Le monde arabe de l'art a rarement été aussi actif et créatif, semble-t-il. A Venise, la 54e biennale accueille pour la première fois de son histoire une grande exposition de plasticiens arabes, de toutes origines, du Maroc à l'Arabie Saoudite. A Paris, l'Institut du Monde Arabe rend hommage à Zaha Haddid, cependant qu'une grande galerie privée accueille Chafik Aboud. A Dubaï, à Abou Dhabi, les salons d'art contemporain continuent de réunir les musées, les «curators» et les conseillers artistiques du monde oriental et occidental. Cependant que Marrakech inaugure avec succès son premier salon A Beyrouth s'ouvrait récemment «Rebirth: l'art contemporain libanais au XXIe siècle», une rencontre d'une cinquantaine d'artistes réunis avec le concours des plus grandes galeries libanaises, et donnant un aperçu de la vivacité et de la créativité de cet art au pays du cèdre. A l'origine de cet événement, un coup de colère de Janine Maâmeri, collectionneuse et amie des arts. «On parle beaucoup et partout des artistes iraniens, irakiens, palestiniens. Personne ne parle des artistes libanais, ou du moins pas assez. Et pourtant, nous avons de grands talents et de réels espoirs». Il ne restait plus qu'à le faire savoir. Une première expérience, l'an passé, remportait un succès certain : il s'était agi de réunir une exposition d'artistes libanais pour «Contemparabia», groupe de collectionneurs et de commissaires américains et européens qui sillonnent le monde arabe, en quête de nouveaux talents. Janine Maâmeri, qui avait orchestré l'événement, se prit au jeu, et décida de faire plus et mieux. Elle battit donc le rappel des grandes galeries libanaises, demanda l'aide de Danièle Giraudy, Conservateur général des musées de France, obtint le soutien de Solidere, qui lui offrit les cimaises du tout nouveau Beirut Exhibition Center, et sélectionna une ciquantaine d'artistes libanais, vivant à Beyrouth, ou appartenant à la diaspora. Elle leur offrit un thème : celui de la renaissance : Rebirth, thème auquel tous adhérèrent «Un être humain n'est vivant que lorsqu'il est encore susceptible de renaître et de mourir. Tel est le sujet sur lequel nous leur avons demandé de travailler. Chacun l'a interprété dans son propre vocabulaire, influencé par ses expériences intimes, coloré par son environnement social et ses connotations politiques. Ils se sont exprimés à travers la peinture, la sculpture, la photographie, les techniques mixtes, les installations, ou la vidéo. On leur a demandé d'accompagner leur travail d'un texte s'ils le souhaitaient», explique Janine Maâmeri Les œuvres présentées ont toutes été créées pour cette exposition, et sont donc présentées au public pour la première fois. Elles expriment, dans leur diversité, le dynamisme de la scène artistique libanaise qui, en dépit des contingences et des difficultés, demeure d'une exceptionnelle créativité. Et nous autres Tunisiens, nous nous prenons à rêver : cette initiative, comme beaucoup de celles qui se montent actuellement autour de l'art arabe, est entièrement privée. Elle ne doit rien à l'Etat, ni à aucune institution. De même, d'ailleurs, que celle qui a fait l'événement à la Biennale de Venise : «The Future of a Promise». Elles nous ont prouvé que, par la passion et la volonté, et pas toujours par l'argent, on pouvait fédérer les volontés, mobiliser les soutiens, faire jouer les réseaux, et réussir de belles choses. En Tunisie, les amateurs d'art existent, les commissaires d'exposition, les conseillers artistiques, les critiques, aussi. La scène artistique est prolifique et talentueuse, les galeries nombreuses. Ne se trouvera-t-il pas un élément moteur pour fédérer les choses, et oubliant pour une fois de réclamer à cor et à cri le soutien de l'Etat, organiser le Salon d'art contemporain dont nous rêvons tous, ou exposer des peintres tunisiens à Venise, Bâle ou Dubaï, ce qui se fait tant attendre?