C'était aux premiers jours fiévreux de la révolution. Une jeunesse enthousiaste, courageuse et responsable montait au front pour prendre en charge le pays longtemps confisqué. Chacun venait, armé de sa bonne volonté et de tous les espoirs, se mettre au service de cette déferlante qui allait nous emporter vers des lendemains meilleurs. Laissant les partis aux partisans, nous nous étions alors intéressés à ce qui nous semblait être la plus efficace émanation de la société civile : les associations. Elles ont fleuri et se sont développées d'une génération spontanée, investissant le terrain, répondant au plus pressé, préparant l'avenir, sillonnant le pays, s'alliant quand elles le pouvaient, se spécifiant quand il le fallait, toutes animées de cette volonté citoyenne d'être utiles à leur pays, loin de toute coloration politique. Nous avions rencontré, à l'époque, les plus jeunes d'entre eux, cette association Sawty au sein de laquelle des filles et des garçons d'une vingtaine d'années de moyenne d'âge, étudiants dans les meilleures universités, ont offert leur année et leurs efforts à la révolution, conscients que cette exceptionnelle expérience sur le terrain serait pour eux la meilleure école du vivre ensemble. Ils nous avaient fait part, à l'époque, d'un de leurs projets : équiper des bus citoyens pour sillonner le pays, et, au nom de leur slogan, «la démocratie ne s'improvise pas, elle s'apprend», faire de l'éducation citoyenne pour préparer les jeunes aux élections. Car pour eux, comme pour beaucoup de citoyens responsables, le grand danger qui nous guette serait l'abstention. Aujourd'hui que les échéances sont fixées, et que la campagne démarre, nous sommes allés leur demander où ils en étaient. Très avancés, nous ont-ils annoncé ? Car si, au début, ces tout jeunes gens étaient un peu perdus dans les méandres des formalités, ils se sont vite jetés à l'eau. Et ont très vite découvert que ce projet de bus citoyens fédérait de nombreuses associations. Première à les rejoindre sur ce projet, «la Fédération Mosaïque», association qui fédère les Tunisiens à l'étranger et qui a pour cri de ralliement «Je vote, donc je suis». Puis se sont joints à eux, les aidant à découvrir le travail sur le terrain, entreprise qui s'était avérée bien plus ardue qu'ils ne s'y attendaient, «Le Front des associations». De là est né un comité de pilotage de ce projet Bus Citoyen, composé de plusieurs associations — Sawty, Utile, Touansa, Femmes et dignité — et l'on a élaboré un canevas pour ce projet. Ont également offert leur aide des organisations telles que le collectif UNI, ou encore des réseaux internationaux tels que l'Unfpa. Pour résumer le but de ce projet, disons qu'il s'agit de sensibiliser la jeunesse au vote, et d'éveiller une conscience citoyenne. Pour ce faire, on se propose de former des ambassadeurs — et cette formation se fera les 14 et 15 juillet prochains, d'établir un réseau de relais dans les régions—ces relais ayant pour rôle de mobiliser les jeunes et de les inviter à participer aux réunions. 50 bus citoyens sillonneront le pays, région par région, avec à leur bord les «ambassadeurs» formés, les représentants des régions, et les membres des associations. Ils organiseront des simulations de vote, répondront aux questions, expliqueront, discuteront, disséqueront… Avec un impératif, et une règle d'or : cette initiative est, et n'est que citoyenne, et n'a aucune affinité avec aucun parti. Les premiers bus citoyens dont on a déjà trouvé les financements partiront le 18 juillet. Ils iront à Sidi Bouzid, Kasserine, Bizerte, Kairouan, dans le Cap Bon, et bien sûr dans le Grand Tunis. Pour les autres, on est en train de discuter les financements avec certaines associations internationales, ou des bailleurs de fond tunisiens