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Témoignage d'une mère
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 02 - 2011


Par Me Boutheïna ZMERLI*
Je suis si fière de tous ces jeunes, qui nous ont épatés, surpris même, par leur maturité, leur sens du patriotisme et leur lucidité.
Mais pour nous —moins jeunes —, parents, ayant vécu sous les deux précédents régimes, parfois indifférents, souvent soumis et ayant subi toutes sortes d'humiliations d'injustices cette révolution est aussi un peu notre revanche à travers eux…
Je n'oublierai jamais ces jours et ces nuits qui ont précédé et suivi cet historique 14 janvier où nous passions nos soirées accrochés qui à la TV, passant d'une chaîne à une autre, qui à son ordinateur sur Facebook, en quête d'informations, et à échanger des points de vue.
Ces soirées si froides mais en même temps si chaleureuses, où toute la famille restait unie (merci le couvre-feu) à analyser les faits qui déferlaient à une telle vitesse, que nous nous sentions, les séniors, un peu dépassés.
Nous avons vécu des décennies sous le despotisme et la dictature, sans lever le petit doigt, ou élever la voix, nous avons gardé des réflexes de soumission et de crainte; ma famille meurtrie par l'acharnement du régime de Ben Ali, harcelée pendant des années, poursuivie injustement pour multiples causes totalement fabriquées (prison, diffamation, redressements fiscaux) s'est maintenue, dignement, elle a survécu.
Je me suis résignée comme tant d'autres, je n'osais même pas imaginer que cela pourrait s'arrêter un jour.
L'objectif pour moi restait de sauver ma famille, l'épargner, l'éloigner d'une éventuelle reprise des représailles.
Lorsque au fil des événements, mes enfants et leurs amis me demandaient mon avis, sur la suite que pouvaient prendre les choses, je réagissais toujours, avec mes anciens réflexes, défaitiste, faible et résignée‑: «Ça va passer, disais-je, ils vont les réprimer, ils vont sortir les grands moyens et tout va rentrer dans l'ordre».
Quand Ben Ali, a prononcé son discours du 13 janvier, j'ai même cru qu'il allait s'en tirer‑: «C'est la première fois, dis-je, que je le vois prononcer un discours en arabe dialectal, s'adressant au peuple, sans papier, j'ai même décelé une note de sincérité». J'ai failli le croire, mais eux, les jeunes étaient révoltés. Pour qui nous prend-il, c'est du cinéma‑! c'est ça ce qu'il propose pour résoudre nos problèmes et redresser‑? Le pays et cette mise en scène grotesque, des voitures klaxonnant avec à leur bord des hommes et des femmes criant à sa gloire, banderoles, drapeaux, photos. Quelle mascarade, la machine habituelle‑!
Non, nous n'y croyons pas. Il ne va pas enterrer notre révolution‑! Bouazizi n'est pas mort pour rien. Sur Skype, sur Facebook, au téléphone, unanimes, tous criaient «Ben Ali, dégage‑!», tous demain devant le ministère de l'Intérieur .
Lorsque à 3h00, épuisée, je décidais d'aller me coucher, mon fils m'a dit‑: «Je te jure que demain je serai le premier à y aller».
Mes vieux réflexes refont surface, je t'en supplie n'y vas pas, ils vont vous tabasser, je connais bien le système, pour en avoir été la victime, réflexe d'une mère protectrice, horrifiée à l'idée que la répression nous atteigne de nouveau…
Pourtant, ce vendredi matin, 14 janvier 2011, mon mari (fragilisé par des années d'incarcération injuste) mes enfants et moi-même, nous nous sommes dirigés d'un pied ferme vers l'avenue Habib-Bourguiba .
Nous avons vibré avec la foule, crié les slogans souvent improvisés, chanté l'hymne national, pleuré d'émotion.
C'est seulement à ce moment-là que j'ai senti que c'était bien fini.
Je n'aurai plus jamais peur.
