Par Dhia KHALED Deux mois et demi après la révolution du 14 janvier, la majorité des Tunisiens ne cesse de démontrer une ferme détermination à s'engager irréversiblement dans un processus démocratique et à bâtir une société moderne, plurielle, tolérante et ouverte. Une société qui respecte son histoire sans renoncer à ses acquis sinon elle les améliore et les consolide pour le bien-être de tous les citoyens sans exclusion. Si la période parcourue depuis le 14 janvier nous a fait découvrir un dynamisme et une maturité d'une large frange de la société tunisienne, il n'en demeure pas moins que nous sommes encore au tout début d'un long pocessus plein de difficultés et de défis d'ordre politique, économique, social et culturel, défis qu'on devra relever et réussir pour garantir le succès de notre transition démocratique et de notre engagement irréversible sur la voie des libertés et des droits de l'Homme. Aujourd'hui plus que jamais on a besoin : • d'une société civile active, diversifiée et éclairée qui œuvre pour la cohésion et la solidarité entre les Tunisiens et qui soit un rempart contre les idées régressives et obscurantistes, lesquelles commencent, malheureusement, à envahir l'espace médiatique et surtout électronique; • de partis politiques qui soient en phase avec la période difficile que traverse la Tunisie, qui rompent avec les diatribes et qui œuvrent pour la concrétisation d'un projet de société conciliant avec notre héritage et accélérant notre marche vers la démocratie et la modernité; • de médias, qui après avoir retrouvé leur liberté, soient des tribunes de dialogue et de discussion responsables sur les enjeux et défis actuels et futurs de la Tunisie, loin des surenchères qui risquent de freiner la transition démocratique; • d'un pouvoir judiciaire indépendant et garant des droits et des libertés fondamentales des citoyens. • d'un sens du patriotisme plus affiché de chacun de nous tous pour défendre nos acquis et pour éviter tout saut de notre pays dans l'inconnu; • d'une économie qui retrouve son dynamisme, qui encourage l'initiative, qui crée les richesses et génère les emplois et qui attire les investissements étrangers dont l'apport et l'expertise nous sont nécessaires pour moderniser et soutenir notre tissu économique. Or sans verser dans le pessimisme, on ne peut s'empêcher, aujourd'hui, de déplorer les manipulations politicardes que pratiquent certaines sensibilités extrémistes, que ce soit de gauche ou de droite, et qui ne s'empêchent de prôner ouvertement l'exclusion de toute opinion contraire à leurs idéologies. Il est, en effet, inadmissible de voir ces amateurs du vide politique continuer à prendre la Tunisie en otage au moment où nous peinons à nous entendre sur le cadre général des prochaines élections de la Constituante et à assurer le travail à plus de 500 mille chômeurs dont 150 mille diplômés du supérieur. Est-ce la multiplication des sit-in — souvent instrumentalisés par des courants extrémistes — ou les tentatives de paralyser l'administration et les entreprises par des revendications sociales lourdes et dépassant les moyens disponibles actuellement qui permettront à notre pays de concrétiser les objectifs de la révolution, de relever le défi de l'emploi et de l'équilibre régional ou de régler la crise humanitaire sur notre frontière sud ? Il est en effet du devoir de la société civile, des partis politiques, des médias et de la majorité silencieuse des Tunisiens qui hésite encore à s'engager activement dans la vie politique, de protéger notre processus démocratique naissant de toute dérive et de toute tentative de détournement de la part de ceux qui prétendent vouloir la protéger.