Par Moncef KAMOUN* La situation alarmante d'aujourd'hui de notre profession est qualifiée à notre avis de situation de crise qui nous met dans l'impossibilité de fonctionner et qui nuit à l'éthique de la corporation. Aujourd'hui, il suffit de regarder nos villes, de circuler dans nos rues pour se rendre compte de la déchéance architecturale à l'exception de quelques bâtiments mais ce n'est certainement pas de quelques réussites que se compose le visage architectural d'une ville. L'architecte a aujourd'hui une image médiocre et est rendu responsable de la médiocrité du cadre bâti: " Vous êtes responsables de tous ses erreurs et horreurs me disait un ex-ministre " Mais en réalité l'architecte est en dehors de la décision, de toutes les décisions. Aujourd'hui on donne des autorisations de bâtir par des commissions sans architecte pour des projets élaborés sans architecte. Mais qui est responsable de cette situation ? Seuls les architectes sont responsables, nous n'avons jamais fait ce qu'il fallait Le Conseil de l'Ordre des architectes, 37ans d'exercice dont 23ans sous un régime qui a complètement dévalorisé aussi bien l'architecture que les architectes, le conseil a été créé en réalité pour établir les règles de la déontologie régissant la profession d'architecte et d'en assurer le respect. Il veille à l'honneur... Alors quelle est la situation de l'architecte après ces 37ans? Fin des années 80 on a opté pour des concours d'architecture afin de mieux répartir les commandes auprès des architectes et permettre une confrontation publique du débat architectural, de créer un espace de liberté indispensable dans l'acte de création et surtout de permettre aux jeunes architectes d'avoir une part du marché et surtout de participer à cet exercice intellectuel par excellence. Mais comme partout, le Tunisien étant le génie du détournement des lois a trouvé toutes les astuces en créant toutes sortes de concours afin d'atteindre son but qui est loin d'être un meilleur projet répondant aux besoins fonctionnels et aux règles de l'architecture mais plutôt désigner pour d'autres considérations tel ou tel architecte. Alors les architectes toutes générations confondues participent aujourd'hui à tout, du concours sur esquisse au concours sur dossier en passant par les concours anonymes, les concours avec appel d'offres, les concours à un et deux degrés , les appels d'offres clés en main, qu'importe qu'ils soient approuvés ou non par le Conseil de l'Ordre. La règle est aujourd'hui connue par tout le monde pour les concours d'architecture : si on n'intervient pas auprès du jury et à haut niveau il ne faut rien espérer quelle que soit la qualité du travail. Pour les concours sur dossier la réponse est toujours la même " Monsieur il y a eu des instructions de dernière minute inchallah la prochaine fois " Alors pour les appels d'offres, c'est honteux, j'ai même assisté à des rabais qui dépassent les 80% du barème. Alors que nos jeunes architectes complètement démoralisés courent les rues à la recherche d'un travail sans aucun espoir. Voilà la situation aujourd'hui. L'Ordre par le biais de son conseil doit et sans délais engager la réforme des textes et des lois sur l'architecture, renforcer sa relation avec les institutions nationales et même internationales mais surtout rendre efficace la relation entre architecte et aussi la relation avec les autres acteurs de la construction. Il doit tout simplement jouer son rôle. Aujourd'hui nous ne sommes plus 300 nous sommes 3000 architectes Nous devons mettre en place un observatoire pour préciser le rôle et les potentialités des architectes en vue d'inciter le public à un recours nécessaires et facile. L'Ordre doit offrir l'assistance architecturale et le conseil au développement public veiller réellement à l'honneur et à la dignité des architectes dans la réalisation de leur mission et sanctionner réellement les infractions au code de déontologie. Le Conseil de l'Ordre doit intervenir auprès des autorités pour toutes les questions qui touchent à la mission de l'architecte et à la déontologie ainsi qu'à la défense de la profession dans son ensemble et aussi en protégeant et élargissant les parts du marché des architectes surtout de nos jours où l'architecte en plus de son rôle historique de " bâtisseur" il voit s'élargir son champ d'action à des interventions qu'on ignorait: développement durable, économie d'énergie, sociologie urbaine, développement régional ,psychologie sociale. En un mot, l'Ordre doit prendre en charge la promotion du métier d'architecte. L'Ordre doit à notre avis être non pas l'interlocuteur mais le conseiller des pouvoirs publics, en donnant son avis sur les projets de règlement de décret ou des lois et il doit être même l'initiateur pour une nouvelle réglementation. L'Ordre doit absolument être un organisme autonome, ses membres doivent être élus par les architectes, tous les architectes, financé par eux seuls, ce qui garantira l'indépendance et défendra les intérêts, mais encore faut-il que notre profession ait les moyens de se reconstruire. Oui, aujourd'hui c'est tout à fait possible et indispensable .