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Annahdha, un «parti clérical»
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 22 - 04 - 2011


Par Moncef M'halla
Le chef de ce parti, Rached Ghannouchi, s'arrogeant le titre-qualité de Cheikh, ainsi que nombre de ses acolytes formant de la sorte un clergé innomé, a de ce fait une double fonction de prédicateur et de chef politique. L'émergence en ce moment, sur la scène publique, de l'islam politique est grave du fait de la menace qu'elle constitue pour la société civile.
Au sortir de la causerie prononcée par R.Ghannouchi, le 16 avril au théâtre Alhamra, j'étais clairement instruit de la portée et des conséquences qui en découlent, que j'expose à l'issue de la présentation, en compte-rendu, de ce discours.
Comme cela a été souligné par l'islamologue Neila Sellini, sa contradictrice à ce dialogue —dialogue de sourds— la reconnaissance légale de ce parti (obtenue le 1er mars) n'a été accordée que sur la base de son statut (kanoun asâsi) figurant dans sa demande. Le texte de son statut, étonnant que cela puisse paraître, est lisse, neutre, ne laissant apparaître aucune particularité qui le distingue de tout autre parti, ayant recours à des notions communes, «politiquement correctes», telles que démocratie, liberté… C'est ainsi qu'il se préserve d'annoncer la couleur. Par contre, sur la scène politique, il met en avant, annonce haut et fort un discours foncièrement religieux.
Quand on lui signale la prise de position de plus d'un de ses pairs, appelant à la révision du Code du statut personnel, il s'en démarque, pour la forme. Quand à leurs agissements par le contrôle des mosquées détrônant certains imam-s, nommant d'autres, c'est à peine qu'il désapprouve ces «débordements» et bien d'autres… Par-delà la duplicité qui caractérise la mouvance islamique dans sa variété, on s'en tient au propos officiel du chef, tenu à l'occasion du «débat» auquel on a assisté.
Pour ce débat, la ruse de guerre de l'orateur menant les auditeurs sur son propre terrain — et là est le piège — jouant de leur qualité implicitement musulmane, tient à ce glissement du domaine proprement politique à celui de la religion. Vice rédhibitoire rendant son propos irrecevable puisque l'orateur prend la double figure du tribun et du prédicateur et par populisme religieux, défend une orthodoxie ne répondant pas de l'Islam savant ou commun. A cette rencontre, les dés sont pipés et le jeu est vicié d'avance puisque l'universitaire participant, en duel, à cette confrontation entend défendre «la science religieuse» et de surcroît sa foi (akîda), alors que devant l'assemblée des citoyens le débat devrait avoir pour objet la chose publique, res publica. Transposer un tel débat sur l'arène publique est dangereux. Ce serait mener des batailles oratoires à coup de versets coraniques et de hadith-s, malmenant par ce tiraillement le texte sacré ; ce qui aboutirait à une division intestine, voire à une guerre civile, fitna.
Sans avoir à diaboliser le propos du cheikh, mais seulement à le prendre pour ce qu'il est, à partir de ses propres dires, passons en revue quelques unes de ses allégations, défendues au nom de l'Islam et que ses partisans, un clergé embrigadé, entend valider par des armes spirituelles et/ou matérielles.
Il est à remarquer d'abord que le statut du parti Annahdha reprend à son compte l'article 1er de la Constitution qui stipule que : «l'Etat tunisien a pour religion l'Islam et pour langue l'arabe», et où, précisément, détail essentiel, la religion réfère à l'Etat. Mais s'il le reprend c'est pour mettre en exergue «l'identité arabo-musulmane», ayant ainsi recours à la notion d'identité qui est vague, et extensible. Et en étant dans le cadre du statut du parti, il en est déduit les «valeurs morales» (kiyam akhlâkia), ce qui est en soi une forme de sécularisation, laquelle a prévalu en Tunisie au cours du XXe siècle.
L'Islam est la solution ?
Dans le discours politique du cheikh, le langage est tout autre, il entreprend la traduction des notions du droit positif dans le lexique islamique du fikh. Selon lui, si la démocratie est agréée c'est par ce qu'elle «n'est pas en contradiction avec la chariaâ». L'exercice du pouvoir sur le mode islamique, wilayat al amr, ne serait autre chose que le parlement! De même, «établir la justice procède de la chariaâ». L'égalité à faire prévaloir ne doit pas référer à la Déclaration universelle des droits de l'Homme mais à celle que prône l'Islam «vérité irrécusable», en lui imposant un sens rétrograde. Quand au Code du statut personnel, il réitère sa réponse qu'il tient pour la position officielle d'Annahdha. Il le reconnaît, puisqu'il est en conformité avec une interprétation du Coran. Mais, sans ambages, il émet des réserves, prévoyant ouvertement sa révision pour l'adapter à d'autres exigences de la chariaâ, au nom de la sauvegarde de la famille qui est dans une situation critique, avec le taux élevé de divorces, le célibat. Il se tait quant aux solutions dont une éventuelle bigamie conditionnée…
R. Gannouchi définit, en résumé et clairement, le système politique envisagé ainsi, en disant expressément : «L'Islam est à appliquer d'une manière démocratique» (yutabbaku al islamou bisifatin dimoukratiya). La spontanéité de l'oral aidant, il a le mérite d'avoir franchement exprimé sa pensée. Pour le chef du parti, idéologue soit-il, quel programme ! Dans le même sens, il proclame, de lui-même, sans qu'on lui ait posé la question : il est admis d'avoir pour mot d'ordre «l'Islam est la solution» (al islam huwa alhallou). Ceci est annoncé d'une manière arrogante à l'adresse d'un public qui, en grande partie, ne lui étant pas favorable et devant lequel, il s'est senti, comme il l'a dit à deux reprises, «au banc des accusés» (fi kafasi al ittiham). La déclaration sur l'Islam comme solution est en même temps un appel aux plus islamistes que lui, les salafistes. Ainsi, alors qu'il est invité dans un espace public en tant que chef d'un parti politique, son argumentation est foncièrement religieuse. Son fond de commerce est la religion. C'est là que réside le piège que l'islam politique tend à la société civile, essayant de s'imposer à l'espace public.
