Avec ou sans loi antitabac, la Tunisie semble s'accrocher à ce fléau comme le ferait un naufragé avec une bouée de sauvetage. La loi antitabac datant de 1998 est d'ailleurs restée lettre morte pendant toute une décennie surtout en ce qui concerne le tabagisme dans les lieux publics ou recevant du public, en raison du laxisme des autorités et de leur passivité. Cela malgré les incessants appels au secours des non-fumeurs et les militants antitabac, considérés en Tunisie par les fumeurs comme une minorité enquiquinante. Ce n'est qu'en 2009 et sans crier gare que les pouvoirs publics ont affiché la ferme volonté d'appliquer les dispositions déjà citées. Une loi qui à première vue est venue à point nommé pour endiguer ce fléau mais qui a été votée juste pour le décor, tout d'ailleurs comme la plupart des législations surtout celles pouvant être utilisées pour la propagande. Nous étions en 1994 et nous avions posé une question au ministre de la Santé de l'époque. La suivante: «Pourquoi l'Etat n'a pas encore promulgué une loi antitabac alors qu'une bonne partie des pays de la planète en possède déjà une et que ce texte est très utile pour lutter contre ce fléau ?» La réponse du ministre, Pr Hedi M'henni, était la suivante: «il y a eu des tentatives pour présenter un tel projet mais des résistances existent dans certains milieux. D'ailleurs une telle loi restera lettre morte si elle venait à être promulguée». En 1996 l'OMS a décerné à la Tunisie la médaille d'or pour «la santé pour tous». Le Dr Nakajima, directeur général de l'OMS à l'époque, est venu à Tunis remettre le trophée au président de la République. Chose faite. Et le jour même le responsable onusien a donné une conférence de presse au siège du centre de la presse internationale à Tunis (Atce). La salle était comble ce jour là et le directeur général de l'OMS n'a pas tari d'éloges sur les acquis de la Tunisie en matière de santé. Une journaliste suédoise posa alors une question à la fois logique et inattendue : «Pourquoi décerner cette médaille à la Tunisie alors qu'elle souffre d'une véritable épidémie de tabagisme ?». Le ministre a failli tomber à la renverse. Il prit la parole et sans doute improvisa la réponse en disant qu'il y a une loi antitabac en préparation. Pure invention du moment pour remédier à cette situation très embarrassante. Ainsi est donc née la loi, juste pour le décor et pour sauver cette médaille très rapidement attribuée à Ben Ali alors qu'elle était destinée à récompenser les efforts de la Tunisie pour réaliser l'un des objectifs mondiaux «la santé pour tous» avant la date fatidique de 2000. Rappelons que nous avons appelé, il y a de cela quelques années, à cesser d'utiliser la date du 20 mars symbole de la liberté et de l'indépendance comme une marque de cigarettes, symbole de l'asservissement et de la dépendance. Hélas sans succès !