Par Med Salah LEJRI Toute révolution a pour but de substituer des structures salutaires à d'autres caduques et anachroniques. D'aucuns pensent qu'avec les événements qui se sont déroulés, en 1968, en Tunisie, en France et dans plusieurs parties du monde (Europe de l'Est, Amérique latine, etc.), le terme de révolution a été quelque peu galvaudé (surtout en France) et sa signification déformée. Pour ces derniers, 68 n'est qu'une démagogie dénuée de tout caractère sérieux. En 1968, les jeunes ont fait rêver. Ils étaient en communion spirituelle et sentimentale. Ils ont partagé des réactions passionnelles. Ils ont cru en un monde meilleur où régneraient les principes qui permettraient l'affranchissement de la personne humaine. Ce qui lui permettrait de réaliser des politiques économiques, sociales et culturelles au profit des plus démunis et des plus vulnérables. Les jeunes croyaient fermement que l'instauration du nouveau système se fera grâce aux dispositions «naturelles» de l'homme à la liberté et à la justice sociale. Qu'elle soit politique ou culturelle, la liberté était la revendication fondamentale de tous ces jeunes en révolte. Cette soif de liberté inspirait leurs actions et,nourrissait leur sentiment de rébellion. Le fameux slogan « Il est strictement interdit d'interdire» retentit encore. A cette époque, on inculquait à l'enfant, dès son jeune âge, les valeurs qui induisent au sentiment du devoir. Les valeurs qui mettent l'accent sur le devoir et l'intégrité de l'homme. Outre ces vertus d'ordre moral, la qualité de l'enseignement pouvait atteindre l'excellence. Très souvent, le professeur était un érudit qui avait pour but dans la vie de former l'élite intellectuelle de son pays. Intellectuels et universitaires ont provoqué l'affranchissement des jeunes de leur état d'inconscience politique : « Occupez-vous de la politique ou la politique s'occupera de vous», scandaient les jeunes étudiants. Concernant les intellectuels influents de l'époque, en voici quelques noms, afin de faire revenir à la mémoire des noms aussi prestigieux que Foucault, Deleuze, Lacan, Bourdieu, Marcuse, Sartre, Reich,Althusser... En 1966, Michel Foucault publia Les mots et les choses. Ce qui lui valut un immense succès. La même année, celui-ci, donna des cours aux étudiants de la faculté du 9-Avril de Tunis et assista aux révoltes des étudiants et étudiantes contre l'impérialisme américain. Foucault écrira plus tard : «J'ai été impressionné par ces filles et ces garçonsqui s'exposaient à des risques formidables en rédigeant un tract, en les distribuant ou en appelant à la grève. Ce fut pour moi une véritable expérience politique» (Dits et écrits, 1994) . Les étudiants tunisiens avaient réussi à impressionner Michel Foucault, «Wa ma adrak min» Michel Foucault. Il faut dire qu'en quelques années, la mentalité des jeunes d'un pays peut passer d'un état à un autre. On peut passer de la conscience politique à la conscience footballistique, et vice versa. Qu'il soit Tunisien ou étranger, le jeune de 68 voulait être libre. Ce dernier voulait être «libre dans sa pensée autant que dans ses actes » (Edmond Rostand). M.S.L.