J'ai eu honte de moi, devant ces jeunes qui ont bravé la police, le danger, les représailles, mais je suis si fière de mes enfants, tous les jeunes Tunisiens .
Alors, si pendant ces 20 longues années je n'ai pas eu le courage d'affronter ou de dénoncer toutes les injustices que nous avons subies, ma famille et moi-même, c'était dans le seul souci de protéger mes enfants, leur avenir.
J'ai passé des années à panser mes blessures, au sens propre comme au figuré, et à essayer de reprendre une vie normale. Ma seule consolation est d'avoir réussi à éduquer mes enfants en bons citoyens, conscients profondément des valeurs nobles de démocratie, de respect d'autrui, d'amour de la patrie, sans haine, ni rancune . Ils ne m'ont pas déçue ce 14 janvier – gloire à eux .
Alors, la bande Ben Ali et compagnie, ils se reconnaîtront, je vous dis ceci «peut-être avez-vous réussi à me voler ma vie (à mon âge, 20 années d'exclusion ça compte), mais plus personne ne pourra voler celle de mes enfants».
Demain, liberté, justice, égalité seront les vecteurs de cette nouvelle ère qui s'annonce . C'est votre révolution jeunes Tunisiens‑! Vivez la pleinement, et préservez ses acquis, car cela ne risque pas de se répéter de si tôt. 
Partie d'un mouvement de révolte, le soulèvement du peuple tunisien a réussi à faire tomber un des régimes les plus répressifs de l'histoire contemporaine.
L'exaspération, le ras-le-bol, l'indignation, les injustices, entraînant des actes désespérés (immolation par le feu du martyr Mohamed Bouazizi) ont abouti à une action spontanée, qui s'est répandue à travers le pays telle une traînée de poudre. Sans chef, sans mot d'ordre, sans assise idéologique(malgré les tentatives de récupération) elle s'est pourtant vite transformée en véritable révolution, prônant un changement radical des institutions et des hommes, une nouvelle manière de penser et d'agir. En effet, les slogans des manifestants vont vite se rejoindre autour de grands axes‑: démocratie, liberté d'expression, indépendance de la justice, séparation des pouvoirs , droits de l'Homme. L'action des avocats tunisiens y est pour beaucoup, relayée par la Ltdh, l'opposition (la vraie) l'Ugtt, elle a donné un contenu idéologique à la révolution en traduisant les aspirations du peuple. Ainsi, les exaspérations du départ ont trouvé un écho avec les aspirations  plus profondes de l'ensemble du pays, et se sont transformées en des actes visant à mettre en pratique ces aspirations (création des trois commissions)… Bien sûr il y eut des trébuchements, lors de la constitution du gouvernement d'unité nationale, la caravane de la liberté venant de la Tunisie profonde, réprimée sauvagement, les revendications salariales dans une tentative de récupération par la centrale syndicale unique, quelques grèves anarchiques, les actes de vandalisme visant les biens de la famille du dictateur déchu, dans un désir de vengeance, mais qui atteignaient parfois des innocents, le chaos attribué aux milices de l'ancien parti, tout cela dans un climat où la rumeur nourrie a  semé la terreur dans la population.
Finalement, finalement ,il nous fallut bien du talent ,comme disait le poète ,des concertations, des efforts de dépassement de soi et des intérêts des uns et des autres, des preuves de solidarité, d'espoir et de confiance, pour dépasser ces soubresauts inévitables, et somme toute propres à toute démocratie nouvelle.
La révolution a rendu aux Tunisiens, jeunes et moins jeunes, l'enthousiasme, l'intérêt pour la vie publique et politique de leur pays, où les espoirs les plus fous sont permis. Les analyses politiques  ont foisonné à travers les médis (radios, presse, TV, Facebook), riches par leur diversité, profondes, preuve d'une grande maturité de l'ensemble du peuple tunisien.
