La migration à destination de l'Europe ou des autres pays arabes joue un rôle important dans l'absorption d'une partie de la main-d'œuvre additionnelle. Cette émigration trouve son explication dans un certain nombre de facteurs démographiques et socio-économiques. On estime à 950 mille tunisiens émigrés à l'étranger dont 85% en Europe et dans le cadre du projet Mesure « Migration en sûreté », l'Association maghrébine de développement des ressources humaines et l'Agence nationale pour l'emploi et le travail indépendant ont organisé à Hammamet une journée d'information sur l'émigration organisée et concertée. Cette journée a été l'occasion de donner de plus amples informations sur le projet Mesure qui selon M. Abdessalem Nagazi Président de l'Association Maghrébine de développement des ressources humaines « est financé par la commission européenne dans le cadre du programme communautaire. Il est mis en œuvre par un comité de pilotage mixte tuniso-italien de la société civile et vise notamment à soutenir les efforts déployés par les autorités tunisiennes pour améliorer la gestion des flux migratoires à travers l'identification et la mise en œuvre de stratégies qui favorisent l'insertion des candidats migrants dans des parcours de migration légale, organisée et concertée. Mesure prévoit un échange d'informations et d'expériences entre les acteurs socio-économiques de la société. Cette journée vise à sensibiliser les acteurs locaux et les médias concernés par la problématique de l'émigration qui a été toujours un facteur de développement et de croissance économique du pays d'origine et du pays d'accueil »
L'émigration : un contexte socio-économique particulier L'émigration est un phénomène socio-économique lié à plusieurs facteurs. Ces facteurs comme le précisent les Professeurs Hassen Boubakri et Souad Turki sont d'ordre démographique, économique, socio-culturel et politique. Ils touchent tous les pays maghrébins. « Tout d'abord, la croissance démographique élevée agit directement sur le marché du travail où la demande additionnelle d'emploi devient de plus en plus difficile à satisfaire. La population active est de plus en plus instruite et le chômage se répand parmi les diplômés. L'afflux croissant des femmes sur le marché du travail, s'accompagne d'une augmentation des demandes féminines d'emploi non satisfaites. Les secteurs porteurs et à haute valeur ajoutée demeurent peu créateurs d'emplois. La réglementation du travail n'arrive pas à concilier les entrepreneurs et les travailleurs. Les politiques actives de l'emploi, qui malgré de nombreux programmes, restent peu efficaces et mal évalués. Ceci sans oublier les disparités économiques entre les deux rives de la Méditerranée qui constituent l'un des principaux facteurs générateurs d'émigration et le revenu national par habitant, dans les pays maghrébins qui est beaucoup plus faible que celui des pays de destination des flux migratoires. »
Les motivations de la migration La migration touche désormais toutes les régions de la Tunisie, toutes les catégories sociales et une bonne partie de la sphère économique.. Mme Semia Ghazouani chercheur universitaire et expert en communication estime que les motivations de la migration sont nombreuses. « Tout d'abord dit-elle les salaires élevés sans tenir compte de la différence de niveau de vie, l'échappement à l'emprise de la famille et les pressions sociales, le travail au noir peu qualifié et peu rémunéré par rapport aux salaires locaux du pays d'accueil. L'analyse du contexte migratoire tunisien permet de démontrer que l'émigration tunisienne a atteint une certaine maturité. Certains indicateurs montrent que la tendance est en train de se stabiliser, voire de s'inverser vers un essoufflement du mouvement des départs à l'étranger. La décroissance démographique et le développement économique ont généré moins de candidats au départ. Dans le même temps, l'Europe privilégie le traitement sécuritaire de la question migratoire. Malgré ses besoins présents et futurs en main-d'œuvre qualifiée et hautement qualifiée, l'Europe hésite à reconnaître ces besoins et en conséquence, à concevoir une politique migratoire volontariste d'ouverture sur les marchés d'emploi de ses voisins du Sud »
Non à l'émigration clandestine L'initiative Mesure (Migrations en sûreté) entend contribuer à lutter contre l'émigration clandestine et à faire de l'émigration légale un facteur de co-développement et de rapprochement des peuples des deux rives de la Méditerranée. Ce projet Mesure adopte une approche fondée sur la coopération et le partenariat équitable ainsi que sur le respect des droits sociaux et humains des migrants « Non à l'émigration clandestine souligne le chercheur Abdessalem Nagazi. Nous devrons faire face à l'immigration clandestine, identifier et mettre en place des stratégies permettant de réglementer les flux migratoires légaux et de dissuader d'entreprendre un parcours d'immigration clandestine en faisant,d'une part,connaître aux migrants potentiels les opportunités réelles d'insertion durable dans le tissu socio-économique européen et ,d'autre part, en attirant l'attention sur les dangers qui caractérisent le choix d'entreprendre un parcours migratoire illégal. Nous devons informer nos jeunes en leur montrant que l'Europe n'est pas l'Eldorado ni le paradis. Etant donné le caractère souvent mystificateur de cette information, il est crucial de développer des actions de contre-information permettant aux migrants de prendre conscience de ce qui les attend réellement en entreprenant un parcours migratoire. » M.Hamadi Boularès directeur général de l'agence nationale pour l'emploi et le travail indépendant a ajouté : « Il faudrait aussi gérer de manière coordonnée et efficace le phénomène de l'immigration lié à des exigences professionnelles car il est inadmissible d'envoyer des migrants sans qualification professionnelle. Nous devrons orienter les sujets qui souhaitent émigrer légalement et surtout définir une stratégie pour améliorer les opportunités d'insertion socio-professionnelle des migrants à travers l'analyse des contextes socio-professionnels du pays de provenance et des territoires de destination »