Dominique Baudis est un homme de fidélité. A des lieux, des rites, des amis, des sujets d'intérêt. C'est à Mahdia où il vient depuis dix années passer ses vacances qu'il avait écrit ce livre récemment paru sur Tarak Ibn Ziad. Et c'est là, en un joli hommage à la ville des deux mers, qu'il avait tenu à le présenter, choisissant pour le faire l'un des plus anciens clubs culturels de Tunisie, le célèbre Nadi. Nous l'avons rencontré pour vous Président de l'Institut du monde arabe, député européen, chargé des relations de l'Europe et des Pays du Golfe, vous trouvez tout de même le temps de sacrifier à une de vos passions premières : l'écriture. Les amants de Gibraltar retrace l'épopée de Tarak Ibn Ziad. Comment l'avez-vous rencontré ? C'est probablement au cours de mes nombreux séjours dans votre pays, et dans les autres pays du Maghreb que j'ai été amené à me poser des questions sur cette aventure extraordinaire qui a changé le visage de la Méditerranée, et le cours de l'Histoire. Nous sommes au début du 8e siècle. Deux grandes puissances bordent la Méditerranée : l'Empire Byzantin, vieux de 5 siècles, héritier de l'empire Romain, et dont la capitale est Constantinople. Et le tout jeune Empire Musulman. En 70 ans, les musulmans sont sortis d'Arabie, et ont conquis des territoires immenses sur l'Asie et l'Afrique du Nord. Pourquoi sont-ils entrés en Europe où régnaient les Visigoths, alors que la logique de l'histoire aurait voulu qu'ils aillent conquérir Constantinople ? Pourquoi est-ce que c'est Tarak Ibn Ziad, un Berbère et non un Arabe, qui a conquis l'Espagne ? Autant de questions auxquelles je ne trouvais pas de réponses, car bien peu de choses ont été écrites sur cette période. Ce qui m'a donné envie d'en savoir davantage, bien sûr. Vous avez choisi d'approfondir une tranche de l'Histoire. Vos personnages — le calife Ommeyade Al Walid, l'émir Moussa Ibn Nousseir, le comte Julien, Tarak Ibn Ziad—lui appartiennent. Vous vous êtes, cependant, permis certaines libertés romanesques en créant quelques personnages… Certes, puisque nous avons affaire à un roman. C'est ainsi que j'ai « inventé » une fille imaginaire à La Kahéna qui aurait séduit Tarak Ibn Ziad. La Kahéna n'a eu que deux fils, mais du seul point de vue de la chronologie, cela aurait été possible. Bien sûr, dans un roman, on se permet certaines libertés, mais tout le contexte historique est rigoureusement exact, y compris l'histoire de la table d'or du roi Salomon qui fait partie des grands mystères de l'Histoire. Vous dirigez, depuis de longues années, l'Institut du Monde Arabe auquel vous avez offert un second souffle. Pouvez-vous nous parler du programme de cette rentrée 2010 ? Crée en 1987, l'Institut a incontestablement vieilli, et nous allons consacrer cette année à lui offrir une nouvelle jeunesse. En matière de muséographie, il existe aujourd'hui de nouvelles techniques, écrans, interactivités,images virtuelles, 3D, qui permettent au public de mieux comprendre la signification de l'objet. Les adopter est très important pour nous, le public de l'IMA étant à 50% constitué d'étudiants, ou d'écoliers dont certains entrent pour la première fois dans un musée. Leur offrir un univers qui leur est familier, des moyens d'accès qu'ils maîtrisent,leur permettra de mieux découvrir la civilisation arabe. Un autre grand chantier concerne la modernisation de la bibliothèque qui, elle aussi, date. Notre projet, en ce qui la concerne, évolue de plus en plus vers l'idée d'une médiathèque. Il s'agit de numériser notre fonds, et de rendre nos livres accessibles par Internet, en partant du principe que nombre de ceux que nos ouvrages peuvent intéresser vivent souvent très loin de l'IMA. Leur offrir des possibilités de téléchargement peut multiplier par cent le nombre de nos lecteurs. L'aménagement de cette médiathèque coûtera près de 3 millions d'euros et sera financé par l'émir du Koweït. Cela implique-t-il qu'il n'y aura guère d'expositions cette année à l'Institut du monde arabe ? Absolument pas, grâce à notre troisième chantier.Il y avait, sur le parvis de l'Institut, un bâtiment, assez quelconque, que nous utilisions pour des expositions. Par une extraordinaire opportunité, la maison Chanel avait commandé une structure très originale à Zaha Haddid, l'avait utilisée deux ou trois fois pour des expositions itinérantes, puis nous l'a offerte.Il s'agit d'un élément de forme ovoidale, réalisé dans une sorte de résine blanche, magnifiquement contemporain, que nous allons installer sur le parvis, cependant que l'ancienne structure constituera la première antenne de l'institut dans le Nord Pas de Calais. Le nouvel espace, qui s'appellera peut-être Mobile Art nous permettra d'avoir un lieu entièrement consacré à l'art contemporain arabe. Il sera bien sur inauguré par une exposition de design des créations de Zaha Haddid. Mais nous travaillons déjà sur l'automne 2011, avec un projet d'exposition sur les mille et une nuits comme source d'inspiration de toutes les expressions artistiques, sur tous les continents, et à toutes les époques . Ainsi qu'à une exposition sur le «nu» dans la peinture arabe et contemporaine avec des artistes tunisiens, marocains, égyptiens…. D'autre part, nos expositions continuent de voyager. «Om Kalthoum» était à Koweït, à Bahreïn, «L'âge d'or des sciences arabes» à Ryadh, «Les artiste palestiniens» à Bahreïn…. N'oublions pas votre dernière casquette : celle de député européen où vous restez néanmoins très proche du monde arabe Effectivement, puisque je suis en charge des relations de l'Europe et du Monde Arabe. C'est ainsi que je prépare actuellement un rapport sur les relations de l'Europe et des Pays du Golfe. Et que je travaille également sur l'accord d'association de la Syrie et de l'Union européenne