On ne naît pas démocrate et si on ne balise pas le chemin pour y arriver, on ne le sera jamais. Les mouvements de lutte pour l'indépendance ont révélé des groupes ayant à leur tête des personnes qui se sont imposées, grâce à un certain charisme et surtout à un culot monstre. Ce qui a développé chez ces personnes ce sentiment de légitimité dont elles ont tiré le pouvoir, puis le pouvoir absolu et enfin la dictature et la tyrannie, auxquelles elles ont associé des groupes d'individus intéressés à plus d'un titre. Avec toute la reconnaissance et le respect que l'on doit à feu Bourguiba, ma génération a vécu avec le leitmotiv de «50 ans de lutte», repris par une cohorte de courtisans pour justifier leurs actions, leurs privilèges et, pour finir, leurs exactions. Le système a été amélioré par Ben Ali qui a érigé la corruption en institution. Le système se retrouve un peu partout dans le monde, à des degrés d'atrocité variables, cautionné par l'Occident et ses institutions quand il y a un semblant de démocratie et par les puissances de l'Est dès que l'on parle de prolétariat. Cette longue tirade me sert pour mettre en garde les Tunisiens contre les risques d'occultation des acquis de la Révolution que d'aucuns voudraient s'approprier pour mieux dominer le peuple. Attention, ne nous laissons pas spolier ! Aucune dictature ne doit plus voir le jour en Tunisie ! Nous exigeons que tous les postes de responsabilité nationale et régionale soient sous la surveillance constante du peuple à travers un Conseil supérieur de la République auquel aucune immunité ne lui sera opposable. Ce Conseil devrait être issu de la future Assemblée constituante qui, une fois sa mission achevée, se transformerait en Assemblée constituée qui jouerait ce rôle en association avec le futur Conseil constitutionnel. Par ailleurs, le poste de gouverneur doit être mis au vote. Ainsi tous les responsables (président de la République, député, gouverneur et maire) seraient toujours et directement responsables devant leurs électeurs. Modalités de gouvernance Même si ce que je propose peut paraître utopique, ce n'est pas irréalisable. Deux points attirent mon attention : – Transparence : dans tout ce qui intéresse le pays, j'estime que nous avons le droit de savoir et de juger, en temps réel, tout ce qui pourrait avoir une influence négative ou positive sur le présent et/ou l'avenir de la nation. Les huis clos, apartés, tête-à-tête de nos gouvernants sont à proscrire. Un seul homme, quelles que soient son intégrité, son honnêteté et la valeur de son jugement, ne pourra ni ne devra décider du sort du pays. Même si on peut le juger a posteriori, ce sera toujours trop tard. L'histoire est pleine d'exemples qui ont conduit à des catastrophes. – Rémunération : il est inconcevable de se trouver en présence d'une telle différence entre les hauts revenus et les revenus minimum garantis, surtout chez les dirigeants. Il faut enlever de la tête des gens qu'on entre en politique pour s'enrichir. La loi doit obliger les futurs dirigeants à présenter un état de leur fortune (sous toutes les formes) ainsi que celle de leurs proches majeurs (épouse et enfants). La même procédure aura lieu en fin de mandat. Recommandations pour moraliser la société Depuis de nombreuses années, nous assistons à une dégradation de l'environnement géosocial du Tunisien; du propos ordurier sortant de toutes les bouches au comportement asocial et franchement anti-social, toutes générations confondues, la liste est loin d'être exhaustive. Je me permets de suggérer la création de deux structures : – Une structure de lutte contre les comportements portant atteinte à la morale publique (blasphèmes, injures…). – Un comité de citoyens assermentés dont le rôle sera de dénoncer tous les comportements irréguliers (infractions routières…), abus de pouvoir de toutes sortes qui seront signalés à qui de droit et dont le traitement pourra être contrôlé.