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Ce qui naît et ce qui meurt dans le politique
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 05 - 2011


Par Hédi Hafnaoui KASDALLAH
Tout au long de cette période post-révolutionnaire, et quoique la hantise de la tyrannie et du despotisme s'envole comme un rêve, après avoir pesé lourd sur notre sort, les rafales des forums de discussion et de dialogue, des débats et des polémiques traitant de l'avenir de la nation, à commencer par les futures élections de juillet, se soulèvent, ici et là, et dont le viatique ne semble que nous inspirer des sentiments ambivalents, truffés d'un mixte d'espoirs et d'inquiétudes. Le jargon politique est à son comble, et les projets de réforme, réclamés par les uns ou par les autres, sur les principes de la vie démocratique, sur la séparation des pouvoirs, sur les meilleures assises possibles de la prochaine Assemblée constituante, ne cessent de foisonner. Chaque intervenant, à travers d'innombrables émissions télévisées, et maints articles de presse, sur le ton qui lui convient, optimiste qu'il soit ou sceptique, s'efforce de faire état d'une nouvelle vision éthique et politique, cherchant à faire croire à l'efficience, à l'opérativité de son programme, de ses idées réformatrices ou tout simplement des mots du discours qu'il prononce.
Et que nous aimions, dans de pareilles circonstances, à penser avec soin l'usage des mots dont se servent nos discours, à les peser dans des balances d'or pour pouvoir les utiliser de façon intelligible et avec clarté. Car, tout d'abord, la rigueur de l'expression du contenu de nos idées se pose et s'impose, notamment à l'heure où notre pays commence à s'engager et même à parcourir, à pas de géant, sur la voie de la démocratie et de la liberté. Pour ce faire, nous avons recours à une portion de notre savoir lexicographique, à prédominante historique, à une véritable histoire de mots, voire à leur origine et même à leur genèse. Nous voulons incorporer ce type de savoir dans notre discours, car il nous apparaît d'un secours irréprochable, surtout que la maxime-devise d'antan présuppose qu'une telle incorporation constitue, à elle seule, un véritable instrument de pouvoir de persuasion.
Et comme le disait H. Bergson dans Le Rire, les mots du discours ordinaire, et ce, par opposition à ceux du discours littéraire ou poétique, qui sont souvent polysémiques et polyphoniques, présentent toujours une dualité de sens : le premier, dit-il, est d'ordre physique, et le second est d'ordre moral, selon qu'on les prend, précise-t-il, au sens propre ou au sens figuré.
Ainsi, en est-il du mot fameux «politique», dont la fréquence d'utilisation va croissant ces derniers jours. Cible de notre intervention aujourd'hui, et objet de l'intitulé de cet article, le terme «politique» devrait, en guise d'une première approche, renvoyer inéluctablement, quant à lui, à cette dualité sémantique bergsonienne. Cependant, cette dernière ne sera plus entendue, ni dans le sillage de l'antithèse philosophique de la matière et de l'esprit, ni dans celui de l'hétérogénéité du matériel et de l'intellectuel, ni dans celui de la bipolarité cartésienne disjonctive de l'âme et du corps.
Bien sûr, nous ne cherchons pas à disserter sur le premier sens, qui est d'ordre matériel ou physique, thème qui intéresserait les peintres ou les sculpteurs ou les portraitistes, mais notre attention se polarise sur le second sens, c'est-à-dire sur l'essence du politique, dans une perspective à prédominante classique, sur sa signification immatérielle, morale, spirituelle, et en conséquence sur ce qui devrait ou pourrait naître et mourir symboliquement en lui.
Qu'est-ce qu'un politique ?
Le politique, en effet, en tant que nom commun masculin, se distinguait et se distingue encore de la politique. Il désignait, classiquement et à en croire Richelet, dans son Dictionnaire français des mots et des choses de 1680, un homme «savant dans l'art de gouverner les Etats», un homme polyvalent, paraît-il, à la fois savant et artiste, un érudit pour tout dire, maîtrisant tout un corps de connaissances multidimensionnelles, plurielles, théorique et pratiques, réflexives et pragmatiques, sciences exactes et belles-lettres. Le politique devait être, dans cette perspective, un abîme de savoir, une tête lourde à la façon de Rabelais, ou du moins une tête très bien faite à la manière de Montaigne, puisant aux ressources de diverses branches de l'arbre du savoir naturel et humain. Le politique devait donc, à l'époque classique, occuper le statut d'un intellectuel exceptionnel, un être sage et averti, honnête et loyal, clairvoyant et serein, et pour tout dire, et comme l'explicite Richelet, «un maître connaisseur des mœurs et des lois».
Pourquoi justement cette condition nécessaire, qu'on exige qu'elle soit remplie chez le politique, et juste au niveau de la maîtrise des mœurs et des lois ? Car tout simplement, et croit-on savoir, les mœurs ou plutôt les bonnes mœurs conduisent à la bonne conduite morale de l'homme en général, et les lois à la conduite civile du citoyen. Montesquieu, dans De l'esprit des lois, disait par la suite et dans ce sens, au XVIIIe siècle, que les mœurs regardent la conduite de l'intérieur, alors que les lois les regardent de l'extérieur.
