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« Sommes-nous devant un cas de dictature des banques ? »
Interview : M. Sami Remadi, président de l'Association tunisienne de transparence financière
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 06 - 2011

Comment les Tunisiens peuvent-ils récupérer les avoirs spoliés, pillés et déplacés à l'étranger par le président déchu, son épouse et les membres de leurs familles ?
La Suisse fait-elle tout son possible pour répondre aux demandes en bonne et due forme d'entraide judiciaire ?
Les autorités suisses sont-elles en mesure d'obliger les banques fédérales à déclarer publics les fonds des dictateurs ?
Le Dr Sami Remadi, président de la jeune Association tunisienne de transparence financière, qui vient d'organiser une conférence sur le thème : «Fuite des capitaux et droit international, le dictateur déchu et le receleur et les banques suisses», répond à ces interrogations en exprimant «ses doutes quant à la sincérité des banquiers qui acceptent des fonds illicites de dictateurs notoires et sans scrupules». Interview
A combien évaluez-vous le total des avoirs de Ben Ali à l'étranger et quels sont les pays où cet argent est déposé ?
Les avoirs de Ben Ali ont été estimés à 23.000 millions de dinars. Cet argent a été déposé dans divers pays, entre autres la Suisse, la France, le Canada, la Grande-Bretagne, le Luxembourg, les Emirats, le Qatar, les îles Caïmans, le Congo….
Comment êtes-vous parvenu à arrêter le chiffre global des avoirs du président déchu ?
Les chiffres globaux des fortunes des divers dictateurs sont arrêtés par des ONG telles que Forbes et Transparency International.
Les autorités suisses reconnaissent que les avoirs placés par le président déchu dans les banques suisses s'élèvent à 90 millions d'euros mais elles invoquent le secret bancaire qui demeure l'obstacle n°1 entravant la récupération par la Tunisie de cet argent ? Que peut-on faire pour trouver une solution à cet imbroglio ?
Les chiffres déclarés par les banques suisses sont 60 millions de francs suisses. Les autorités suisses invoquent le secret bancaire pour faire entrave à la récupération de cet argent. Pourtant, le paragraphe 7 de l'article 31 de la Convention des Nations unies contre la corruption(ratifiée par la Tunisie le 23 septembre 2008 et par la Suisse le 24 septembre 2009) stipule : «Aux fins du présent article et de l'article 55 de la présente Convention, chaque Etat partie habilite ses tribunaux ou autres autorités compétentes à ordonner la production ou la saisie de documents bancaires, financiers ou commerciaux. Un Etat partie ne peut invoquer le secret bancaire pour refuser de donner effet aux dispositions du présent paragraphe».
Vous appelez au renversement du fardeau de la preuve, en obligeant les banques suisses à prouver que les avoirs tunisiens en leur possession ont été acquis légalement. Considérez-vous que votre proposition a des chances d'aboutir ?
Nous appelons au renversement du fardeau de la preuve, et demandons que ça soit à la personne qui a spolié le pays d'apporter la preuve que son argent est d'origine licite. C'est le cas dans la loi Duvalier. Pour nous, ça sera un test de la bonne volonté des Suisses
Quel sort a été réservé à la pétition signée par plus de 10 mille citoyens tunisiens et remise le 23 mars dernier à l'ambassadeur suisse ?
La pétition délivrée à l'ambassadeur suisse comportait 10.260 signatures. En réponse, nous avons reçu une lettre de Madame Micheline Calmy-Rey, la Présidente de la Confédération, dans laquelle elle dit : «…Il faut maintenant que les autorités judiciaires remplissent leur tâche. Rappelons qu'en Suisse, tout comme en Tunisie, qui sont tous les deux des Etats de droit, il appartient toujours à un juge de décider de l'illicéité des avoirs en question…». Comme elle a promis d'appuyer les démarches de l'Association à soutenir les procédures pénales en Tunisie, disant : «….. de son côté, la Suisse fait tout son possible pour appuyer, au besoin, les autorités judiciaires tunisiennes dans ce domaine….».
Elle a affirmé également qu'elle est persuadée que les efforts conjoints des autorités compétentes tunisiennes et suisses s'effectueront dans les meilleures conditions, soulignant : «…..Je vous assure que les autorités suisses feront tout leur possible pour répondre au plus vite aux demandes en bonne et due forme d'entraide judiciaire que les autorités tunisiennes pourront lui adresser et que toutes les autorités suisses soutiennent autant que possible les autorités tunisiennes dans leurs démarches….».