La neutralité des lieux de culte est, en principe, la règle. Tout en accusant le régime politique précédent d'avoir dérogé à cette règle, Annahdha en fait sa tribune par excellence. Et à R.Gannouchi d'affirmer : «La politique au sein des mosquées» (assyasa dakhal al masajid) est admise. En même temps, il introduit une nuance justificatrice par la réprobation de la propagande politique pour un parti en particulier. Comme cela s'entend, il n'est pas nécessaire que cela soit explicite, puisque c'est aux siens de tirer les marrons du feu.
En admettant que la «révolution» du 14 janvier 2011 est un tournant dans l'histoire de la Tunisie contemporaine, c'est dans le sens qu'elle met fin au régime du parti-Etat, mais aussi qu'elle annonce le danger du règne de l'islam politique. La question est cruciale et le mufti sortant de sa réserve s'en mêle, faisant son entrée dans l'arène politique, en défendant ex cathedra le fondement religieux de la politique à mener dans l'avenir. Ainsi, la révolution métamorphose le mufti se mettant de fait du côté du parti Annahdha. En effet, cette même semaine, Othman Battikh écrit, et signe en sa qualité de Mufti de la République Tunisienne, un article de presse dans le quotidien Assabah (14 avril 2011), intitulé : «La laïcité et l'Islam». S'en prenant à la «laïcité», il annonce que la dimension politique de l'Islam n'exclut pas «l'aspect civil» (madani) de la vie des peuples, s'appropriant ainsi cette notion de «société civile» peu usuelle dans le langage du fikh, actualité oblige. Pour lui, écrit-il : «La plus importante garantie pour la liberté d'opinion et de croyance n'est autre que l'Islam». A son avis, pour l'Islam, la politique consiste à «se mettre au service du peuple», mais il ignore la souveraineté de celui-ci au service du peuple». Mais il ignore la souveraineté de celui-ci. Intervenant à un débat déjà engagé sur la nouvelle Constitution, le mufti appelle au maintien de l'article 1er qui stipule que «l'Islam est la religion de l'Etat», il adjoint, comme proposition, l'impérative «nécessité de rendre effectif (tafil) cet article dans la loi et dans la réalité». Il ya là bien plus qu'une prédication d'ordre normal.
Pacte autour des valeurs essentielles
L'assemblée de l'«Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution», où est représenté, entre autres, le parti Annahdha, est appelé à se prononcer sur un Pacte républicain qui comporte les valeurs essentielles sur lesquelles devraient s'accorder toutes les parties et servir ainsi de base et de garantie à l'élaboration de la nouvelle Constitution. Les diverses propositions de texte de ce pacte avancées se rejoignent et peuvent être aisément fondues. Les principes de base portent sur : le régime républicain, la séparation des trois pouvoirs, la garantie des diverses libertés, l'égalité entre les citoyens et entre les hommes et les femmes… Ce sur quoi il peut y avoir un consensus. Néanmoins, il est une question qui peut être la pomme de discorde et constituer ainsi le point d'achoppement sur lequel bute tout accord : la séparation du politique et du religieux, proposée, entre autres, à l'article 2 de la Charte citoyenne de l'Initiative citoyenne. Autant qu'on le préjuge, l'opposition viendrait du parti Annahdha qui mettrait son véto. S'il souscrit, pour la forme, à ce principe, c'est par duplicité.
En s'autoproclamant comme porte-parole de l'Islam, pourtant dénominateur commun et vécu sous diverses formes, ignorant le clergé, les tenants de l'islam politique soutiennent un cléricalisme de fait. Leur entreprise est une tentation ou une tentative d'exercer un pouvoir en vertu de leur ministère. D'abord dans les mosquées où par les imam-s qui leur sont affiliés, ils entendent régenter les esprits et les mœurs et opérer ainsi parmi le commun des fidèles une «conversion», selon l'expression de Cleeford Geertz. A parti des mosquées dont ils font des tribunes et d'une manière générale dans l'espace public, ils investissent le tissu social. Là, ils opèrent à partir d'un réseau de «cellules» qui n'a d'équivalent que celui du parti du régime déchu. C'est ainsi qu'ils visent à régenter la société civile dans son ensemble.
Pour la défense de la société civile contre le danger intégriste, la vigilance doit être de rigueur pour tout un chacun. C'est en citoyen qu'on agit, qu'on soit politiquement indépendant, de droite conservatrice, libérale ou de gauche. La cause est commune, en dehors de tout calcul partisan, et il n'est pas nécessaire, voire il est contreproductif, de faire à cet effet un front uni. Chacun pour soi et Dieu pour tous, pourvu qu'on ne mêle pas le Créateur à une compétition politique entre coreligionnaires.


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