Ainsi, somme-nous amené à distinguer l'homme du citoyen, non pour les opposer carrément l'un à l'autre, ou pour dialectiser une complémentarité authentique et nécessaire entre deux existences, entre les deux facettes d'un même être humain et civil, mais pour en transcender une essence, une signification originaire, fondamentale. Certes, nous tenons incessamment à rappeler la véracité d'une prémisse, communément admise, que l'homme est social, civique ou politique par nature, thèse anciennement soutenue depuis Aristote, et récemment confirmée par la théorie de l'étayage psychanalytique post-freudienne ou de ladite théorie de l'attachement primaire, mais nous n'avons pas à réfuter une conséquence concluante logique, en affirmant que, privé du secours et de l'appui du politique, l'homme ou le citoyen est condamné à vivre malheureux, aliéné, démuni, frustré, errant comme un fugitif dans un désert d'ennui, ou plutôt «condamné chaque instant à inventer l'homme», comme l'avait déjà affirmé Sartre dans «L'existentialisme est un humanisme».
Privé de ce soutien, l'homme ou le citoyen pourrait perdre sa condition humaine, civilisationnelle, culturelle, éthique, et il courrait le risque d'être violemment «abandonné à lui-même, et comme égaré dans ce recoin de l'univers», comme le disait Pascal.
Ainsi, le politique a la charge décisive de protéger et l'homme et le citoyen, qui sont tenus, à leur tour, de le respecter, de lui obéir et de le soutenir. Et il est du devoir du politique de se préoccuper de la stabilisation des bonnes mœurs, des us et coutumes, des codes de vie et étalons de goût, de l'habitus en général, dans la terminologie de R. Barthes, et des lois. Tout l'avenir de l'homme et du citoyens dépend de l'action et des bonnes intentions du politique. Celui-ci n'a pas à choisir entre deux codes de valeur, le bien ou le mal, bien au contraire il doit veiller sur le salut de ses compatriotes, et en cas de besoin, il se dévoue pour eux sans calcul, en prenant la posture d'être fin prêt, à tout moment, à verser même son sang pour défendre sa patrie, sauver l'honneur de son peuple, accroître sa prospérité et faire en sorte que les progrès se multiplient et s'excitent partout dans son pays et dans tous les secteurs de la vie, et que le plaisir, le bonheur, le bien-être et la félicité règnent dans le cœur de l'homme et du citoyen, là ou ils se trouvent, dans toute région, dans toute maison de son territoire.
Respect absolu de l'intérêt général
Il serait inconcevable que le destin des individus soit confié à des être versatiles, égoïstes, hypocrites, retors et irresponsables, qui ne pensent qu'à eux seuls, à leurs fortunes, à leurs intérêts personnels. Le politique, et toujours dans cette perspective, doit donc être identifié au premier éducateur du peuple, à son père spirituel et symbolique le plus tendre et le plus rationnel, à son guide supérieur le plus lucide et le plus éclairé, et le plus éclairé aussi bien par les sciences que par les arts, par la connaissance et par l'expérience, comme le suggère Richelet. Il doit veiller par tous les moyens et inlassablement à ce que son peuple et lui se conforment côte à côte et scrupuleusement aux prescriptions du bien, du beau, du vrai et du devoir. En d'autres termes, à travers le bon exemple qu'il fournit aux autres, et les bons sentiments qu'il leur inspire et qu'il peut enraciner dans leurs cœurs, à travers les outils et les appareils qu'il actionne au jour le jour, et pour éviter l'usage du terme d'appareils idéologiques de l'Etat, et n'en déplaise à Althusser, le politique ne doit pas chercher à asseoir sa puissance aux dépens de l'intérêt général de son peuple.
Ainsi, Richelet n'hésite pas à relier la politique à la littérature et aux sciences. Mais ce lien étroit ne perdure-t-il pas encore à l'époque contemporaine et ne constitue-t-il pas un résidu linguistique, culturel et historique, qui nous semble fort utile, résidu susceptible d'être gravé dans nos mémoires, et de continuer à agir encore sur nos schèmes de pensée et d'actions politiques ? La référence à la littérature, aux arts, aux sciences, aux leçons de l'histoire ne semble-t-elle pas en mesure d'assurer des garde-fous de fer pour une meilleure conduite du politique ? Et les noms de Ch. De Gaulles et de L.S. Senghor, qu'on peut associer spontanément et de prime bord à leurs sources de références originaires, c'est-à-dire aux belles-lettres, n'en fournissent-ils pas une part de réponse à ces petites interrogations d'ordre politique ? Mais il va sans dire que certains rétorquent que le divorce s'accentue actuellement entre les belles-lettres, les sciences et les arts d'un côté, et le politique de l'autre. La politique et le politique, ou plutôt la politique et l'éthique ont, depuis déjà des décennies, réclamé leur autonomie franche, non seulement par rapport au modèle politique, que nous avons essayé d'expliciter, mais aussi et surtout par rapport à d'autres sciences récentes de pointe, telles les sciences économiques et juridiques. Cependant, la leçon est là. Notre analyse du mot politique, par référence à cette sensibilité littéraire et artistique, relative au classicisme, nous semble passible, ou tout simplement tributaire d'une vérité morale, monumentale, atemporelle, qui doit perdurer encore dans nos dispositifs de réflexion sociale ou politique, indépendamment du curriculum vitæ ou du cursus scolaire littéraire ou scientifique antérieur du politique. Nous avons à soutenir une thèse en guise de conclusion, que le politique a toujours le devoir de faire naître en lui, et simultanément, le respect absolu de l'intérêt général de son peuple, et de faire tarir et même laisser mourir, sans regret, sans déplaisir, toujours en lui, son propre intérêt personnel, car la naissance du premier intérêt est créatrice de patriotisme, et la mort du second est créatrice d'altruisme.


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