Par M'hamed Jaïbi Le désarroi dont fait état l'ODC depuis le 14 janvier mérite toute l'attention de la société civile tunisienne, qui est en droit d'en analyser les causes et les fondements. Ce «game over» qui frappe, en fait, plusieurs organisations aux ordres, montées de toutes pièces par le régime dictatorial déchu, est inscrit dans l'ordre des choses et ouvre la porte à la libre initiative des citoyens dans les secteurs et domaines d'action associative qui étaient contrôlés par ces organisations d'embrigadement et d'encadrement sécuritaire. ODC, Otef, OTF, Unft... Un nombre important de ce type d'organisation jouait, sous Ben Ali, un rôle important comme pendant social de masse du régime. Mais il s'agissait d'organisations sous contrôle à la fois partisan et sécuritaire, ce qui les empêchait de fonctionner démocratiquement et d'être en conformité avec la volonté de leurs adhérents. Cet état de fait était, de plus, aggravé par le désert associatif dans lequel ces machines de guerre de l'Etat dictatorial opéraient. Car l'absence d'une vie associative libre, pluraliste et démocratique, ajoutée à une gestion sécuritaire à couverture partisane (RCD) tuait dans l'œuf toute initiative à la base, si elle ne le réprimait pas. De sorte que ces organisations se trouvent aujourd'hui, pour l'essentiel, disqualifiées de tout rôle d'encadrement et d'initiative démocratique au sein de la société tunisienne post-révolutionnaire. Une société qui a soif de liberté, d'expression et d'action à la base pour une Tunisie meilleure. Les consommateurs, les parents d'élèves, les usagers du métro et du bus, les malades, les baigneurs, les chômeurs, les smicards, les femmes, les hommes, les atypiques, les râleurs, les promeneurs, les assurés sociaux ... toutes les franges et tous les groupes de Tunisiens, toutes les minorités spécifiques, toutes les communautés diverses que peut dégager la société tunisienne ont le droit et le devoir même de s'organiser, de s'exprimer et d'agir. Car c'est là l'essence de la révolution de la liberté et de la dignité. La liberté de s'associer et de s'exprimer solidairement en vue de faire valoir leurs intérêts spécifiques et de diffuser leurs idées et propositions. La Tunisie nouvelle a besoin de vraies organisations associatives dans tous les domaines. A l'image de la formidable éclosion à laquelle nous assistons depuis la révolution. Le pluralisme politique et la démocratie enfantent tout naturellement la multiplicité des expressions associatives. Et aucun domaine ne peut prétendre résister à cette tendance historique. Il est temps de voir les associatifs démocrates de toutes les sensibilités et l'ensemble des citoyens tunisiens prendre à cœur la noble opportunité historique qui s'offre à eux. Il ne s'agit seulement pas d'occuper la place vide laissée par les fausses organisations de l'ancien régime, mais d'édifier une société civile digne de ce nom et une opinion publique alerte et active, au service de cette Tunisie nouvelle où le peuple fait de nouveau entendre sa voix.