La commission internationale du Croissant-Rouge vient de publier le 50e numéro de sa revue al insani (l'humaniste). La présente édition a consacré la part du lion à un thème d'actualité, à savoir la migration clandestine. Le dossier s'inscrit dans le cadre d'une interrogation visant l'analyse de tous les angles relatifs au statut du migrant clandestin. «Coupables ou victimes?», telle est la question à partir de laquelle il devient possible pour les décideurs, ainsi que pour l'opinion publique, de comprendre, et peut-être de compatir, avec cette volonté de tout laisser derrière soi et de partir avec pour seul repère l'espoir en un monde meilleur. Au début, il fallait partir d'une approche psychologique cernant l'idée que se font les deux parties, à savoir les migrants et les habitants des pays d'accueil, sur le phénomène. La migration clandestine est déclenchée à partir du moment que l'individu ressent l'isolement et la marginalisation au sein de sa propre patrie. Pour lui, l'Europe représente le monde où les rêves ont toutes les chances d'être réalisés et où l'estime de soi est récupérable. Fragile, le migrant clandestin est aussi un être qui n'a rien à perdre, mais qui veut, également, gagner et décrocher le gros lot, quitte à risquer sa vie. Ce sentiment et cette situation aussi complexe soit-elle ont permis, dans les pays du Sud, le développement de toute une culture: celle de la fuite. Migrant d'une manière individuelle, en usant des moyens du bord; en groupe de gens solidaires ou en ayant recours aux réseaux locaux ou internationaux, le migrant trouve toujours le moyen de se jeter à l'eau, fermant l'œil sur le risque qu'il encourt. En effet, si dans les petits groupes, l'aspect solidaire encourage les migrants, les moyens matériels, eux, restent non fiables. Les petites barques de pêche ne garantissent aucunement l'arrivée. Quant aux réseaux, notamment ceux internationaux, comme celui tuniso-libyen, la nature, la dignité humaine s'estompent face au matériel. On parle plus de «trafic de migrants» que de service. Le dossier relate, également, l'histoire de Adama, un migrant rongé par la maladie et qui s'est trouvé face à un dilemme existentiel, a réussi à rester dans le pays d'accueil pour traitement; guéri, il devait absolument abandonner son rêve et rebrousser chemin vers son pays d'origine. Et c'est grâce au soutien juridique et humanitaire de Anne, avocate, que Adama a réussi, après 13 années de clandestinité, à obtenir la nationalité française et à exercer sa profession d'enseignant d'anglais dans son pays de prédilection. Abou Bakker Hamed Kahal prenait la route, parmi tant d'autres migrants clandestins africains, vers l'Europe ou, plus précisément, vers l'Italie. Le destin lui a réservé un avenir différent. C'est en Libye que son voyage d'Ulysse a pris fin. C'est là qu'il a pu déployer son génie en tant qu'homme de lettres. Parmi ses œuvres figurent L'odeur des armes, Berkantia ou encore Titaniket efrikiya; ce dernier a été, selon le dossier culturel du journal Al Qods al arabi, le livre le plus vendu en 2008.