Hamadi Cherif revient à Sidi Bou Saïd après un long séjour dans son centre d'art de Djerba, il ouvre son espace à une quarantaine d'œuvres du peintre belge, installé en Tunisie depuis une dizaine d'années. Visite. Il peint en permanence des objets usuels, des intérieurs tranquilles, des carafes sur une nappe, une corbeille de fruits. A la frontière de l'abstraction, les scènes au teint mat, aux lignes brisées, évoquent les œuvres des peintres du début du siècle dernier. Jan Demeulemeester s'en inspire et assume modestement ses influences. L'impression qui se dégage des tableaux est une tranquillité reposante, des intérieurs qui bruissent de détails qu'on découvre lentement, en s'attardant sur les motifs ou, mieux, sur le parcours de l'artiste. Né en Belgique d'un père peintre expressionniste flamand, une école moins connue que celle de ses voisines allemande ou hollandaise. Témoins de cette école, Permeke ou de Smet parmi d'autres artistes qui se sont libérés des conventions tout en traitant des sujets ordinaires dont la campagne flamande (Ostende, etc). Par réaction, le fils rompt avec la rigueur, l'éclat des lumières, le lustre des formes que la peinture du père dégage, il apprend les techniques du dessin qui devient le socle de ses tableaux. A la flamboyance des couleurs, il préfère les tons mats, il se réfugie dans l'ombre, dans la sobriété, dans une certaine humilité, en somme. Il s'imprégne de quelques maîtres modernes du début du XXe siècle et intègre même leur vocabulaire. Sa peinture évoque G. Braque ou Juan Gris, l'élégance de ses lignes renvoie à Matisse, la danse, de petite dimension, s'en inspire. Résultat : des sujets humbles où le dessin est omniprésent et une lumière quasi absente ( la clarté des ciels de son pays d'adoption ne semble pas l'imprégner), des fruits aux lignes sur-soulignées, l'éclat de la couleur en moins, la plupart des œuvres sont sur papier à l'acrylique, ou créées à base de technique mixte, en petit ou en moyen format, la couleur bleu foncé, métallique charge la palette d'accents graves et de silence. On pense à Juan Gris dans ses intérieurs, à la modestie des sujets de Braque et tout est à l'avenant, Demeulemeester aime à les citer, c'est son asile où «tout est plat, rien ne bouge; et s'il y a une forme ici ou là, d'où vient la lumière? Nulle ombre», dira son compatriote, Henri Michaux.