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Pour une nouvelle politique de l'eau en Tunisie
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 06 - 2011


Par Habib AYEB*
Depuis le 14 janvier 2011, plusieurs débats de société incontournables et parfois même productifs occupent l'espace public : des commissions diverses aux pages Facebook en passant par la rue et les terrasses de café, sans oublier les médias ... Cependant, certains sujets liés aux droits humains fondamentaux, n'ont pas bénéficié de l'attention et de l'espace nécessaires. Parmi eux, celui du droit à l'eau, pourtant fondamentalement politique. Lors de la grande manifestation du 14 janvier et pendant toutes les semaines qui l'ont précédée, des centaines de milliers de manifestants ont scandé la fameuse formule "khobz we maa we ben Ali laa". Or, parmi eux, nombreux sont ceux dont l'accès à l'eau est plus ou moins limité. En effet, malgré la forte modernisation des infrastructures hydrauliques du pays et la grande mobilisation des ressources, des dizaines, voire des centaines de villages ne bénéficient actuellement toujours pas des infrastructures de base. De plus, plusieurs centaines, de milliers de familles sont encore dépourvues de point d'eau à domicile, contraintes parfois de l'acheter à des prix trois ou quatre fois supérieurs aux tarifs officiels. D'autres ont vu leurs abonnements Sonede annulés et leur accès à l'eau publique coupé pour non-payement des factures. Pourtant, en plus de constituer une privation d'un droit humain fondamental reconnu par les Nations unies, l'absence d'accès à l'eau potable est source de marginalisation sociale et économique. Seul l'Etat peut en garantir, à tous, un accès suffisant en quantité et en qualité. Une sécurité uniquement possible avec la gratuité totale.
Osons la gratuité
J'entends déjà les réactions au mieux sceptiques, au pire moqueuses. Certains n'hésiteront pas à me traiter de rêveur, voire de populiste. Pourtant, la Tunisie ne serait pas le premier en la matière. En Afrique du Sud, en Bolivie, en Equateur, au Népal, la Constitution, qui érige l'eau en un bien et un patrimoine communs, interdit leur privatisation, garantit à tous son accès gratuit et permanent. La Tunisie s'honorerait à être le premier pays méditerranéen et arabe à garantir un accès gratuit et sécurisé à cette ressource indispensable. Généralement, la Tunisie est présentée comme le pays de la rareté hydrique, exposé à court terme à une grave crise hydrique. Pour forcer le trait de la menace, on rappelle que la disponibilité volumétrique totale en eau ne dépasse pas les 600 mètres cubes par personne et par an, soit en dessous d'un seuil de rareté hydraulique situé à 1.000 m3/p/an. Un niveau accepté comme une vérité scientifique jamais remise en question, alors même qu'on sait qu'il ne correspond à rien de rigoureusement défendable. Peut-on en effet appliquer les mêmes seuils pour des populations qui vivent à Tokyo et d'autres à Mogadiscio? Ou encore plus près de nous, aux habitants de Sidi Bou Saïd et de Sidi Bouzid ?
Il ne s'agit en aucune manière de gratuité totale, philosophiquement impensable, économiquement irréalisable et écologiquement catastrophique et contre-productive. Plus précisément, la proposition se décompose en deux principes : assurer à tout résident l'accès libre, inconditionnel, irrévocable et gratuit à une quantité d'eau potable couvrant l'ensemble de ses besoins. Ceux-ci se situent à environ 75 litres par personne et par jour, selon une moyenne internationale. En Inde, plusieurs études montrent que les besoins individuels en eau potable oscillent entre 40 et 50 litres par personne et par jour. En Tunisie, selon les données de la Sonede, ils pourraient atteindre les 50 litres par personne et par jour. Puis, quel que soit le chiffre adopté, toute consommation d'eau au-delà du volume accordé gratuitement doit être surtaxée et tarifée à un niveau dissuasif. Rien n'interdit d'appliquer des tarifs comparables à ceux du pétrole ou d'aligner le prix de l'eau hors besoins à ceux appliqués à l'eau en bouteille.
L'application stricte et systématique de cette politique double permettra, en plus du respect du droit à l'eau, l'élévation du confort hydraulique général, la lutte contre la marginalisation et les gaspillages des plus aisés qui ne rechignent pas devant le plaisir d'un jardin, d'une piscine... ou tout simplement de douches illimitées… Avec une mise à disposition régulière et sécurisée de l'eau, tout citoyen peut d'une part accéder à une hygiène minimale, réduisant son exposition aux maladies épidémiques et d'autre part réserver l'argent de l'eau à l'acquisition de biens qui amélioreront son niveau de vie général. Des charges en moins pour l'Etat et la société. Mais, l'eau ne sert pas uniquement à la consommation humaine et à l'hygiène. Sans eau, point de production agricole et alimentaire. D'où la nécessité d'élargir le débat à cet aspect de la politique de hydraulique.
