Décidément, on n'en finit plus avec les grèves ! Et quand ça touche le transport public, les choses deviennent de plus en plus compliquées. Cette fois-ci, c'est au tour de deux gouvernorats (Nabeul et Zaghouan) de subir la loi du «going on strike», à la mode ces derniers temps. Les cadres et agents de la Société régionale de transport du gouvernorat de Nabeul sont entrés en grève mardi durant trois jours successifs (les 29, 30 et 31 mars 2011). Ils ont par la suite, le même jour, organisé un sit-in devant le siège du ministère du Transport. Selon M. Karim Chérif, receveur et délégué syndical de l'Agence de Nabeul, il ne s'agit pas de leur premier rassemblement. Le 10 février 2011, 630 agents de la Société se sont déplacés au siège du ministère et ont rencontré Mohamed Ridha Trabelsi, secrétaire général du département. Les deux parties se sont mises d'accord sur une augmentation de 2 échelons pour tous les agents de la société, c'est-à-dire 800 employés, ce qui équivaut à une charge supplémentaire pour le ministère de 40 mille dinars. Selon M. Chérif, «Cette grève a été annoncée depuis plus de 10 jours et, donc, elle est sous le couvert de la légalité. Elle a été organisée suite à la réception d'un communiqué du ministère du Transport le 2 mars, signé par M. Trabelsi, qui annonce la suspension de l'application de cette augmentation. A la réception de la fiche de paie des primes de rendement, les agents ont noté l'absence des échelons augmentés et, donc, on s'attend à ce que cela soit de même pour la fiche de paie des salaires». Les abonnés se plaignent En parallèle, et devant cette réalité du terrain, des centaines d'usagers dans tout le Cap Bon et le gouvernorat de Zaghouan ont été privés d'un service public régional leur offrant un moyen de transport intra et interurbain (surtout à destination de Tunis, la capitale, où plusieurs font la navette quotidiennement pour se rendre à leur poste de travail). Par exemple, pour la ligne 102 «Nabeul-Tunis», plus de 150 usagers disposent d'un abonnement mensuel (de 146d, 500) payé d'avance. Et on se demande : qui va rembourser ces usagers durant ces jours de grève ? Mme Ines (42 ans, fonctionnaire et abonnée) nous a livré le témoignage suivant : «Il est inadmissible qu'on nous traite de cette façon. Le 10 février dernier, on a été contraint de subir la loi de leur sit-in. Et la Sertgn n'a pas pris la peine de nous informer d'avance ou de diffuser un communiqué dans les médias de leur volonté de faire une grève. Et le pire, c'est que ce jour-là ainsi que les jours où la Srtgn n'a pas mis des bus en circulation, car il n'y avait pas un climat de sécurité selon eux, nous n'avons pas été remboursés. C'est un manque total de respect de la société envers ses abonnés. On paye d'avance les frais de notre transport et voilà que durant les jours des grèves, on est prié de prendre un louage». Slim (29 ans, kinésithérapeute) renchérit : «Normalement, dans les pays développés où la culture des grèves est bien ancrée dans leurs habitudes, les sociétés de transport ont l'obligation d'assurer un service minimum à leurs usagers. C'est une diminution du flux des trafics de leurs lignes. Et non pas un arrêt total du trafic. D'autre part, malgré la grève, la société devrait faire une exception pour ses abonnés, en assurant uniquement leur transport puisqu'ils ont déjà payé les frais de leur transport». Une responsabilité civile contractuelle Consulté sur ce sujet, Maître Anis Bettaieb (avocat au Barreau de Tunis et au Barreau de Paris) nous a donné l'éclairage suivant : «Il est certain que cette grève a privé les usagers d'un service public et de leur droit au transport. De ce fait, les abonnés à la Srtgn peuvent demander auprès des tribunaux compétents des dédommagements sur la base de la responsabilité civile contractuelle. Car l'abonnement payé d'avance et la carte remise à l'abonné au début de chaque mois sont une obligation contractuelle liant l'usager à la société assurant son transport». De son côté, contacté par La Presse, l'ODC (Organisation tunisienne de défense du consommateur) nous a donné son avis sur ce sujet: «Il est vrai qu'en ces temps-ci, on vit au rythme de l'anarchie dans tous les secteurs. Concernant les préjudices matériels causés par cette grève, l'ODC conseille les abonnés de contacter la société de transport concernée afin de leur défalquer de l'abonnement du mois prochain, les frais des jours de la grève». En outre, contacté par téléphone à ce sujet, M. Ezzeddine Tayari, président du comité syndical au sein de la Srtgn et représentant juridique de la société, nous a affirmé qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce que la société puisse dédommager ses abonnés. Ceci pour le dédommagement matériel. Qu'en serait-il pour le préjudice moral ?