Entre la scène du musée de Carthage et celle de la cour d'Ennejma Ezzahra, le Festival de Carthage dans sa version 2011 aura offert un cadre des plus agréables pour ses soirées. Celle de mercredi dernier a été meublée par Chedi Garfi et son orchestre. Il ne change pas une équipe qui gagne. Enfin, presque… Ainsi, Chedi Garfi, qui commence à être un habitué des manifestations musicales de la place, nous est revenu avec son piano, devenu blanc, et sa chanteuse préférée, Lebana Kentar, une voix opérale qui nous vient du pays du tarab halabi. Rien que ça. Si la nouveauté n'émane pas du programme, Chedi Garfi met de son côté un autre atout, celui de la voix de ses interprètes. Oui, il n'y a pas eu que Lebana dans cette soirée du 3 août. Une bonne partie du spectacle est revenue à Noureddine Béji. Un choix que l'on ne peut que cautionner. S'en sont suivies quelques modifications dans ce qu'il a par exemple proposé l'année dernière, pour le festival de la Médina. L'intro musicale a laissé place à Helwa ya baladi (beau est mon pays), servie par la voix de Lebana Kentar avant de se lancer dans un duo avec Béji, pour interpréter ensemble habayebna hawalayna (nos amis nous entourent) de Zaki Nassif. Le spectacle du trio est intitulé «Charq» (Orient). Il propose un bouquet formé des joyaux de la chanson arabe. C'est, de surcroît, un hommage à ses plus grands noms. Un hommage que l'on qualifierait bien d'intelligent. Pourquoi? Et bien parce que, d'une part, Chedi Garfi sait recueillir, dans ce large répertoire, ce qui va bien avec la voix et la personnalité de ses chanteurs. D'autre part, il marie les mélodies originales à une sauce personnelle, aux goûts bien variés, de quoi conquérir aisément le public. Le chanteur tunisien, plus précisément, a régalé, comme à l'accoutumée, avec les plus exquis titres de Mohamed Abdelwahab. De ji'tou la aâlamou à sahirtou menhou allayali, en passant par ya zahratan fi khayali. Il s'est également aventuré dans d'autres terrains, comme celui d'ahadou dal'li sar de Sayed Sarwich et fi ouyounek nar tekwi de Mohamed Jamoussi. Quant à Lebana Kentar, elle se trouve à l'aise autant dans le répertoire d'Ismahane et de Leïla Mourad que dans des titres plus éclectiques, surtout lorsqu'ils passent par les réarrangements de Chedi Garfi, du genre mahla layali Ichbilia de Jouini, ya achikatal wardi de Zaki nassif et Ja'at mouâdhibati. Ya habibi taâla ilha'ni, ya toyour et ana albi dalili sont parmi les titres choisis pour honorer Ismahane et Leïla Mourad. Sans doute parce qu'ils permettent à Lebana Kentar de faire une démonstration de ses talents de soprano. Ça impressionne toujours! Le volet instrumental a sa grande part dans l'éclectisme sur lequel mise Chedi Garfi. C'est le squelette de ce récital à l'âme voyageuse dans les contrées du monde arabe et de sa mémoire musicale. L'orchestre se compose d'un luth pour l'authenticité, d'un accordéon pour la nostalgie, d'une contrebasse pour la sobriété, d'une flûte pour la douce mélancolie et d'un piano pour l'évasion. Les ingrédients qui font le charme pas seulement de l'Orient.