Par Abdelhamid GMATI C'est ce que semble nous dire l'ex-président Ben Ali, depuis son exil doré. Plusieurs de ses messages nous ont été transmis par ses deux avocats, libanais et français, commentant les événements le concernant. On y append qu'il «conteste vigoureusement» toutes les accusations portées contre lui, qu'il espère que son pays «surmontera le chaos et l'obscurité» dans lesquels il se trouve, qu'il nie avoir eu de la drogue ou de l'argent (trouvés dans son palais de Sidi Dhrif), que les armes trouvées au Palais de Carthage sont «des cadeaux», que son procès du 20 juin est «une parodie de justice» et que malgré cette «anecdote judiciaire indigne», il garde l'espoir que «la sérénité sera bientôt retrouvée, que la concorde nationale se réinstallera et que la Tunisie s'engagera de nouveau sur le chemin de la modernité». On a beau lire et relire, étudié et réétudié les dires de l'ex-président, à travers ceux de ses avocats, on ne décèle aucune once de regret, aucune excuse, aucun mea culpa, encore moins des excuses pour ce qu'il a fait au peuple tunisien, lui et sa smala ; même pas une redite de son «on m'a trompé». Le gars a la conscience tranquille. Mais comme toutes ses déclarations ne sont pas celles de quelqu'un qui se défend, qui défend sa cause, on est en droit de se demander «pourquoi ces interventions survenues juste avant et après son procès ?». Car rien n'est fortuit. Ne pouvant être présent à son procès, pour des raisons faciles à deviner, Ben Ali n'étant pas un exemple de courage (au contraire), et ses avocats étrangers ne pouvant le représenter, de par la loi tunisienne, il lui fallait bien trouver une parade pour se prémunir contre une éventuelle extradition et d'éventuels poursuites et mandats d'amener internationaux. Certainement sur instigation de ses avocats, il a choisi de jeter le discrédit sur la justice tunisienne. Les premières déclarations sur le «chaos et l'obscurité», son «attachement» à son pays et les vœux qu'il émet, la contestation de preuves matérielles réunies dans ses palais puis la mise en cause multiforme de son procès ne visent que cet objectif : éroder le capital «sympathie» que la Révolution a suscité partout dans le monde, faire douter de l'avenir du pays, éveiller les soupçons quant à la viabilité, l'équité de la justice tunisienne post-révolutionnaire… Le premier résultat serait pour lui d'être tranquille : aucune extradition ni poursuites ne pourront être menées contre lui, vu que dans son pays il ne jouirait pas de ses droits à la défense et ne pourra pas avoir un procès équitable. Ce n'est pas une vue de l'esprit ni une spéculation infondée. Plusieurs commentaires internationaux, en France, au Canada entre autres, ont émis des réserves quant au déroulement du premier procès Ben Ali. Certains ne comprennent pas pourquoi des avocats étrangers ne peuvent pas le défendre, pourquoi les avocats ne peuvent que présenter des «observations de forme» mais pas de plaidoirie…Ces dispositions sont certes légales, conformes aux lois tunisiennes mais elles paraissent discutables aux yeux de certains, comme certaines organisations. Par exemple : la Fédération internationale des droits de l'homme, ainsi que notre Ltdh et le Conseil national pour les libertés en Tunisie ont émis un communiqué dans lequel ils «saluent la condamnation prononcée, hier, par la Chambre criminelle du Tribunal de première instance de Tunis de Zine El-Abidine Ben Ali et de son épouse pour détournement de fonds publics, mais déplorent cependant que le procès ne se soit pas déroulé dans des conditions sereines et irréprochables». Et ils ajoutent : «Les débats au cours de ce procès ont été particulièrement brefs, et ce, en vertu des règles toujours en vigueur en droit pénal tunisien, qui ne prévoient pas que les avocats d'un accusé jugé par contumace, bien que présents à l'audience, puissent plaider pour la défense de leur client. De telles dispositions qui nuisent à la crédibilité de la justice tunisienne doivent être abrogées et nos organisations appellent à une réforme allant dans le sens d'un plus grand respect des droits de la défense». D'un autre côté, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est dite préoccupée par une situation politique «très fragile» et «elle invite les forces politiques et civiles tunisiennes à faire preuve de responsabilité et à ne pas mettre en péril le processus de transformation en cours». Cela voudrait-il dire que la confiance dont jouit la Tunisie s'érode ? Cela risquerait d'avoir quelques effets négatifs, particulièrement en matière économique. Reste que pour contrer Ben Ali et ses noirs desseins, il n' y a pas 36 solutions, il n'y en a qu'une : faire réussir cette révolution et édifier une Tunisie démocratique, prospère, où il fait bon vivre et où tous les Ben Ali (les tyrans ou aspirants) n'auraient aucune place. Pour cela, tous les Tunisiens doivent s'y mettre : gouvernement (provisoire ou pas), partis politiques, syndicats, organisations nationales, intellectuels, administrations, entreprises, ouvriers, paysans, étudiants, jeunes et moins jeunes, tous ont la chance unique d'oublier les différends, les revendications circonstancielles, la chasse aux sorcières, la course au pouvoir. Ce n'est que de cette façon qu'on clouera le bec à ce tyran revendicatif. Et peut-être réussira-t-on ce miracle : qu'il se sente fautif, coupable et que sa conscience ne soit pas si tranquille. Il paraît qu'il a déjà quelques insomnies ; mais c'est dû à Leïla, semble-t-il.