Pas de quoi pavoiser. Nombre de nos entités économiques sont dans une situation difficile des suites des effets collatéraux de la révolution qu'a connue notre pays. Véritable rampe de lancement de l'économie nationale, le tissu entrepreneurial se doit de retrouver dans les plus brefs délais sa vitesse de croisière pour assurer une rapide relance économique, mission qui dépend, du reste, de la détermination de la communauté dans son ensemble. Centre privilégié de création des richesses et des emplois, notre contingent d'entreprises économiques a un besoin urgent de soutien pour redémarrer et consolider l'effort de production et d'exportation. Avec son flot de mesures incitatrices fiscales et autres, le programme économique et social du gouvernement provisoire III, rendu public le 1er avril dernier, est venu restaurer rapidement la productivité et la compétitivité des firmes : tel est le pari des pouvoirs publics tunisiens. Des efforts colossaux certes, avec un manque à gagner de revenus fiscaux, mais est-ce suffisant pour relancer un appareil de production quelque peu paralysé et timoré ? Il y a eu également l'institution au sein du ministère chargé de l'Industrie d'une commission consultative permanente chargée d'examiner les dossiers de dédommagements et de répondre aux interrogations des entités économiques, notamment celles ayant été touchées par les récents événements collatéraux de la révolution, ceci outre les études du secteur de l'assurance pour débloquer les indemnisations attendues. Le retour de la confiance et de la sécurité aidant, il s'agit surtout de favoriser un déploiement rapide de ces différentes mesures de manière à permettre aux firmes de renouer dans les meilleurs délais avec des niveaux d'activité mirobolants. Cela nécessite l'implication indispensable de tous les acteurs. En effet, il incombe à toutes les parties concernées de se mobiliser pour appuyer l'entreprise économique tunisienne en cette conjoncture difficile. D'abord, au niveau bancaire, la récente circulaire de la Banque centrale de Tunisie aux établissements de crédit n°2011-4 du 12/4/2011 est venue prescrire des mesures pratiques en faveur des entreprises affectées par les retombées des événements du début de l'année pour poursuivre leurs activités : au menu, rééchelonnement des dettes bancaires et financement de la réparation des dégâts subis. Même les entreprises souffrant de difficultés structurelles n'ont pas été laissées pour compte, elles ont été invitées à saisir cette occasion pour «faire l'objet d'un plan global d'assainissement financier». Plus que jamais, les banques (et par ricochet les établissements financiers : leasing, factoring, sociétés de recouvrement) et les entreprises économiques doivent constituer un vrai tandem solidaire, notamment dans ce nouveau contexte afin de promouvoir les entités productives et d'en consolider la compétitivité pour qu'elles puissent affronter dans les meilleures conditions la concurrence au niveau national et mondial. Il convient donc aux établissements bancaires et financiers d'accompagner les firmes dans leurs différents projets sans toutefois faillir à leurs règles d'orthodoxie financière. Ils sont tenus de s'adapter aux transformations radicales liées à la révolution tunisienne du 14 janvier 2011. Les portées d'une baisse des taux Pour rester dans le domaine financier, une question se pose : à quand la baisse des taux ? Il est vrai qu'il n'y a rien de tel pour restaurer la compétitivité des entités productives en ces temps-ci. Il a été en effet prouvé, dans plusieurs cas, qu'une politique monétaire bien accommodante est à même de rééquilibrer les trésoreries, de dégager des profits solides et de booster la productivité des firmes et, partant, de corser la croissance économique du pays. A ce titre, une baisse des taux directeurs de la Banque centrale de Tunisie, qui viendra ainsi en complément des mesures économiques annoncées dans le plan de relance, contribuera à enrayer rapidement les retombées négatives des effets collatéraux de la révolte populaire, surtout que l'inflation reste sous contrôle. Ainsi, les pressions sur leurs trésoreries seront desserrées à la faveur de l'allégement du fardeau des frais financiers des engagements bancaires, ce qui ne peut que renforcer la compétitivité de ces entités productives. D'où consolidation des parts de marché et préservation des postes d'emploi. De même, ce fléchissement des taux devrait inciter les investisseurs à poursuivre fermement la réalisation de leurs projets ou à s'élancer dans de nouveaux plans d'investissement, compte tenu de la réduction du coût du financement bancaire engendrée. Cette mesure, si elle venait à être décidée, serait également profitable aux banques. Bien qu'elle puisse obérer quelque peu leurs ressources, cette mesure devrait plutôt les encourager à améliorer le rapport qualité-prix de leurs services et à redoubler d'ingéniosité pour préconiser de nouveaux produits adaptés aux franges de leur clientèle, tout en accompagnant l'entreprise économique en cette période exceptionnelle en lui fournissant le soutien nécessaire. Ainsi faisant, l'entité productive passera cet aléa conjoncturel sans encombre et, plus encore, en ressortira plus renforcée. Le soutien aux entreprises économiques peut également venir de ses propres salariés. Ainsi, en différant leurs revendications — du reste légitimes et unanimement reconnues par les différents partenaires sociaux —, compte tenu de la situation difficile dans laquelle se trouve le pays à l'ère post-révolutionnaire et en redoublant d'efforts pour rattraper le temps perdu, les employés contribueront à la remise sur rails de la firme, étant galvanisés