Par Fethi El Mekki Le monde arabe est à feu et à sang.Le monde arabe est à l'agonie.Les déclarations pompeuses - plutôt trompeuses - de la défunte Ligue arabe n'amusent plus personne et prêtent au sourire. Les monarques arabes, dont la popularité repose sur du sable, peinant à accrocher quelques épaulettes de respectabilité, sont soutenus à vie, par je ne sais qui…à qui on garantit de façon habile l'accès à la mangeoire. Dans la plupart des palais présidentiels, ou si vous voulez, pour être plus précis, palais d'opérette, les scènes stupéfiantes sont récurrentes, les esclandres se suivent et se ressemblent, mais grâce aux bonnes fées, ils sont bien étouffés. Curieusement, les pays arabes qui sont la proie des flammes, hormis la Syrie, sont très riches en pétrole. L'Irak a été dévasté et dépouillé dans une indifférence qui dérange. Le référendum permettant le morcellement du Soudan s'est fait bizarrement au cours du «printemps arabe». Et là aussi, curieusement, 80 % des réserves du pétrole s'est retrouvé providentiellement dans la zone chrétienne. Enfin pour la Libye, ce qui s'y passe est digne d'une comédie burlesque où on a rarement atteint un aussi bas niveau dans l'inacceptable et la crapulerie, aussi bien au niveau de l'Otan que du côté de Kadhafi et consorts. Ce qui était prévu depuis fort longtemps est entrain de se réaliser, comme une machine bien huilée. Winston Churchill, en grand visionnaire, a été le premier politicien occidental à évoquer la dépendance pétrolière. A l'époque, il avait déjà un pied en Abadan en Iran et l'autre à Bakou en Azerbaïdjan, et lorgnait d'un œil gargantuesque l'or noir irakien … En se frottant les mains… Les manigances et les guerres secrètes peuvent commencer, la suite on ne la connaît que trop bien. Parce que le luxe, la débauche, les dépenses folles pour des plaisirs futiles et des satisfactions de vanité rendent la vie difficile. Il faut, pour payer les frais de cette existence fiévreuse, trouver des ressources naturelles. Pour parvenir à cette fin, tous les moyens semblent légitimes et quiconque nourrit des projets déshonorants emploie naturellement la ruse et recourt au vol qualifié. Leurs ancêtres les Croisés A l'époque des Croisades, l'Occident était plus moral, il combattait pour le triomphe de la croix sur le croissant et marchait surtout en ennemi déclaré comme un ennemi loyal. Aujourd'hui, sous un masque de civilisation moderne, la plupart des dirigeants occidentaux partagent encore les idées et les croyances de leurs vénérables ancêtres les Croisés et on voit parmi eux des sujets beaucoup plus sanguinaires que ceux du passé. Depuis bientôt 915 ans, l'Occident (au début par préjugés religieux, puis par intérêts matériels) par l'ambition de dominer et par le prétendu droit à la possession de nouvelles contrées, assassine des millions et des millions de victimes sans aucun regret et entrave la paix. Le monde arabo-musulman a été perpétuellement agressé. Depuis juillet 1096 (1ère croisade des Francs), jusqu'à nos jours, mille scènes d'horreurs ont ensanglanté nos terres. Il a eu droit à tout ce qu'on peut imaginer en matière de sauvagerie, d'atrocités, de pillages, de sanctions et de blocus si chers à l'ONU et à ses maîtres à penser et même de cannibalisme (Maara, décembre 1098, plaine d'Alep, Syrie, où on a fait bouillir des adultes dans des marmites et griller des enfants fixés sur des broches). Les philosophes de l'antiquité pensaient que l'homme est le plus méchant de tous les animaux. Ils n'avaient pas tort. Une fine diplomatie Frédéric le Grand disait : «Comme on est convenu, parmi tous les hommes, que duper son semblable était une action lâche, on a été chercher un terme pour adoucir la chose et c'est le mot politique qu'on a choisi». Depuis, la politique a fait dans cette voie énormément de chemin : la calomnie et la perfidie sont les «armes de destruction massive» de la diplomatie courante qui prépare les interventions politiques puis militaires, dans un but «pieusement» matérialiste. Lorsqu'on ne trouve aucun prétexte pour coloniser certains pays, un petit tour de passe-passe et hop : on proclame qu'ils sont un danger pour l'humanité et l'on s'arroge le droit quasi divin de leur faire gouter les délices de la colonisation et les