Le débat télévisé diffusé, il n'y a pas longtemps, sur Nessma TV autour des orientations politiques et sociales des partis qui se situent dans la mouvance islamiste, a jeté dans la stupéfaction les téléspectateurs par l'extravagance des propos tenus par les responsables de ces deux partis. Des énormités qui trahissent de graves lacunes en matière d'instruction et une absence quasi totale du minimum requis, quand il s'agit de l'histoire de leur pays. Appelés à préciser la nature de leurs revendications et à redéfinir les particularités visant l'amendement de certains articles de la Constitution, ils ont honteusement fait étalage d'une stupidité alarmante. Ils ont eu le culot de nier l'évidence de la composante berbère de la Tunisie, sous prétexte que la véritable histoire de la Tunisie a débuté au VIIe siècle avec l'Islam. Arguant de leur ignorance, ils ont fait table rase du passé d'un pays, successivement sous domination des Phéniciens, puis et pendant six siècles des Romains, enfin des Vandales et des Byzantins, avant de bénéficier des bienfaits de la civilisation musulmane, apportée dans les bagages des nouveaux envahisseurs arabes, venus du Hedjaz. Faut-il, au nom d'un sectarisme intolérant et de mauvais aloi, nier et dénoncer le riche apport des Romains? De par leur action, ces derniers ont contribué à la prospérité de Carthage en tant que capitale politique et surtout intellectuelle en Ifriqiya (dont fait partie l'actuelle Tunisie). L'illustrissime Apulée de Madaure, Magon, le poète Némésien, Tertullien, Lactance, Cyprien et Augustin, le père de l'Eglise chrétienne, tous africains, ont activement participé à la grandeur et à la gloire de la Carthage romaine en terre africaine. La Tunisie, avant l'arrivée des Arabes, fut le grand relais de la littérature latine et eut, entre autres vocations, l'apprentissage puis la maîtrise de cette langue. Car c'est précisément au moment où les lettres à Rome donnaient des signes manifestes d'épuisement que les œuvres des auteurs africains se répandirent dans le monde méditerranéen et brillèrent d'un éclat particulier. A ce propos, lors de l'édition de 2007 du Printemps de Sufetula, le comité directeur du festival s'était choisi pour slogan «L'appel de Grégoire» (Nida Jargir) en référence au dernier empereur byzantin, Grégoire, qui a farouchement combattu les armées arabes. A cette occasion, le comité avait pour guest star la Syrienne chrétienne, Mouna Wassef. Dans un point de presse, elle avait déclaré tout son bonheur d'assister à un festival qui ne renie pas son passé et qui demeure attaché et fidèle aux figures qui ont fait son histoire, indépendamment de leurs convictions religieuses. «Aujourd'hui, dans les pays du Moyen-Orient, les chrétiens sont soumis à d'insupportables contraintes morales par la faute du fondamentalisme religieux. Cela s'est traduit par un exode massif des populations chrétiennes obligées de quitter des pays où leur présence était antérieure à l'Islam», devait souligner la célèbre actrice syrienne. Pour revenir à la réalité berbère et au moment même où se tenait le débat, le roi du Maroc Mohamed VI reconnaissait officiellement la langue berbère, emboîtant ainsi le pas à l'Algérie. Déjà que le Conseil national de transition libyen de Benghazi vient d'autoriser, pour la première fois, la parution de publications en langue amazigh. Faut-il rappeler à ceux qui nient cette évidence que les régions du Djebel Gharbi, en Libye, et celles contiguës aux frontières, Médenine, Tataouine, jusqu'à l'île de Djerba, sont presque exclusivement habitées de berbérophones? Malgré tous ces faits, ces islamistes tunisiens, dans leur étroitesse d'esprit, continuent de prêcher un comportement indigne, à cause d'une attitude intransigeante de la tradition, qui se refuse à toute évolution. L'intégrisme religieux est le résultat de l'ignorance et de l'obstruction de l'esprit. C'est aussi une pathologie obscurantiste qui nie le progrès et la raison. On n'insistera jamais assez sur les valeurs de la modernité qui assurent les fonctions régulatrices d'un équilibre entre les outrances et les excès observés dans la société, à quelque bord qu'ils appartiennent. Aux Tunisiens de ne pas se résigner et de ne pas se soumettre au diktat des charlatans des temps modernes.