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«Nous ne céderons pas jusqu'à ce que justice soit faite»
Sit-in à Thala
Publié dans Le Temps le 18 - 03 - 2011

La liberté a son prix et le sang qui a irrigué les terres de la Tunisie, celui des martyrs, fut un déluge qui a submergé et déboussolé la citadelle imprenable la dictature qui nous opprimait.
Aujourd'hui nous sommes libres et nous construisons notre démocratie. Seulement, quelque part en Tunisie, des familles dont les enfants nous ont arraché cette liberté au prix de leur vie, se trouvent oubliées…
A Tala, où sont tombés six martyrs, ces familles ont alors organisé depuis vendredi dernier un sit-in pour réclamer justice puisque personne ne s'en est occupé disent-ils… Avant-hier, le gouverneur de Kasserine s'est alors rendu auprès d'eux et il les a écouté nous apprennent-ils. « Il nous a promis d'ouvrir une enquête », nous dit Marouan Nemri, organisateur du sit-in. Il continue « Nous sommes ici en face du tribunal de Tala depuis vendredi. Nous avons perdu six jeunes : Marouen Jamli, Ghassan Chniti et Mohamed Omri tous les trois âgés de 19 ans quand ils furent tués. Mohamed Yassine Rtibi avait quant à lui 17 ans et Ahmed Bou Albi, le plus âgé avait 34 ans. Ces cinq jeunes ont tous été tués par balles le même jour, le 8 janvier. Ce sont les Bop qui ont commis ça !
Le 12 janvier, Wajdi Saïhi a lui aussi été tué et il avait 28 ans. Ils ont tiré sur lui, en se retirant de la ville ! D'ailleurs ce sont ces mêmes tueurs qui ont incendié le poste de police en se retirant, ils voulaient brûler les documents compromettants. Seul le poste a été incendié dans toute la ville, tous les autres bâtiments sont restés intacts… ».
Nous avons contacté quelques parents des victimes et nous retraçons ici la douleur, l'humiliation et la barbarie sanguine qui ont accompagné la répression qu'ont subie les habitants de Tala lors de la révolution. Et malgré qu'ils ont activement participé à la libération du pays du joug, ils continuent aujourd'hui à être délaissés, selon leur propre témoignage…
Les mères et la sœur des trois martyrs, ainsi que Marouen Nemri sont tous catégoriques et unanimes, l'argent proposé comme dédommagement est une humiliation de plus qu'ils n'accepteront jamais. Au-delà de la douleur de perdre ces jeunes, les habitants de Tala ont subi une véritable humiliation. Aujourd'hui, leur patience n'a que trop duré et le sang de leurs martyrs appelle justice. Que tous ceux qui ont participé à une pareille barbarie soient jugés, clament-ils. Seulement, ils savent qu'ils n'oublieront pas. Leur peine et leur révolte sont encore tout aussi vives que profondes. Ils savent que la justice ne leur rendra pas leurs morts, mais du moins, cela effacera peut-être leur humiliation et les réconciliera avec la nouvelle Tunisie, celle pour laquelle leurs enfants ont sacrifié leur vie…
Hajer AJROUDI

Témoignages
Mme Hayat, mère du martyr Marouen Jamli : «Les Bop m'ont empêchée d'aller voir la dépouille de mon fils ou d'accéder à la maison, là où son corps gisait sans âme »
« Mon fils est sorti manifester pour la liberté et la dignité. Il était debout avec ses amis, n'a point essayé de brûler ou de casser quand un tir vint le faucher. La balle s'est logée dans sa poitrine lui ôtant tout espoir de vie. Ses amis l'ont sorti de l'hôpital et ont essayé de ramener le corps à la maison et voilà les Bop qui les en empêchent !! Ils ont transporté le corps de mon fils dans la maison de son grand-père, alors accessible. On vint me prévenir et j'accourt, seulement, les Bop m'ont empêché d'aller voir la dépouille de mon fils ou d'accéder à la maison, là où son corps gisait sans âme ! On m'a retenue pendant deux heures et demie et vous pouvez imaginer l'état d'une mère qui non seulement perd son fils, mais qui est aussi arrêtée à quelques mètres de lui et empêchée d'aller prendre ce corps froid dans ses bras ! Même ses amis ont été la cible des tireurs quand ils emportaient la dépouille, l'un de ses amis a été tué alors qu'il essayait de retirer le corps du champ de mir, un autre lors des obsèques… Pis que la mort, on nous a humiliés. Aujourd'hui encore on nous humilie en nous proposant de l'argent… Et nous, nous ne voulons pas de cet argent »

