Par Hédi BALEGH «A dix-huit ans, si frustrés que nous fussions, nous nous sentions semblables à des dieux» M. François Mauriac (Un adolescent d'autrefois) J'ai mis, hélas, suicides au pluriel parce qu'il ne se passe pas de mois ni parfois de semaine sans que cette terrible nouvelle ne nous parvienne: «Un jeune garçon, ou fille, s'est immolé par le feu». Dans telle ou telle région de notre pays souvent les plus défavorisées. Notre pays, croyons-nous, était jusque-là à l'abri de tels actes suicidaires. Notre climat tempéré, notre ciel bleu qui pèse rarement comme un couvercle, notre mode de vie simple et tranquille, notre Méditerranée préservaient notre jeunesse de tels actes désespérés et somme toute stupides, s'immoler par le feu... Comme si chacun de ces jeunes se comportait avec lui-même comme Dieu avec ses créatures : «Ne brûle avec le feu que le Tout-Puissant», comme dit l'un de nos proverbes qui ajoute : «Ajjabbar», ce qui, dans notre langue tunisienne, signifie : «Le réparateur, le consolateur». De toute façon, personne n'a apporté de la tombe des nouvelles d'outre-tombe de la sanction finale de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. De toute façon, s'immoler par le feu, je le répète, est un acte stupide et insensé surtout à la fleur de l'âge. On n'a pas entendu d'adultes ni de seniors commettre de tels actes, eux qui parfois sont plus proches du désespoir que les jeunes de vingt ans, l'âge, quoi qu'on dise, de l'espoir. Je m'empresse alors de dire que le cas de Mohamed Bouazizi est un cas à part, singulier et circonstanciel. L'histoire dira son mot. «La nécessité et le hasard». Il s'est produit juste au moment où il a servi de détonateur à une grande et singulière révolution. C'est un cas unique qui ne doit guère servir de modèle à certains de nos jeunes appelés plutôt à vivre et à servir leur société qui ne doit plus les pousser au désespoir par une saine éducation et par leur insertion dans le circuit d'un noble travail qui éloigne du besoin, du vice et de l'ennui. - Puisqu'il s'agit de feu, comment ne pas évoquer le souvenir du héros de la mythologie greque : Prométhée. - Ce héros ne s'est pas immolé par le feu mais il a volé le feu aux dieux pour le donner aux hommes. - Le feu, c'est-à-dire la lumière, la chaleur, le confort, la science, bref le vraie vie, etc. Quel bel idéal pour nos jeunes après leur révolution.