Loin de s'apaiser, au lendemain de l'annonce de la fermeture du tabloïd News of the World (NOTW), le scandale des écoutes téléphoniques a pris une dimension extraordinaire vendredi, avec deux arrestations, dont celle d'un proche du Premier ministre. Andy Coulson, qui fut 4 ans et demi durant le directeur de la communication de M. Cameron --d'abord dans l'opposition puis au 10, Downing Street-- a été placé en détention en fin de matinée, et sa maison perquisitionnée. Scotland Yard le soupçonne de "participation à des écoutes téléphoniques illégales" et de "corruption" en référence au paiement de policiers-informateurs, du temps où il était rédacteur en chef du NOTW. Clive Goodman, ancien correspondant royal du journal a quant à lui été interpellé en début d'après-midi, aux mêmes motifs. Il a déjà purgé quatre mois de prison pour écoutes illégales en 2007. Les policiers ont effectué une descente dans les locaux Daily Star, concurrent de NOTW où travaille désormais Goodman. Dans le même temps, les appels se sont multipliés en faveur de la démission de Rebekah Brooks, 43 ans, ex-patronne de la rédaction du NOTW. Elle est aujourd'hui directrice générale de News International, la branche britannique de News Corp, empire du magnat australo-américain Rupert Murdoch, qui englobe The Sun, Sunday Times, The Times et le NOTW. Flanquée de deux gardes de sécurité, c'est elle qui a annoncé jeudi aux 200 employés du NOTW la fermeture du tabloïd, fleuron lucratif et très sulfureux aux 168 ans d'existence jalonnée de scoops et de scandales et racheté en 1969 par M. Murdoch. "Les choses doivent changer (...) Rien ne sera laissé de côté", avait assuré en début de journée un David Cameron mal à l'aise et sur la défensive, lors d'une conférence de presse improvisée au 10 Downing Street au cours de laquelle il a notamment annoncé la création d'une commission d'enquête. Les journalistes toutefois l'ont surtout bombardé de questions sur son manque de discernement pour ses liens avec Andy Coulson et sa proximité avec News Corp. Le piratage de messageries téléphoniques par le NOTW, qui concernerait environ 4.000 personnes, empoisonne la vie politique depuis le milieu des années 2000. On savait qu'elle impliquait des hommes politiques, membres de la famille royale et célébrités. Mais le piratage aurait également concerné la messagerie d'une écolière assassinée et de soldats tués en Irak et en Afghanistan, ce qui n'a pas manqué de susciter l'indignation cette semaine. "La vérité est que nous sommes tous concernés: la presse, les hommes politiques, les dirigeants des partis - et je m'inclus dans ce nombre. Nous n'avons pas pris cette affaire à bras le corps", a admis M. Cameron. L'un des remèdes proposés est la création d'une commission d'enquête indépendante sous la houlette d'un juge, réclamée par l'ensemble de la classe politique. La commission oeuvrera en parallèle à l'enquête policière qui s'est révélé dans un premier temps un "échec abyssal", selon M. Cameron, qui a enfin annoncé l'ouverture d'une troisième enquête, sur l'éthique et la culture de la presse. Elle sonne de facto le glas de la commission de contrôle des médias (Press Complaints Commission). Cet organisme d'autorégulation a souvent été accusé de laxisme vis-à-vis des méthodes d'investigation douteuses, voire illégales de certains journalistes, au nom du sacro-saint droit du public à être informé. "La Grande-Bretagne a longtemps eu une presse crapoteuse. Le marché, régi par une concurrence brutale, encourageant les titres racoleurs et les potins intrusifs", a reconnu The Economist rejoint par nombre d'éditorialistes soucieux de restaurer la crédibilité journalistique. Pour finir, M. Cameron a tenté de désamorcer une bombe à retardement politique, en laissant entrevoir un report (probablement au-delà de septembre) du feu vert gouvernemental au projet de rachat du bouquet satellitaire BSkyB par News Corp. Le rachat conférerait à M. Murdoch --qui possède déjà le tiers des médias d'information britanniques-- une position ultra-dominante et attentatoire au pluralisme selon les nombreux adversaires du projet. The Guardian et The Daily Telegraph, qui s'y opposent, soupçonnaient vendredi M. Murdoch d'avoir cyniquement sabordé le News of the World pour sauver l'opération BSkyB au coeur de sa stratégie de conquête. Ils avançaient également que le magnat entendait récupérer les 2,8 millions de lecteurs du NOWT en créant prochainement une édition dominicale du Sun.