Parmi les métiers en voie de disparition à Kairouan, on pourrait citer celui de l'artisan fabricant de balghas qu'on porte avec la blouza et de kontras qu'on porte avec la djebba. En effet, depuis le XVIIIe siècle et jusque dans les années 50 et 60, Kairouan abritait trois souks de Blaghjia qui comportaient une corporation de plus de 60 artisans. De nos jours, on constate avec regret que la vocation originelle de ces trois souks a presque disparu au profit d'échoppes de vaisselle, de mules, de pacotille et de produits made in China. En outre, un de ces souks, le souk El Majel, est fermé. Seuls, six artisans continuent de s'adonner à ce métier qui n'est plus aussi lucratif que par le passé. Parmi eux, Am Khmaïs Kaâbi, 79 ans, qui a appris toutes les techniques de fabrication par le biais de son père et qui est dans ce métier artisanal depuis 1947. Très réputé dans l'art de confection à la main de peau de caprins, d'ovins ou de bovins pour en faire des balghas et des kountras, il déplore la cherté de la matière première qu'il achète de Sfax et de Tunis : «Dans les années 50, par exemple, le kilo de clous importés de France coûtait 500 millimes. Aujourd'hui, il est de 13 D et il est de mauvaise qualité. En outre, le prix du cuir augmente d'année en année. De ce fait la balgha, qui me demande deux jours de travail, coûtait dans les années 60 entre 2 et 5D. Aujourd'hui, son prix varie entre 30 et 40D», relève notre interlocuteur avant d'ajouter que le processus de fabrication de ces chaussures traditionnelles est un travail minutieux qui demande beaucoup de patience, d'où le refus des jeunes de prendre la relève. Donc, cet artisanat relevant du patrimoine kairouanais risque de disparaître. Tout en étant fier de sa réussite dans le métier, cet artisan a dû s'adapter aux nouvelles exigences des citoyens dont beaucoup achètent des chaussures de la friperie et lui demandent de les ressemeler : «Donc, pour survivre, je suis obligé de réparer et d'entretenir les vieilles chaussures. Et ce qui me fait le plus de mal c'est que même mes trois enfants n'ont pas voulu s'initier à cet artisanat qu'ils jugent ringard…», ajoute Am Khémaïs avant de conclure: «Pour la promotion de notre métier, il faudrait sensibiliser les citoyens au fait que les balghas et les kontras ne provoquent ni allergie, ni maladie de la peau, surtout en été. Il faudrait également encourager les jeunes à s'adonner à cet art afin de le sauver de la perdition…»