. Il s'est engagé voilà près d'un mois à transmettre bénévolement aux jeunes Tunisiens son expertise dans le domaine du leadership et de la communication managériale. Rencontre.
«Vous rendez-vous compte ? Vous vivez une période historique. Vous serez la génération de la nouvelle constitution, dont l'impact sera crucial sur vous et sur vos enfants. Je vous invite à participer activement à cette étape de transition démocratique. Rentrer chez soi pour naviguer tranquillement sur Face Book ne suffit plus. Si vous croyez dans une idée, une opinion, une proposition, vous pourriez vous regrouper, par exemple, au sein d'associations, avec des jeunes de votre génération partageant et défendant les mêmes valeurs. C‘est ainsi que vous pourriez devenir une force et transmettre votre voix à l'opinion publique et aux hommes politiques. C'est le moment ou jamais pour s'engager pour l'avenir…».
L'amphithéâtre de l'Essec, ce mardi après-midi, est aux trois quarts plein. L‘audience, des étudiants en marketing, suit attentive et concentrée, la conférence, plutôt interactive, de Lotfi Saibi. Paradoxalement, malgré une cadence un peu lente, parfois hésitante, Lotfi Saibi exprime ses idées dans un mélange d'arabe, de français et d'anglais avec une clarté d'eau de source. C‘est que ce spécialiste dans les domaines du leadership, de l'organisation managériale et de la communication au sein de l'entreprise diplômé de l'illustre université d' Harvard, vivant et travaillant à Boston, a mis bien du temps pour revenir en Tunisie. En trente ans d'exil volontaire beaucoup de choses s'oublient, y compris sa propre langue maternelle…
«Posez les bonnes questions»
Après la Révolution, qu'il a suivie d'Amérique jour par jour, heure par heure, au point de négliger ses deux sociétés d'informatique, l'une installée à Boston et l'autre à Dubai, «Je crois que j'ai été le moins productif de ma vie ce dernier mois de janvier», confie-t-il. Ce natif de Jelma (gouvernorat de Sidi Bouzid) décide de mettre sa vie aux Etats-Unis entre parenthèses pendant six mois pour répondre à l'appel du pays en se consacrant à deux missions. Aider les jeunes à traverser au mieux cette période de transition démocratique et les faire bénéficier de son savoir-faire et de son expérience concernant l'entrepreneuriat et le leadership.
Lotfi Saibi ne cesse de faire des allers-retours entre la présentation des valeurs démocratiques fondamentales, des libertés individuelles et politiques, se référant tant à d'autres révolutions qu'a la vie politique américaine, et l'actualité tunisienne…
Une étudiante intervient : «Quelle crédibilité accorder aux discours des uns et des autres ? J'écoute les communistes, et j'adhère à leur cause. J'écoute les islamistes et encore une fois je suis convaincue par leurs arguments. Je ne sais plus quoi penser et qui croire».
L'interrogation de la jeune fille tombe à pic. Le visage halé du conférencier s'éclaire d'un large sourire : «Vous avez raison de relever à quel point vous vous sentez perdue au milieu de cet océan de surenchères. Tous les partis ressassent les mêmes mots clés : démocratie, égalité, dignité. Il faudrait leur poser les bonnes questions sur leur programme économique. Je vous parie que beaucoup n'y ont même pas pensé tout simplement parce que personne ne leur a demandé quoi que ce soit sur ce sujet. Alors qu'en réalité cette question est d'autant plus centrale qu'elle a été à la source du déclenchement de la Révolution tunisienne. Pensez aussi à une stratégie pour mettre la pression sur les médias afin qu'ils nous communiquent les programmes des différents partis politiques».
Un surdoué de l'école
Nous retrouvons Lotfi Saibi le lendemain dans son appartement-bureau au Lac. C'est d'ici que ce fou de mathématiques, bachelier à 16 ans, continue tant bien que mal à piloter ses deux sociétés spécialisées dans la fabrication de machines de jeux vidéo à écran tactile aux propriétés éducatives et distractives destinées aux enfants de plus de neuf ans. Le hasard a voulu qu'après de si longues années loin de la Tunisie, il soit revenu le mois de décembre dernier pour prospecter un marché au niveau des hôtels. On s'en doute bien : déficit de pistons oblige, toutes les portes lui sont restées fermées au nez. Il avait donc vécu l'étincelle d'une révolte mais n'aurait jamais cru à un tel dénouement. Lui, pourtant, fils du Cheikh Salah connu pour son militantisme contre le colonialisme. Lui, pourtant, le fougueux étudiant activiste de l'Uget et qui a passé en 1979 beaucoup plus de temps dans les caves du ministère de l'Intérieur que sur les bancs du campus. D'où son départ aux Etats-Unis. Pour financer ses études, il exerce tous les métiers possibles et imaginables, garçon de café, plongeur, déblayeur de neige…
«Ma créativité était sans limite. Elle est la fille de la nécessité». confie-t-il modestement. Dans le cas précis de Lotfi Saibi, qui a gardé intactes la chaleur humaine, la sincérité et la générosité des hommes de son pays, il y a probablement plus que cela. Comme la plupart des surdoués de l'école, son cerveau est une mécanique rapide, souple, sans anicroche.
