Véritable fête-symbole très ancrée dans l'histoire culturelle de la région du Kef, le festival du Bourzguène a pris cette année les couleurs de la liberté et de la dignité comme emblème de sa 21e édition, rompant ainsi avec un passé noirci par le dickat culturel de l'ancien régime qui a fait de cette fête une occasion propice de rencontre pour le cercle des familles connues et autres notables de la ville. Même si, au demeurant, l'événement provoquait à chaque édition une certaine effervescence culturelle dans la ville, le nouveau comité directeur de l'Association de sauvegarde de la Médina considère que la programmation du festival avait quelque peu une coloration élitiste, préférant donc faire de l'événement une vraie fête populaire qui consacre la dimension sociale et culturelle du rituel qui l'accompagne. Autant alors mettre en valeur les composantes du programme de cette édition qui intervient, il est vrai, à un moment où les prodiges naturels brillent de mille feux et que la nature semble souveraine et flamboie aux couleurs du printemps, même si l'été a tendance à lui prendre un tant soit peu le dessus d'autant plus que les blés sont en phase de maturation avancée et que le vert paradis, cher à Baudelaire, est en train de perdre de son autorité, laissant place à la tiédeur du climat et au jaune-ocre de la saison estivale. La ville a, d'ailleurs, vibré, hier sous le tintamarre des trompettes et autres sons de cloche programmés pour y créer une ambiance festive et égayer la populution que certaines mauvaises nouvelles d'insécurité effraient de temps à autre. A la Kasbah, le calme olympique qui y régnait auparavant a laissé place à une grande effervescence culturelle marquée par l'organisation d'une grande exposition artisanale qui met en valeur la richesse des produits du terroir et le savoir-faire des habitants en matière de création artistique et artisanale, d'autant plus que le vent de la révolution qui a soufflé sur la Tunisie a donné des ailes de liberté à la ville et à l'association qui veille au grain pour préserver ses spécificités traditionnelles, lesquelles constituent un legs culturel et historique que d'aucuns qualifient de source de fierté et de richesse inestimable, surtout que ladite association a fait le bon choix de dédier, de l'aveu même de son président, l'édition de cette année à la jeune génération, se disant convaincu que cet hommage qu'on lui rend représente à bien des égards un stimulant pour l'aider à bâtir un monde meilleur et à faire en sorte que Le Kef devienne, par la détermination et les projets concrets, un grand pôle de tourisme culturel et par ricochet un lieu de brassage. Au-delà de l'aspect festif, le festival s'annonce comme un tournant dans l'histoire culturelle de la région en ce qu'il a changé de vocation et de pratique qui lui donne son autorité culturelle et le rôle social qui lui revient d'autant plus que les Keffois ont promis de mettre la main à la pâte afin de réussir cette échéance culturelle où l'on consomme un couscous préparé à la viande d'agneau et assaisonné de fruits secs, de sucre, de datte et de beurre, le tout accompagné d'une salade romaine. Un vrai régal pour les boulimiques mais dont il convient cependant de se méfier, de peur de la surcharge pondérale qui pourrait en résulter. Cela dit, le festival tendra dans l'avenir à favoriser la création artistique et à l'épanouissement des talents dans tous les domaines, une gageure bien difficile mais pas irréalisable.