Sidi Bou Saïd occupe une place importante dans notre patrimoine. Or Sidi Bou Saïd, le soufi, a été victime de son succès puisqu'il a été spolié, défiguré, déclassé en tant que patrimoine de l'Unesco (voir La Presse du 24 mai). Véritablement, la liste est longue et l'inventaire est pesant. Aujourd'hui malheureusement, après tant d'atteintes, nous sommes loin des critères habituels auxquels répondait son architecture d'antan, née de la passion des artisans de l'architecture anachronique aux beautés légendaires. Les Bousaïdiens, fiers et combatifs, s'occupent scrupuleusement de leur legs, clament haut et fort les différents dépassements dont le village a fait l'objet et appellent la commission d'enquête sur les faits de malversation et de corruption et l'autorité communale fraîchement nommée à revoir les dossiers encore en chantier et à réviser les cas des biens immobiliers appartenant à la «Société El Béji» gérée par le maire de la commune, qui ont été cédés à des prix dérisoires au profit de proches de l'ancien pouvoir tels «l'hôtel Sidi Bou Farès», le «Café Dar Dallagi», le club Alyssa ou encore les locations déguisées en vente au profit de riches commerçants pour renflouer davantage leur caisse. Tant d'injustice, de profit, de spoliation et d'octroi de permis de bâtir sur des terrains protégés qui ont suscité des mouvements protestataires des villageois, à cela s'ajoutent les pratiques anciennes des agences de voyages à l'origine de visites orientées des touristes vers quelques commerçants d'articles d'artisanat au détriment de tous les autres commerçants qui constituent le souk de Sidi Bou Saïd et la place Sidi Azizi. Ainsi, les autorités concernées devraient intervenir pour mettre fin au calvaire des commerçants et éviter par-là même une agitation au sein des villageois. Par ailleurs, Korsi Soulah et le minaret sont dans un état de délabrement depuis un certain temps, alors que la colline a subi une déforestation. De ce fait, il est impératif de mettre sur pied une association de sauvegarde du patrimoine, d'engager des urbanistes à même de faire respecter le cachet architectural du village et de stopper toute atteinte dans ce sens. Interrogé à cet effet, le secrétaire général de la commune du village nous a fait savoir que des révisions d'autorisation de construction et 40 décisions de démolition ont été prises. «Leur exécution est imminente», a-t-il indiqué. Depuis très longtemps, Sidi Bou Saïd est l'un des lieux favoris pour les touristes mais aussi pour les visiteurs tunisiens, surtout pendant le week-end et la belle saison. Les Bousaïdiens ont été longtemps privés de la plage sablonneuse, laquelle est chaque année soumise à un appel d'offres, les villages ne profitant ainsi que très peu de la grande bleue. Jbel El Manar, qui est l'actuel Sidi Bou Saïd, n'a pas échappé à l'étalage anarchique dans la mesure où des marchands ambulants de fruits et légumes, de pop-corn et bien d'autres produits ont envahi les lieux, à cela s'ajoutent une absence quasi-totale des campagnes de propreté et des prix hors de portée affichés par le café Sidi Chaâbane et Dar Dellagi. Tant de facteurs qui nuisent énormément à la renommée du village qui connaît un regain d'activité et d'éclat. Il est impératif de parer au plus pressé pour préserver ce village qui a fait couler tant d'encre et qui a joué un rôle historique à l'époque hafside.