Votre association a décidé de recourir au Conseil international des droits de l'Homme après que les banques suisses eurent exigé des plaignants les numéros des comptes bancaires douteux ? Quelles sont les mesures que l'association peut prendre dans ce domaine ?
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966, ratifié par la Tunisie en 1969, mentionne dans son article premier, paragraphe 2 : « Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance ».
La décapitalisation et la spoliation organisée du peuple tunisien par le président déchu et son entourage, aidés par les Etats receleurs, vont à l'encontre de l'article cité en marge, du moment que le peuple tunisien a été privé de ses ressources, et de ses propres moyens de subsistance. En fonction de l'évolution des démarches de restitution des avoirs du peuple tunisien, il n'est pas exclu qu'on soit amené à porter l'affaire devant le Conseil des droits de l'Homme.
Les autorités suisses sont-elles disposées à obliger les banques suisses à révéler les avoirs illicites déposés par les dictateurs ?
Les autorités suisses nous disent disposer d'un système efficace pour combattre les fonds d'origine illicite, notamment ceux de personnes politiquement exposées (PPE). Elles disent aussi disposer d'une législation sévère sur la lutte contre le blanchiment d'argent qui comporte des obligations étendues de diligence et d'annonce à la charge des instituts financiers, notamment la Loi sur le blanchiment d'argent (LBA). Les mesures qui y sont prévues servent en premier lieu à la prévention, c'est-à-dire à empêcher l'investissement de biens d'origine illicite en Suisse.
En effet, les banques sont tenues d'effectuer un monitorage attentif et consciencieux permettant de s'assurer de l'origine licite des fonds aboutissant dans leurs coffres. Le banquier qui ne respecterait pas ces consignes se rend coupable de blanchiment.
Ce qui s'est produit dans le cas du dictateur déchu et des potentats voisins (libyen et égyptien) nous laisse douter de l'efficacité de cette loi abandonnée à l'autonomie et la mauvaise volonté des intermédiaires financiers, ça nous laisse douter également de la sincérité des banquiers qui travaillent hors la loi, acceptant des fonds illicites de dictateurs notoires sans scrupules. En effet, si cette loi était appliquée correctement, les avoirs illicites du clan Ben Ali n'auraient jamais pu aboutir sur des comptes bancaires suisses.
A notre avis, l'infraction est évidente, rendant coupables les banquiers au sens de la loi sur le blanchiment d'argent.
D'autre part, on se demande dans quelle mesure les autorités fédérales souhaiteraient obliger les banques à se plier à leur demande de déclaration des fonds des dictateurs. En effet, l'article 5.2 de l'ordonnance du 19 janvier instituant des mesures de gel concernant les avoirs du président déchu et son entourage dit : «Quiconque intentionnellement ou par négligence viole l'obligation de déclarer est puni d'une amende de 20.000 francs suisses au plus». Nous pensons qu'il est évident que les banques qui intentionnellement ne déclarent pas les fonds du dictateur ne vont pas faire faillite en payant cette amende. La comparaison de ce chiffre avec les trois ans de prison ferme réservés par la loi au professionnel de banque transgressant le secret bancaire se passe de tout commentaire.
Beaucoup d'observateurs estiment que le président déchu a recouru aux comptes numérotés et aux sociétés écrans ? Qu'est-ce qu'on peut faire pour démasquer ces pratiques ?
Au vu de l'article 40 de la Convention des Nations unies contre la corruption qui énonce : «Chaque Etat partie veille, en cas d'enquêtes judiciaires nationales sur des infractions établies conformément à la présente Convention, à ce qu'il y ait dans son système juridique interne des mécanismes appropriés pour surmonter les obstacles qui peuvent résulter de l'application de lois sur le secret bancaire».
Nous demandons aux autorités suisses et aux intermédiaires financiers de faire toute la lumière sur les comptes à numéros et les sociétés écrans du dictateur déchu et de son entourage, comme nous demandons à ce que Monsieur le procureur général se saisisse d'office pour crime de blanchiment d'argent.
En date du 18 mai 2011 dans un article paru dans le journal La Tribune de Genève, portant sur une «fuite» d'une lettre adressée par le président de l'Association des banquiers suisses à la Présidente de la Confédération, le banquier a critiqué le Conseil fédéral pour sa précipitation au gel des avoirs des dictateurs arabes déchus. Il a jugé que cet acte pourrait faire fuir les clients des banques suisses (dictateurs du sang, mafieux, parrains de la drogue…). Sommes-nous devant un cas de dictature des banques ? Comme a dit Monsieur Ziegler, espérons que ces chers banquiers ne vont pas précipiter la Suisse dans l'empire de la Honte.


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