Monsieur le Président Merci de votre visite Hélas, c'est un peu tard Et non ce que je mérite ************* Monsieur le Président Je ne peux plus me taire, Je ne suis pas sur terre Pour subir les affronts… ************* Depuis que je suis né J'ai vu souffrir mes frères, J'ai senti la misère Dévorer mes années… ************* Depuis vingt-trois ans Suffoquent les braves gens, S'assombrit l'horizon Et l'espoir périclite… ************* La vie s'est transformée En cauchemar morbide Qui pousse au suicide Et mène à la faillite… ************* Avant de m'allumer Au feu de la révolte, Avant de m'immoler J'ai frappé à vos portes, Mes cris désespérés Sont demeurés sans suite… ************* Le volcan dans mon corps A explosé très fort Ses laves crient : «dégage» Au voleur de Carthage, A l'indigne croque-morts Et tous ses acolytes… ************* Le flamboyant symbole, Papillon qui s'immole Afin que « Liberté » De sa cage s'envole… ************* Ce frêle papillon Dont l'existence brûle Pour embraser à fond Les antres des crapules… ************* Le souffle de mon âme A attisé les flammes Afin de purifier Les tanières des infâmes ************* L'histoire retiendra Le nom retentissant Du marchand ambulant Qui réduisit en cendres Le bal du sept novembre, Un régime en décombres… ************* Mohamed Bouazizi Symbole d'une Tunisie D'une Tunisie profonde Qui changera le monde Et mettra à genoux Les systèmes immondes… ************* Ma mère ne pleure pas A cause de mon trépas, Mais pousse des youyous Le pays se libère Des meutes de cerbères, Des hordes de voyous… ************* Mon pauvre président, Le dindon de la farce, Mené par une garce Suceuse jusqu'au sang… ************* Monsieur le Président On brise vos emblèmes, On casse vos diadèmes, Efface votre nom… ************* Et on grave le mien Au cœur du firmament Avec des lettres en or Serties d'admiration Et d'éclat éblouissant Où brillent les pépites… ************* Monsieur le Président Merci de votre visite, Hélas, il est trop tard, Il faut prendre la fuite ! ************* Emportez votre butin, Crevez en « Saoudite » Et quand les pèlerins Observeront le rite, Ils jetteront des pierres Ou des météorites Sur les traces éphémères De votre tombe maudite…