Ses idées, intelligibles et bien structurées n'arrêtent pas de pleuvoir au grand dam d'ailleurs de la biographe qui le suit depuis quelques mois et qu'il n'arrête pas de dérouter…Lecteur assidu, il porte une mémoire infaillible, digère, synthétise et traduit en projets tout ce qu'il bouquine.
Il se remémore les années de vaches maigres lorsque, interne dans une grande ville du Centre-Ouest, son père agriculteur, incapable de lui envoyer le prix de son billet de train à la fin de l'année scolaire, il continuait à dévorer les livres à l'école…l'été durant. Il se rappelle encore de son enfance à Jelma, son village, qui fait partie de ces lieux où les trains ne s'arrêtent jamais : «Lorsqu'il me remettait 100 millimes, mon père ne manquait jamais de me demander la monnaie. Lorsqu'ils tombaient malades, les gens de chez nous ne pouvaient pas se payer à la fois des médicaments et un dîner».
L'entrepreneur, qui s'est engagé pendant la campagne d'Obama dans une action de sensibilisation à travers Internet visant les jeunes communautés africaines, qu'il a mobilisées grâce au fameux slogan du candidat démocrate «Yes we Can», continue à puiser son énergie dans le sentiment toujours vivace des inégalités sociales dont il a souffert dans sa jeunesse.
Ce sont des séries de rencontres sur le Net avec de jeunes Tunisiens, qui le suivaient régulièrement sur son blog, qui ont présidé à son renouement avec la Tunisie. Un jour, quelqu'un suggère qu'il retourne au bercail : on a besoin de son expertise en ce moment précis. Il réplique qu'il pourrait aider à partir de Boston pour que ses amis internautes puissent se regrouper dans une association et défendre eux-mêmes leurs droits. Puis suggère un pari sans y croire vraiment. Si le groupe Jeunes Démocrates Tunisiens (aujourd'hui structuré dans le cadre d'une association) arrive à rassembler 1.000 membres, il embarque vers Tunis. Jeunes Démocrates Tunisiens bat tous les records de popularité : il dépasse les 2.200 adhérents en dix jours.
La caravane économique
Depuis qu'il est arrivé en Tunisie voilà près d'un mois, Lotfi Saibi, qui affirme n'avoir aucune visée politique, n'arrête pas de circuler d'une université à l'autre avec le même message : «La démocratie, c'est beaucoup plus qu'une révolte, plus qu'avoir renvoyé Ben Ali à l'étranger. Nous sommes passés à la phase II de la Révolution. Il faudrait travailler pour favoriser l'émergence d'une nouvelle génération de leaders économiques, sociaux et politiques. Nous restons trop imbibés par le modèle français dans ce domaine. Tout simplement parce que nos ministres et cadres supérieurs ont fait leurs études en France.
Ce modèle imprégné par l'autoritarisme et des formes centralisées des décisions a montré ses limites partout dans le monde. Nous avons besoin aujourd'hui d'une organisation horizontale du pouvoir : plus de cloisonnement entre les spécialités ni entre les hiérarchies. Aux Etats-Unis lorsqu'on pénètre dans une entreprise, nous ne pouvons distinguer le patron de ses employés. L'intelligence émotionnelle serait à mon avis le meilleur atout des leaders tunisiens du XXIe siècle. Par défaut d'empathie envers le peuple et ses problèmes, Ben Ali et ses ministres ont été rejetés par l'ensemble des Tunisiens».
Lotfi Saibi a lancé un appel, à travers l'association qu'il vient de fonder, pour la collecte d'ordinateurs. Il veut ramener les dons de portables et d'ordinateurs de tous types le vendredi prochain à Sidi Bouzid lors d'une caravane économique. Plusieurs réunions et séances de discussion et de travail avec les jeunes diplômés chômeurs y sont prévues afin de permettre à toutes ces compétences tunisiennes de trouver une voie dans le monde économique actuel. Autre projet du natif de Jelma : l'installation d'une unité de fabrication de ses machines de jeux quelque part dans le gouvernorat de Sidi Bouzid.
L'entrepreneur défend toujours son crédo «Il ne faut jamais oublier les leçons de la Révolution : les jeunes chômeurs ne veulent plus d'une assistance. Ils veulent travailler, produire, mettre la main à la pâte dans le processus de développement de notre pays. Aidons-les. Yes we Can !».


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