bienfaits de la démocratie. Les « frappes chirurgicales » par des missiles, toutes tailles et tous calibres confondus, parfumés à l'uranium «appauvri», laisseront place nette aux pétroliers et aux miniers qui vont se ruer pour creuser le sol et pomper gloutonnement les richesses. Quand certains quartiers seront «sécurisés», c'est au tour des multinationales et des hommes de la Bourse de venir s'installer. Ainsi, les militaires préparent le terrain que cultivent les hommes d'argent et bien entendu à chaque pays son scénario. Eloge du désordre Pour agir en toute impunité, les décideurs se doivent d'anesthésier le droit international. Ainsi, les accords de Sykes-Picot (16 mai 1916) et le traité de Sèvres (10 août 1920), conçus dans l'intrigue et formés dans la cupidité ont été le trouble-paix de l'Orient et ont surtout permis aux «puissants» de se partager froidement l'exceptionnel gâteau qu'était l'Empire ottoman. Pour boucler la boucle et pour que leurs concitoyens puissent être admiratifs lors des massacres, il leur faut montrer un musulman répugnant. Ainsi régulièrement, des illuminés apocryphes et des écrivaillons apparaissent, on ne sait comment, pour insulter l'Islam et son Prophète. On y retrouve les Salman Rushdie, les Oriana Fallaci, l'auteur des caricatures du Prophète et ses semblables et même des prêtres et des curés, qui vont jusqu'à uriner sur le livre sacré, voire le brûler. Tout ce beau monde jouant parfaitement le rôle qui leur est dû. Etrangement, la réaction violente de barbus enturbannés sortis d'on ne sait où, moches, sales, courant pieds nus, vociférant que la fin du monde est pour les jours à venir, sera filmée par des caméras bien placées et le tout sera évidemment retransmis en boucle sur des centaines de chaînes occidentales durant la soirée. Malgré cet habillage de façade, il est clair que ces idioties ont été savamment orchestrées pour justifier l'injustifiable. Les êtres inférieurs Grâce à Rupert Murdoch ( patron de 175 chaînes de télévision) et ses clones, pour le «blanc» instrumentalisé à souhait par ces médias de pacotille, le musulman arabe est un barbare, toujours souillé du sang de ses victimes, un fanatique qui ne cesse de persécuter les adeptes du Christ et de brandir le Coran à tout bout de champ, en hululant. C'est aussi un être malfaisant, cause de tous les malheurs de l'Occident, nourri de haine ; il ne doit inspirer que de la haine, et de son extermination (ou de l'occupation de son pays) dépend la tranquillité du monde. Durant la première moitié du 20e siècle, l'autochtone servait en tant que main-d'œuvre presque gratuite ou, s'il avait un peu plus de chance, en tant que chair à canon quelque part en Europe ou en Asie. Mais au fait, quel est l'avenir de ces « simplets » possesseurs de richesses et quels bienfaits recueilleront-ils de ces heureuses interventions ? Ce qui est sûr, c'est que ces peuples ne sont pas et ne seront pas maîtres de leur destinée, puisque ce sont les autres qui disposent d'eux. La faillite Sans vouloir l'admettre, ces assassins ont trompé le monde entier et discrédité en même temps leur propre pays. Pour nous «sous-développés», les mots révolution, démocratie, droits de l'Homme, civilisation, droit d'ingérence, religion, par lesquels on a leurré le monde, n'inspirent plus que suspicion et appréhension. Il faut se l'avouer, ces mots eux-mêmes ont fait faillite. Aujourd'hui on est pleinement convaincu que dans les relations diplomatiques, tout système, toute intervention cachent une fourberie. Il est vraiment dommage que les mots fraternité et solidarité ne soient sur les lèvres de ces oiseaux de paix que comme un moyen hypocrite de faire des dupes. Quant à l'ONU (qualifiée de «machin» par De Gaulle), au FMI (réputé ces jours-ci pour ses gaudrioles et cabrioles), à la Banque mondiale et à toutes ces institutions dévitalisées et décadentes, créées pour servir d'enveloppe juridique à ces voyous, ce ne sont que des ruches qui permettent à ces messieurs de faire leur miel. Robespierre en 1791, disait : «Périssent les colonies, plutôt qu'un principe». Pour Ahmed Reza, auteur de la «Faillite morale de la politique occidentale en Orient» (1922), les politiques contemporains disent : «Périssent les principes, plutôt que les colonies».