Osons la fin de l'irrigation intensive
Deux lignes fortes sont encore à l'œuvre aujourd'hui: la mécanisation agricole pour augmenter productivité et rendements ainsi que la mobilisation des ressources hydrique pour élargir les espaces irrigués du pays. Des dizaines de barrages ont été construits et de nombreux forages profonds pompent des quantités considérables d'eau, notamment dans toute la partie méridionale du pays. Au total, la Tunisie mobilise aujourd'hui environ 4,8 milliards de mètres cubes d'eau. La surface irriguée du pays a été multipliée par quatre en moins de 40 ans, passant d'environ 120 000 ha en 1970 à un peu moins de 500 000 ha en 2010. D'où une surconsommation et l'exploitation minière des ressources hydriques du pays. Aujourd'hui, on est en droit de se demander à quoi ont servi ce grand effort de mobilisation et l'élargissement de l'irrigation intensive notamment autour des oasis du sud et les régions steppiques de la grande plaine de la Jeffara, sans oublier les grande zones d'irrigation du Cap Bon et du Sahel... Car en 2008, la Tunisie n'a pu échapper à la crise alimentaire mondiale, alors que les exportations agricoles n'ont subi aucune baisse. La confirmation par excellence de ce statut paradoxal de pays à la fois exportateur agricole et importateur alimentaire.
Malheureusement, quand on regarde de près le bilan global de la politique hydraulique et hydro-agricole du pays, force est de constater que le développement a d'abord porté sur les produits agricoles non alimentaires destinés à l'export (primeurs, fleurs etc…) ou consommables mais orientés vers les marchés internationaux (comme les agrumes, les dattes notamment les fameux deglet Nour…). Des sommes colossales ont été dépensées pour collecter des milliards de mètres cubes d'eau exportés à l'étranger sous forme d'oranges, de dattes, de primeurs et de fleurs. C'est la matérialisation parfaite du concept d'eau virtuelle qui fait de l'eau une simple matière première. Les décideurs actuels conservent la même orientation et ne cessent d'affirmer vouloir continuer la mobilisation des ressources hydriques pour augmenter les exportations. Alors faute de mieux, osons au moins la cohérence : soit la Tunisie ne souffre pas de la rareté hydrique et alors la gratuité de l'eau potable est parfaitement possible ; soit ses ressources hydriques sont limitées et, dans ce cas, il faut non seulement imposer la gratuité de l'eau, mais interdire l'irrigation des déserts et l'agriculture d'exportation avant que la crise ne devienne réalité. Une étude scientifique rigoureuse réalisée par les services du Crda de Gabès sur les nappes du Sud-Est tunisien montre d'une manière irréfutable qu'elles seront épuisées avant 2050. Précisons que cette conclusion ne prend pas en considération l'augmentation en cours des pompages.
Cinq axes pour un nouveau modèle de développement
Ces solutions envisageables passent forcément par un changement radical des politiques agricole, hydraulique et écologique pour un nouveau modèle de développement qui s'appuierait sur les cinq axes suivants :
- L'eau qui sert à des productions agricoles non alimentaires doit être payée à des prix dissuasifs.
- Les régions oasiennes et " naturellement " humides doivent pouvoir bénéficier d'un accès gratuit à l'eau d'irrigation à hauteur de 6 ou 8. 000 mètres cubes par an et par hectare cultivé, au grand maximum pour la production alimentaire et/ou l'entretien de la biodiversité naturelle locale.
- Les espaces cultivés non agricoles, comme les jardins, les terrains de golf et autres espaces publics et touristiques ne doivent utiliser que les eaux usées retraitées et recyclées de manière systématique.
- L'exportation de produits agricoles non alimentaires ou primeurs doit être surtaxée. Une taxe "eau" doit être imposée dans les forfaits touristiques.
- L'ensemble des taxes et des revenus issus de la fourniture d'eau potable ou d'irrigation doit alimenter un organisme public chargé de la politique hydrique du pays.
Le pays ne peut plus continuer longtemps dans cette fuite en avant et dans la stratégie du court terme. Parmi les solutions présentées, deux finiront par s'imposer : la gratuité limitée et contrôlée de l'eau potable et la fin de l'irrigation intensive en dehors des oasis et des zones humides. Aujourd'hui le débat s'impose, le refuser serait politiquement irresponsable voire criminel. Mais il ne doit en aucun cas se limiter aux spécialistes de l'hydraulique. L'eau est une question trop importante pour la laisser aux seuls experts. Alors saisissons-là !


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