En partenariat avec la Coopération allemande au développement (GTZ), le Centre interuniversitaire européen pour les droits de l'homme et la démocratisation (Eiuc) et avec le soutien financier du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ), de la Commission européenne et de la Commission de Venise du Conseil de l'Europe, le Centre de la femme arabe pour la recherche et la formation (Cawtar) organise un séminaire international sur «l'égalité des genres dans les réformes constitutionnelles et législatives» du 28 au 30 du mois courant. Ouvrant les travaux, hier, à Tunis, en présence de plusieurs activistes relevant d'ONG féminines, de femmes politiques européennes et de divers médias, Mme Soukeina Bouraoui, directrice exécutive du Cawtar, a fait remarquer que le sujet constitue, à bien des égards, une actualité brûlante, compte tenu de la profonde mutation que vit le pays sur tous les plans. Le fait de s'ouvrir sur les expériences de certains pays européens en matière d'égalité entre les genres, a-t-elle noté, permet d'enrichir l'expérience tunisienne, dès lors que l'on s'apprête à élaborer la nouvelle Constitution. Dans ce sens l'intervenante a précisé que la révolution tunisienne a permis au Kawtar d'intensifier son travail en Tunisie et d'exercer plus librement afin d'approfondir la recherche et élargir ses champs d'investigation, pour aborder des questions ayant trait au renforcement de la présence des femmes dans les instances publiques et politiques, aux droits de la femme et à la formation des journalistes et chercheurs dans plusieurs secteurs. Un engagement partagé Dans la même optique, Mme Bouraoui a indiqué que les décideurs politiques devront désormais tenir compte des différentes études sociales réalisées par les instances compétentes pour entreprendre les réformes nécessaires. Et d'ajouter que la garantie de la parité homme-femme est un paradigme immanquable pour une nouvelle République prospère et moderne. Dans son allocution, Dr. Horst-Wolfram Kerll, ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne à Tunis, a rendu hommage au peuple tunisien pour son soulèvement courageux contre la dictature. Un soulèvement qui a servi d'exemple pour toute la région arabe, a-t-il ajouté. Abondant dans le même sens, il a affirmé que les élections de l'Assemblée constituante seront une date- clé dans le processus de démocratisation de la Tunisie. Il n'a pas manqué, par la suite, de formuler l'espoir de voir la Tunisie s'acheminer vers une stabilité politique et économique durable, soulignant la disposition de son pays et de l'Union européenne à contribuer activement à la réalisation de ce noble objectif. Se penchant sur la question de l'égalité entre les sexes lors de l'élaboration de la nouvelle Constitution, l'ambassadeur a précisé qu'en Allemagne le plan d'action national pour la promotion de l'égalité entre les genres est le fruit d'un engagement partagé entre tous les ministères allemands pour soutenir toutes les parties et instances œuvrant pour la réalisation de cet objectif dans le monde entier. Il a, ensuite, observé que la transition démocratique passe nécessairement par l'inscription du principe de la parité homme-femme dans la Constitution, notant que cela doit être la préoccupation non seulement du gouvernement mais aussi des organisations de la société civile. Dans la même perspective, il a affirmé que le principe d'égalité entre les sexes est presqu'inscrit dans toutes les constitutions. Or il se trouve que l'écart est de taille entre les textes et la réalité. D'où la nécessité de soutenir davantage la cause féminine en garantissant davantage l'application des textes. Processus de transition au Maghreb Abordant le principe d'égalité entre les sexes dans les processus de transition au Maghreb, Mme Hafidha Chekir, professeur universitaire et membre de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique en Tunisie a fait remarquer que la contribution effective des femmes dans la révolution tunisienne suscite plus d'attachement à une politique sociale égalitaire entre les deux genres. Au fil de son intervention, elle a observé qu'en Tunisie, en Egypte, en Libye et au Yémen, on demande une révision des Constitutions en vigueur pour le renforcement de la démocratie et la réhabilitation de la citoyenneté. L'intervenante a par la suite évoqué l'expérience marocaine dans la consécration de l'égalité entre l'homme et la femme inscrite dans l'article 19 de la Constitution marocaine. Elle a, en outre, avancé que la constitutionnalisation du principe de la non-discrimination contre la femme constitue en soi une préservation de la dignité de la femme. Cela nécessite, a-t-elle signalé, des principes d'accompagnement et une garantie de son application. «C'est un principe structurant de la République et essentiel à la compréhension des rapports entre gouvernants et gouvernés». Expériences de transition démocratiques européennes Deux modèles ont servi de référence pour débattre de l'expérience européenne en matière d'égalité homme-femme, à savoir le modèle espagnol et le modèle croate. S'agissant du premier, Mme Ayala Sender, membre du Parlement européen (Espagne), Délégation pour les relations avec les pays du Maghreb et l'Union du Maghreb arabe, s'est attardée sur les stratégies adoptées par son pays pour consolider le principe d'égalité homme-femme, de manière à faire du modèle espagnol un exemple pour tout le continent européen. Ce, en améliorant la présence de la femme dans les conseils d'administration des institutions publiques et des entreprises privées. La femme espagnole, a-t-elle révélé, a souffert le martyre pendant le règne du dictateur Franco. Elle était privée des moindres droits et obéissait aveuglément aux ordres autoritaires du mari, du père et du frère sans pour cela revendiquer quoi que ce soit. Et c'était entre 1975 et 1977, date des premières élections démocratiques et après la mort du dictateur qu'un grand débat a été engagé sur les droits de la femme au sein du Parlement franquiste. Lequel débat a permis aux organisations de la société civile, aux milieux universitaires, aux partis communistes et aux différents activistes d'exiger plus haut une réforme générale visant la garantie de la parité entre les hommes et les femmes au sein de la société espagnole. C'était en 1978 que la société espagnole a eu sa première Constitution démocratique où le principe d'égalité entre les sexes est un principe fondateur. Un principe encore renforcé par la fondation de l'Institut de la femme, où l'on se penche sur tous les sujets ayant trait à la cause féminine en Espagne. De son côté Mme Slavica Banic, Juge à la Cour constitutionnel de la République de Croatie et membre suppléante de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise Conseil de l'Europe) a salué le peuple tunisien pour sa glorieuse révolution, avant de souligner que dans la plupart des anciens pays socialistes la femme a constamment souffert de la discrimination à son égard. Sachant que l'égalité entre les sexes y a été reléguée en arrière-plan. C'était en 1997, a-t-elle indiqué, que le gouvernement croate a adopté la première politique nationale de promotion de l'égalité des genres. Ce qui a permis par la suite de mettre en place une série de règlements garantissant cette égalité. Laquelle égalité a permis à la femme d'assurer sa présence au sein du Parlement et dans les postes de décision. Une présence qui n'a pas pour autant changé depuis 2000. C'est pourquoi, il reste un grand travail à faire, ajoute-t-elle.