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Avons-nous toujours besoin de « bourguibisme » ? (1ère partie)
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 04 - 2011


Par le Pr Dhiaeddine Souissi*
Il y a quelques jours, l'acteur Atef Ben Hassine (alias Choko) a subi une tentative d'agression à sa sortie de Radio Monastir, à cause d'une opinion critique qu'il a exprimée à propos de Habib Bourguiba, premier président de la République. C'est dire le retour en force, et parfois à coup de force, au-devant de la scène médiatico-politique du personnage du leader du Néo-Destour.
Les médias, officiels surtout, mènent depuis quelques semaines une campagne visant à embellir l'image de celui qu'on présente comme le bâtisseur de la Tunisie moderne. Cette entreprise de propagande a eu comme grand catalyseur l'accession de M. Béji Caïd Essebsi, un ex-proche de Bourguiba, au poste de Premier ministre provisoire. Cet homme politique au discours séduisant et à l'éloquence à laquelle la jeune génération n'a pas été habituée sous le système Ben Ali, n'a pas hésité à faire sienne la démarche bourguibiste. Du coup, nombreux ceux qui ont jugé utile de déclarer que Habib Bourguiba est le vecteur directeur de leur orientation idéologique et politique. Le «bourguibisme» est en passe de devenir une mode.
Qu'est-ce que le bourguibisme ?
La définition est loin d'être évidente. Ce qui est plutôt en question est l'existence même d'une doctrine politique, et éventuellement économique, propre à Bourguiba.
En politique, il n'y a que les grands penseurs de la trempe d'Ibn Khaldoun, Machiavel, Voltaire, Marx, Tocqueville, Nietzsche, Gramsci, Mao…à qui la science politique reconnaît la paternité des doctrines. Bourguiba est certainement un politicien doué d'une grande habileté, mais de là à parler de pensée politique de Bourguiba, ça me rappelle un slogan mensonger défendu par certains pseudo-intellectuels du dictateur fraîchement déçu : «la dimension sociale dans la pensée politique de Ben Ali». Un slogan malhonnêtement flatteur.
Je suis d'idée qu'il n'y a pas de pensée politique propre à Bourguiba, pas plus qu'il y en avait une à Ben Ali. Il n'est pas à ce point donné d'être penseur politique. En économie, Bourguiba n'avait pas de pensée économique. Ses connaissances économiques ne sont pas aussi profondes qu'on puisse le penser. En témoigne la succession de plusieurs orientations économiques tout au long de son règne. On passe allègrement du «socialisme» à dominante étatiste des années 1960, au libéralisme dirigé des années 1970, pour ensuite basculer dans le néolibéralisme initié par le programme d'ajustement structurel de la fin des années 1980.
Chaque décennie a sa propre idéologie économique. Ce n'est pas ici le contexte idoine pour évaluer ces politiques et la pertinence de chacune d'elles, mais leur forte variabilité exclut d'attribuer à Habib Bourguiba la paternité d'un projet de société clair pour la Tunisie. On rétorquerait que les corrections de trajectoire c'est le propre des personnes avisées et intelligentes. Parfaitement, sauf qu'un projet de société doit avoir des principes forts et clairs. Les rectifications et les améliorations sont des prises en compte des difficultés réelles que rencontre tout ancrage dans la vie sociale d'une idée ou d'un modèle économique. Ce qui s'est produit dans le domaine de la politique économique de la Tunisie pendant le règne de Bourguiba serait tout à fait normal si la dialectique sociopolitique avait ramené à la tête du pouvoir deux ou trois partis politiques différents aux affaires. Des partis politiques porteurs d'idéologies économiques différentes.
Avec Bourguiba, les politiques ont fondamentalement changé. Leurs concepteurs ont été tout à tour discrédités, voire humiliés et bannis, mais à chaque fois le Combattant suprême se maintenait, nous offrant de nouvelles perspectives plus prometteuses.
Bourguiba se maintenait moyennant un comportement machiavélique et une habileté politicienne qui font preuve de la grande intelligence de l'homme. Ce serait injuste que de ne pas reconnaître à celui qui était vraisemblablement le plus populaire des leaders du mouvement national, un art quasiment admirable de la manœuvre politique. Plus que le renard, cher à cheikh Mourou, Bourguiba était un loup politique. Il disposait d'une clairvoyance qui frôle parfois la prophétie, dans la lecture du cours des évènements politiques et de leur devenir. Je cite uniquement deux positions qu'il avait prises et qui prouvent son sens politique très fort. Le premier est quand il recommande au Néo-Destour de ne pas se placer du côté de l'axe pendant la Seconde Guerre mondiale, tant il voyait venir la victoire des alliés. Pourtant, la France coloniale appartenait à ces derniers et l'Allemagne nazie nous miroitait l'indépendance en cas de son éventuelle victoire. Ensuite, on ne peut pas oublier que la position de Bourguiba sur le conflit israélo-arabe s'avère aujourd'hui pertinente et positivement pragmatique.