Mme Souad, mère du martyr Ghassen Chniti : « On m'empêche de lui dire quelques mots d'amour alors qu'il rendait l'âme !»
« Il avait 15 ans quand il a quitté l'école pour travailler et subvenir à nos besoins, aujourd'hui il n'est plus, mort pour la Tunisie. Cette liberté, ce sont les pauvres qui l'ont arrachée au prix de leur sang…
Ghassen a été tué, se penchant sur Marouen pour voir s'il est mort ou vivant. Il n'a pas voulu fuir quand on a ouvert le feu et a appelé ses amis à ne pas laisser le corps de son ami et le voilà à son tour et dans les secondes qui ont suivi, tué lâchement au dos avec une balle qui lui a transpercé le dos pour atteindre son cœur. Sang pour sang et justice doit être rendue. Non seulement je veux que ses assassins soient jugés, mais que ça soit fait ici à Tala ou auprès du tribunal de Kasserine.
Mon fils est resté une heure en vie, à l'hôpital il leur a demandé de ne pas me prévenir. Même dans ses derniers moments, sa tendresse et son amour filial ont fait qu'il préfère me ménager plutôt que de mourir dans mes bras. Comment peut-on faire subir pareil sort à des jeunes comme mon fils ? Ses paroles ont alors été « Ma mère est malade, elle a une tension déréglée, j'ai peur pour elle ». On le transporta à Kasserine et mon voisin vint me prévenir. Nous avons essayé de le rejoindre, les Bop m'ont arrêtée à la sortie de Tala et nous ont obligés de rebrousser chemin. Jamais, je n'oublierai ce qu'on m'a fait subir, jamais je ne pardonnerai. On tue mon fils et on m'empêche de le voir à ses derniers moments. On m'empêche de lui dire quelques mots d'amour alors qu'il rendait l'âme ? Pis encore que les balles qu'ils ont tiré sur nous, l'humiliation qu'ils nous ont fait subir ! A la douleur s'ajoute la révolte. Ça ne leur a pas suffi de lui ôter la vie, mais ils nous ont aussi empêchés de l'enterrer, nous imposant que ce soit fait par quatre femmes. Finalement, ils ont cédé et nous ont permis que quatre hommes l'enterrent, mais sans pompes funèbres, sans prendre la route principale. Ma maison était criblée de balles au moment où on s'est réunis pour dire adieu à Ghassen et voir une dernière fois son corps glacé. Ça enfumait dans la cour, on ne voyait rien, on a dû cacher un bébé dans l'armoire de la cuisine pour le protéger des gaz lacrymogènes, mes deux autres nièces, l'une enceinte de 7 mois et l'autre de 4 mois ont avorté ce jour là ! Et le comble, on nous a imposé d'éteindre les lumières après avoir défoncé la porte de nos voisins d'en face pour nous terroriser. La mort et l'adieu n'étaient pas suffisants, il a fallu que l'on sombre aussi dans le noir pour les subir… J'ai du mal aujourd'hui à prononcer le mot Tunisie… »

Imène, sœur du martyr Mohamed Omri : « Les Bop avaient retenu les médecins et les infirmiers en otage pour les empêcher de soigner les blessés »
« Mon frère était parmi ceux qui transportaient le corps de Marouen et c'est à ce moment là qu'il fut tué. Avec ses amis, ils marchaient scandant « Il n'y a de Dieu que Dieu, et le martyre et le bien aimé de Dieu » et les Bop ont ouvert le feu. Blessé, ses amis l'ont transporté à l'hôpital. Les Bop avaient retenu les médecins et les infirmiers en otages pour les empêcher de soigner les blessés. Un volontaire a proposé de conduire mon frère à Kasserine et un médecin a pu l'accompagner. Mon frère et moi, voulions suivre l'ambulance, mais nous avons été arrêtés, toujours par les Bop. Mohamed quant à lui a été opéré dans le couloir à Kasserine, les veines de son cœur ont été déchiquetées par la balle, et pourtant on a pu le sauver. Il a repris vie, seulement pour quelque temps, car il a rendu l'âme vidé de son sang. Le corps médical nous a affirmé qu'il aurait pu survivre si seulement les soins ont été donnés à temps et s'il y avait une réserve de sang. L'hémorragie l'a achevé… Mais même mort, son calvaire n'est pas fini, puisqu'on nous a même empêchés de réciter du Coran à la mémoire de son corps. Les « psalmodieurs » ont été terrorisés et ont quitté la maison. Comme chez les autres martyrs ont nous a obligé d'éteindre les lumières et nous ont enfumés par les bombes de lacrymogènes. Ils nous ont aussi ordonné de l'enterrer seulement en présence féminine. Deux femmes étaient suffisantes pour les Bop pour que le corps de mon frère rejoigne la terre ! Pis encore, nous avons dû faire un détour par la montagne, l'accès du cimetière nous a été interdit via la route principale. Quatre kilomètres de marche à pied, voilà ce que nous avons subi, transportant le corps de Mohamed. »


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