Samedi 9 avril. Les familles des martyrs du Kram-Ouest sont toutes là. Elles entourent Lamia Farhani, avocate, elle-même sœur d'un jeune homme tombé sous les balles des policiers pendant les derniers évènements et membre du Conseil de la haute instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution. La réunion informelle et bon enfant se déroule chez Saida Essifi, mère du chahid Chokri. Une maison à une seule pièce. Immense. Nous sommes en fait dans une ancienne cellule du RCD, que la vieille dame a squattée après avoir reçu des menaces d'expulsion du propriétaire de son ancien logement. Son fils Chokri, dix neuf ans, travaillait dans un kiosque à essence. Il était le pilier de la famille. Depuis sa disparition violente, le 13 janvier dernier, elle n'arrivait plus à payer son loyer… Lamia Farhani récupère les dossiers des familles, discute avec deux autres avocats, amis du quartier et qui se sont portés volontaires pour défendre la cause de ses martyrs. Baptisée par la population, Cité du 5 Décembre, le lieu, un ghetto, à l'urbanisme sens dessus dessous, situé à un jet de pierres des quartiers les plus chics et les plus riches de la banlieue nord a payé un très lourd tribut du 13 au 15 janvier 2011. Sept chahid y ont perdu la vie. Dix si l'on veut compter les deux autres de la Goulette et le jeune homme tué à Carthage Byrsa. Lamia Farhani a déposé une demande pour créer une Association des familles des martyrs. Elle veut recruter les membres du bureau de l'association et tendre l'oreille aux requêtes et doléances des proches des victimes.