Le pragmatisme chez Bourguiba était presque un principe suprême. Il était moderniste, populiste et pragmatique. Trois principes loin d'être parfaitement en cohérence sur son long cheminement politique. Son populisme se résume parfaitement dans son slogan fétiche «le contact direct avec le peuple». Aussi bien pendant la période coloniale que durant les premières années de l'indépendance, il sillonnait le pays de long en large. Il se délectait de la fusion avec les masses, parlait le langage du peuple, avec un talent oratoire et pédagogique enviables. Il ne trouvait aucune gêne à parler au peuple de son enfance et de son vécu, parfois même jusqu'aux histoires les plus intimes…
Son dynamisme aidant, son pragmatisme et son populisme ont fini par faire de lui un homme politique très populaire, à tel point qu'il a osé affronter le peuple, à propos de diverses questions délicates, comme son appel à renoncer au rite du jeûne pendant le mois de Ramadan. Tellement sûr de lui-même, il ne doutait absolument pas que le peuple n'allait pas le suivre. Et c'est là que le bât blesse justement. Bourguiba, dans cette force débordante et cette intelligence exceptionnelle, était un mégalomane très imbu de sa personne. D'où son autoritarisme. N'a-t-il pas dit plus d'une fois que la libération du pays c'est lui ? Où sont donc passés Farhat Hached, Hédi Chaker, Ali Belhouane et tous les autres ? Où sont passés l'Ugtt, le Néo-Destour, le Parti communiste tunisien, l'Uget et toutes les organisations qui ont combattu la France coloniale ?
Le système Bourguiba
Entre diriger la lutte pour l'indépendance et s'approprier cette dernière, il y a une différence de qualité qui avoisine l'usurpation. Bourguiba est allé même jusqu'à qualifier le peuple tunisien de poussière d'individus qu'il est arrivé à agglomérer en société en voie de devenir moderne. Une fois, il a dit à Jean Daniel, célèbre journaliste français : «L'Etat ? C'est moi». Il a qualifié l'opposition de microbes. Son règne a débuté par l'écrasement sanglant de l'opposition youssefiste ? Le «Sabbat de l'obscurité» (Sabbat Edhlam), une ruelle de la médina de Tunis, était l'endroit témoin d'une phase de l'écrasement du mouvement de son rival politique. Cette phase devra être mise à nu afin que tous les Tunisiens puissent savoir ce qui s'est produit comme actes de torture et d'éliminations physiques.
Celui qui qualifie ses opposants de microbes s'arroge ipso facto le droit de les écarter, voire les écraser. Et c'est ce qu'il n'a pas hésité à faire contre toute personne ou organisation qui daignait lui tenir tête. Le bannissement, la torture et l'assassinat politique deviennent dès lors un scolie de son théorème autoritariste. Des leaders du nationalisme loin de tout soupçon en ont fait les frais. Je cite à juste titre Salah Ben Youssef, Ahmed Tlili et Habib Achour.
Après la tentative du putsch militaire avorté de 1962, il a dissous le Parti communiste et l'ancien Destour, pourtant n'ayant aucun rapport avec les putschistes. Les épreuves de torture subies par ces derniers, il n'y a probablement pas mieux, excepté ceux qui y survivent encore, que M. Béji Caïd Essebsi pour en parler aux Tunisiens.
L'autoritarisme de Bourguiba va s'abattre sur son propre parti, érigé au passage en parti unique. Il impose la nomination par lui-même, intronisé Combattant suprême, de son bureau politique. Un parti dont la plus haute instance dirigeante est nommée glisse progressivement dans la généralisation des pratiques clientélistes et de délation. Le parti, qui s'est déjà habitué aux pratiques de répression pendant le conflit avec les youssefistes, se métamorphose petit à petit en simple, appareil de propagande et de cadrage de la société. L'opération de hold-up sur les organisations sociales, entérinée par le congrès de 1964, finit par asseoir un régime de type stalinien.
La dictature bourguibiste n'épargne pas la moindre voix dissonante. C'est difficile de trouver une seule année de son règne qui n'eusse connu au moins un jugement à caractère politique. La mouvance baâthiste, le groupe perspective (Groupe d'études et d'action socialiste tunisien), le Gmlt (Groupe marxiste léniniste tunisien), à la fin des années 60. Le courant El Amil Attounsi (Le travailleur tunisien) d'obédience marxiste et le mouvement étudiant des années 70. Des centaines, si ce n'est des milliers d'étudiants, ont été torturés et de lourdes peines de prison leur ont été infligé. L'Uget, syndicat estudiantin, a été confisqué car le congrès de Korba a exprimé une large volonté d'indépendance par rapport au parti unique. Le Guide de la nation n'accepte pas que la moindre organisation de masse puisse revendiquer un statut indépendant. Le régime organise deux congrès fantoches et nomme deux directions illégitimes en 1975 et en 1977.
Ce n'était pas la première fois que la punition collective s'abat sur les non-suivistes. Au début de l'indépendance, la ville de Nabeul commet le tort d'élire un conseil municipal non destourien.


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