Dans le cadre de son programme Sife Tunisie et en collaboration avec la Konrad-Adenauer-Siftung (KAS), le Centre des jeunes dirigeants d'entreprise (CJD) a organisé, hier , à Tunis, conjointement, la compétition nationale 2011 avec la participation de quatre équipes représentant chacune une école ou un institut universitaire et une conférence nationale ayant pour thème «Innovation entrepreneuriale et développement régional» en la présence de M. Abderrazek Zouari, ministre du Développement régional. Lors de son allocution de bienvenue, M. Slim Ben Ammar, président du CJD, a remercié tous les partenaires du CJD en faisant la déclaration suivante : «L'entreprenariat et l'innovation, vous le savez bien, font partie aujourd'hui des enjeux socioéconomiques des plus importants pour la Tunisie. En effet, nous créons dans notre pays beaucoup moins d'entreprises que la moyenne européenne, or nous le savons tous, l'entreprise est le moteur du progrès social. La question, bien sûr, est de savoir pourquoi. Pourquoi notre société ne sécrète-t-elle pas des entrepreneurs et des innovants alors que les incitations et le financement existent et ne cessent de se multiplier? Quels seraient les leviers pour la création d'une réelle dynamique d'entreprenariat et d'innovation ? Le premier élément de réponse, qui s'impose de lui-même, résiderait dans le fait qu'entreprendre n'est pas un acte naturel mais le fruit d'une heureuse alchimie entre ingrédients aussi divers qu'une éducation adaptée, un climat des affaires porteur et un environnement social favorable». Pour une nouvelle dynamique entrepreneuriale saine et durable Toujours selon M. Ben Ammar «si la culture ambiante ainsi que les symboles de notre réussite sociale ne valorisent pas les entrepreneurs, on peut craindre que notre société actuelle, victime de son propre système de récompense, soit peu propice à l'initiative et à l'innovation. De plus, si le système éducatif à travers l'école et la famille continuait à être conservateur, à standardiser l'enseignement et à perpétuer les modèles du passé, il est très probable qu'il soit condamné à récolter des assistés et des suiveurs ? Enfin, si la liberté, la justice et la confiance ne devenaient pas les valeurs sacrées de notre environnement des affaires on risquerait de compromettre sérieusement toute chance de voir naître une nouvelle dynamique entrepreneuriale saine et durable.» . Il a ajouté : «Entreprendre et innover est un acte de rupture, rupture avec l'ordre établi, un refus du monde tel qu'il est, une capacité à regarder ce qui est vieux avec un regard neuf et à faire de ce qui nous entoure notre première source d'inspiration. Créer un tel environnement, propice à l'entreprenariat et à l'innovation c'est d'abord construire cette vision cohérente et globale, inscrite sur le long terme et incluant tous les maillons de la chaîne expliquant ce phénomène complexe. L'objectif ultime étant de faire en sorte que l'acte d'entreprendre et d'innover devienne à l'avenir une véritable ambition individuelle et collective, un rêve incarné par les jeunes et les générations futures, le symbole de la réussite au sein de la société tunisienne de demain.» De son côté, Klaus D. Loetzer, représentant permanent de la Konrad-Adenauer-Siftung-Tunisie a donné un petit aperçu historique de sa fondation, qui porte le nom du cofondateur du parti politique allemand CDU et le premier chancelier allemand, Konrad Adenauer (1876-1967), dont les principes fondamentaux guidant son travail sont d'après lui «Liberté, justice et solidarité» : «Pour notre coopération européenne et internationale, nous nous mobilisions pour que les hommes puissent vivre comme ils l'entendent, dans la liberté et la dignité. Nous contribuons, par notre travail axé sur les valeurs, à ce que l'Allemagne puisse honorer ses responsabilités croissantes à travers le monde. Nous voulons inciter les hommes à participer en ce sens au façonnement de l'avenir. L'homme est au centre de nos préoccupations, dans sa dignité qu'il est impossible de confondre, dans ses droits et dans ses devoirs. Il constitue pour nous le point de départ pour la justice sociale, la démocratie libérale et l'économie durable». L'économie sociale et la future Constitution Concernant la Tunisie, M. Loetzer a donné l'éclairage suivant : «Comme Ludwig Erhard, le père du «miracle