Aujourd'hui, un mois après le 14 Janvier 2011, je livre ces quelques impressions‑:
1 - La révolution doit en finir une fois pour toutes avec les pratiques anciennes, mais peut elle faire table rase du passé? Les élites du régime précédent sont et resteront pour la plupart une richesse dont le pays ne peut pas se passer, du moins s'agissant de compétences reconnues et bien entendu celles qui ne sont pas  impliquées dans les magouilles de l'ex-famille régnante. Dans l'étape actuelle notre pays a besoin de toutes ses potentialités pour relever l'économie et remettre le pays en marche.
2 - La révolution peut-elle se contenter de quelques procès prenant l'allure d'une chasse aux sorcières, et semble-t-il à première vue à caractère financier (transferts de devises, achats de biens à l'étranger, détournements de fonds publics), et qui touchent quelques membres de l'ex famille régnante qui ont été rattrapés in extremis‑?
Si aujourd'hui au XXIe siècle, il est malvenu de réclamer les têtes au sens propre, des anciens dirigeants et de leurs familles et autres complices (comme dans toutes les révolutions), il semble nécessaire de faire des procès publics d'une part, et d'être très  vigilants quant à la poursuite des procédures d'extradition et de rapatriement de ceux qui sont en fuite.
D'autre part, il est nécessaire de faire le procès du régime déchu,  pour ses atteintes aux droits de l'Homme. Le dénoncer haut et fort, c'est le droit de tous ces hommes et ces femmes qui ont subi de différentes manières et à des degrés différents, les abus et les injustices de l'ancien régime et de ses sbires, allant de la torture sous toutes ses formes, à l'emprisonnement suite à des procès fabriqués maquillés en délits de droit commun, diffamation, actes de terreur, harcèlement, appauvrissement, toutes ces personnes humiliées, méprisées , montrées du doigt, ces familles brisées, séparées, écorchées ,les espoirs de leurs enfants envolés, leurs rêves évaporés, leurs carrières anéanties; ils ont souffert dans le silence et l'indifférence, trop heureux d'avoir survécu (pas tous malheureusement). A-t-on le droit de les oublier‑? La révolution leur doit au moins une réhabilitation‑!
3 - A qui va profiter la révolution‑?
Une révolution n'appartient jamais au premier qui la déclenche mais toujours au dernier qui la termine et qui la tire à lui comme un butin (Stefan Zweig)
Il est rare de voir une révolution déboucher sur une transition démocratique pacifique sans passer par des périodes de troubles et de violences, qui justifient l'intervention militaire (l'histoire le prouve). Qu'en est-il de la Tunisie‑? Les observateurs, historiens, politologues, décrivent le peuple tunisien comme un peuple pacifique, non porté sur la violence et d'autre part on ne peut que louer le rôle positif et combien responsable qu'a joué l'armée tunisienne, qui s'est rangée du côté de la révolution et qui s'en est même portée garante sans pour autant dépasser ce rôle malgré sa popularité. La Révolution tunisienne sera-t-elle l'exception à la règle‑? Allons nous vivre un miracle à la tunisienne‑? Réussirons nous à organiser les élections démocratiques et transparentes dans les délais promis‑?
Notre souhait à tous est que cette Révolution profite à l'ensemble du peuple tunisien. Pour cela, la classe politique, avec à sa tête le président par intérim, le Premier ministre et son gouvernement, les partis politiques et l'ensemble de la société civile doivent transcender leurs différences et œuvrer afin que les aspirations de la révolution du peuple aboutissent à faire naître une vie politique démocratique, sans exclusions où les libertés ne seront pas un slogan de campagne mais une réalité vécue, œuvrer afin d'améliorer la qualité de la vie de tous les Tunisiens par une répartition équitable des richesses de notre pays aussi bien entre les catégories sociales qu'entre les régions.
Tous les espoirs sont permis !Alors mettons-nous au travail‑! Impossible n'est pas tunisen !
* Avocate à la cour de cassation


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