Par Jawhar CHATTY La révolution a libéré les initiatives. Toutes les initiatives et tout particulièrement celles de la liberté de se constituer en associations citoyennes et de «s'organiser» en formations politiques aussi diverses, nombreuses qu'éparses. Elle a permis que se développe cette liberté d'expression et de ton jusque-là inédite. Elle a aussi, et c'est tout à fait naturel, engendré cette confusion entre liberté et responsabilité. La révolution a surtout libéré l'initiative en dégageant d'inédits horizons pour les jeunes talents et pour une nouvelle génération de créateurs de valeurs. Elle a libéré l'initiative et, en principe, l'acte d'entreprendre. Elle a ouvert grande la voie aux talents, aux idées novatrices, neuves et innovantes. Tout au plus a-t-elle ouvert la voie à la libre créativité. Tout au plus, est-elle porteuse d'une propension encore embryonnaire d'une audace créatrice. La révolution est une expression de courage et d'audace. Elle a libéré l'initiative, mais pas l'acte d'entreprendre. Ce n'est guère au demeurant sa vocation. Sa vocation est d'ouvrir les voies demeurées trop longtemps sans issue et au mieux à sens unique. Aujourd'hui que la liberté est arrachée, que les voies de l'innovation et de la création sont dégagées, ayons la modestie de reconnaître nos propres limites. Regardons la réalité en face. L'édition et l'industrie du livre qui sont censées constituer une industrie n'offrent aujourd'hui que des autobiographies, des biographies et des lectures opportunistes de l'histoire d'une Tunisie fort modeste. On attend des hommes de lettres et de culture, des hommes et femmes de cinéma et des arts, à présent qu'ils sont libres et libérés du carcan de la dictature et de la censure dont ils se plaignaient à raison, de nous montrer qu'ils sont capables du meilleur et qu'ils peuvent s'affranchir eux-mêmes des clichés d'antan. On attend d'eux, en clair, de faire montre de ce professionnalisme, de cette rigueur et de cette originalité qui sont les véritables plus-values de toute œuvre qui s'exporte. La culture n'est-elle pas en effet une industrie et, par-delà les clichés réducteurs, un véritable vecteur de rayonnement. Il en va de même de ce foisonnement d'idées et d'initiatives dont font montre les jeunes Tunisiens. C'est un signe de richesse, pourvu qu'il soit générateur lui aussi de plus-value sociale et de plus-value économique en termes de création de richesses durables et exportables. On attend enfin de chacun de nous tous de ne pas faire l'amalgame entre liberté et responsabilité, de ne pas confondre opportunisme et intérêt général. La révolution a eu le mérite de libérer les initiatives. Il nous appartient à présent à tous de faire de ces initiatives autant d'actions fertiles et positives, créatrices de valeurs et de richesses.