économique» allemand après la Seconde guerre mondiale, en était déjà conscient, moins sont nécessaires les aides sociales, meilleurs peuvent être les résultats de la politique économique. Notre société doit assumer une responsabilité sociale pour ceux qui, par leurs propres facultés, ne peuvent pas participer suffisamment à la prospérité. Ceci ne peut d'ailleurs que favoriser une meilleure acceptation des changements structurels. C'est aussi justement dans la crise que se confirme la valeur de l'économie sociale de marché, la pluralité d'entreprises, la participation à la réalisation du bien commun, la dignité humaine et les droits des travailleurs. En ce qui concerne la Tunisie, historiquement, ce droit a été majestueusement retenu par l'article 14 de la Constitution de 1959. Il est dit que «le droit de propriété est garanti. Il est exercé dans les limites prévues par la loi». Cependant, l'histoire constitutionnelle des principes économiques libéraux n'a pas été d'une netteté sécurisante. Exception faite des dispositions explicites du Pacte fondamental de 1857 et de la Constitution de 1861, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie a été, juridiquement, dévalorisé avec la Constitution de 1959». Il renchérit : «En ce moment, dans un cadre de rupture politique et de continuité/discontinuité constitutionnelle, l'occasion se présente d'améliorer cette situation. En effet, lorsque la centralité du statut du pouvoir accapare l'esprit des faiseurs de Constitution, dans la Constituante, on risque d'oublier que le consensus constitutionnel repose sur un système de valeurs socialement et politiquement partagé». Une stratégie pour équilibrer le développement entre les régions Enfin, M. Abderrazek Zouari, ministre du Développement régional, lors de son intervention, a tenu tout d'abord à remercier le CJD et ses partenaires pour l'organisation de cet événement et il a ensuite rappelé que parmi les rôles majeurs du ministère figure celui de retenir les investisseurs déjà présents dans le pays : «Comme vous le savez, la Tunisie souffre d'un déséquilibre régional. Depuis l'indépendance, le développement régional n'a jamais été traité sérieusement d'une manière équitable entre les différentes régions du pays. En effet, il s'agit depuis toujours d'un développement axé uniquement sur les régions des côtes. Et si cela va continuer sur cette lancée, en 2050, 90 % de la population tunisienne seront concentrés dans les métropoles de la côte : Bizerte, Nabeul, Sousse, Sfax etc. C'est pour cela qu'on a commencé à mettre en place une stratégie pour équilibrer le pays en matière de développement. Le premier pilier de cette stratégie tourne autour d'une bonne gouvernance régionale. Tout d'abord, il faut toujours le rappeler que pour certains il y a confusion entre région et gouvernorat. Quand on parle de région, on parle d'économie et quand on parle de gouvernorat on traite le volet administratif. Et une région pourra englober plusieurs gouvernorats. En Tunisie, on a la chance d'avoir une population homogène contrairement à d'autres pays où les régions sont réparties selon la langue ou bien la religion pratiquée. Ainsi on doit penser comment gouverner dans ces régions. Il faut que chaque région puisse imaginer son propre schéma de développement et discuter avec le gouvernement. Le deuxième pilier de cette stratégie est le contenu de ces schémas de développement. L'autre pilier n'est autre que l'entreprenariat qu'il faut encourager et accompagner. Pour pouvoir développer les régions de l'intérieur, il faut lancer de grands projets structurants. Il faut aussi favoriser des secteurs comme ceux des IT (technologies de l'information), de biotechnologie, de l'énergie renouvelable. Et ce, à travers la création d'un tissu industriel sous forme de PME/PMI». Il ajoute : «Nous voulons que vous en discutiez librement et nous fassiez des propositions, et posiez des problématiques telles que : est-ce que les structures d'appui dans les régions sont-elles efficaces ? Et le quatrième pilier est le microfinancement. Car il s'est avéré que le grand problème des jeunes entrepreneurs reste de loin un problème de financement et de fonds propres. C'est pour cela que mon collègue, le ministre des Finances, est en train de préparer un cadre pour faciliter le microfinancement des projets dans les régions».