par l'annonce de l'imminente ouverture des négociations salariales entre les partenaires sociaux. Trêve donc de victimisation, des adeptes du «tout maintenant» et des «sit-in», car sans des entreprises en bonne santé, point de croissance vigoureuse et donc pas de richesses à répartir entre les différents agents économiques : ni revenu, ni emploi, ni amélioration des conditions de vie ! Pour leur part, les consommateurs, en daignant enfin acheter le «made in Tunisia» en produit ou service, sauront pérenniser nos entreprises économiques et donc sauver les emplois de leurs concitoyens et contribuer au relèvement du niveau de vie moyen et à la consolidation de la croissance économique. Les partenaires (fournisseurs, investisseurs, actionnaires, importateurs, exportateurs,…) ont également leur part de responsabilité dans le redressement rapide des entités productives. De par leurs attitudes et engagements et en faisant preuve de solidarité en cette phase difficile, ils pourront décider du sort du principal lieu de production et de création des richesses. Autre partie — imposante — de soutien aux entreprises : L'Etat. Le programme économique et social et les initiatives des différents ministères illustrent le souci de faire redémarrer l'investissement, stimuler les initiatives, générer plus de croissance, créer davantage de postes d'emplois, renforcer la capacité exportatrice. L'objectif ultime étant l'amélioration du bien-être des Tunisiens. Toutefois, il faut reconnaître qu'un travail conséquent reste à faire pour améliorer davantage le climat des affaires. Aussi, une refonte du cadre juridico-réglementaire, fiscal et financier et une souplesse des procédures administratives et réglementaires sont à entreprendre dans les meilleurs délais pour aider les entreprises existantes à assurer leur pérennité et pour en stimuler l'émergence de nouvelles. Autre orientation à moyen et long termes : asseoir enfin une véritable stratégie de développement des entreprises tunisiennes. Il s'agit d'organiser et de corser les mécanismes de financement, d'encadrement et de conseil des différentes structures d'appui (la restructuration promise du secteur du microcrédit et du soutien aux petites et moyennes entreprises devrait contribuer à la prolifération des affaires, notamment dans les régions). Il s'agit aussi de multiplier les débats d'information et d'échange d'idées sur la conduite des affaires, ceci outre le soutien aux jeunes promoteurs ou entrepreneurs dans leurs projets naissants. Parallèlement à ces initiatives, les pouvoirs publics devront investir dans l'accroissement du rythme de création des entreprises. Une des portées de la révolte salutaire du 14 janvier 2011 est sans aucun doute la libéralisation des énergies et la stimulation de l'esprit d'entreprise. Désormais, un nouveau sens de l'entrepreneuriat prévaut en Tunisie. Du coup, entreprendre, qui signifie anticiper en pariant sur l'avenir, permet de par cette impulsion nouvelle une certaine anticipation des mutations rapides que connaissent et le monde et le pays, en fondant les bases d'une adaptation étudiée, sans heurts ni accrocs. L'impératif d'entreprendre s'érige désormais, dans ce nouveau contexte de l'après-14 janvier 2011, en tant que facteur déterminant d'un développement économique et social plus solidaire. D'ailleurs, cette démocratisation de l'acte d'investir ne peut que se répercuter favorablement sur la qualité du climat social et donc impacter sur le développement des initiatives et la conduite des affaires. Autre tâche étatique (et de la société civile d'ailleurs): la diffusion de la culture de l'initiative. Il s'agira à ce niveau de multiplier les efforts pour enraciner et stimuler l'établissement pour la création d'affaires à son propre compte (travail indépendant), cela commence à l'école primaire ! Des cursus de sensibilisation pédagogique devraient commencer à ce niveau-là. Il y a lieu donc d'insister à tous les niveaux d'enseignement (primaire, secondaire, professionnel, supérieur) sur les innombrables avantages de vivre une telle expérience exaltante. La diplomatie a, de son côté, un vrai rôle à jouer pour soutenir notre tissu entrepreneurial. Il se décline dans la détection de partenaires étrangers et autres opportunités d'investissement et de partenariat en faveur de nos firmes), sans oublier leur contribution à la reprise du rythme des investissements directs étrangers. Enfin, l'entreprise elle-même se doit de s'adapter à ce nouveau contexte ambiant en redoublant d'ingéniosité pour remobiliser ses effectifs et pour affiner sa gestion et son management, en introduisant de nouvelles approches pour réinventer ses chaînes de production et améliorer la qualité des produits et services. Il convient, en tout état de cause, d'exploiter le formidable talent de nos jeunes générations. Ces ressources pourraient, avec la volonté nécessaire, contribuer à une nouvelle révolte, entrepreneuriale cette fois, qui serait ô combien salutaire pour le pays en ces circonstances particulières pour permettre à l'appareil productif de repartir du bon pied. Cette rupture devrait annoncer d'ailleurs un véritable changement culturel qui devrait être ancré davantage par les institutions éducatives, le tissu associatif et la société civile dans son ensemble. Le considérable potentiel de jeunes de talent, d'investissement, d'exportation et d'emploi que représente le secteur privé tunisien commande à toute la communauté un surcroît d'effort pour revitaliser ce secteur vital et réengager l'économie nationale sur le sentier de croissance soutenue. Pour un développement social conforme aux attentes des revendications, sources de la révolte populaire.