Le civisme, ce sentiment qui fait de nous de bons citoyens, nous a fait cruellement défaut ces derniers temps. Je dirais même plus, tous les paliers de l'incivisme ont été franchis par moments. Sur la route, dans les transports en commun, à l'école ou entre voisins, les incivilités ont pris la société tunisienne à la gorge. Plus grave encore, des emblèmes de la République ont été piétinés. Une banale histoire : l'autre jour, à 16h00 sur l'autoroute en direction de Hammamet, un homme a arrêté sa voiture sur le bas-côté, traversé l'autoroute et est monté sur les bacs à plantes vertes séparant les deux voies et s'est mis à arracher ces belles plantes. Le ridicule a atteint son comble quand il s'est acharné de façon hystérique sur un palmier qu'il n'arrivait pas à déraciner ! Banal, rien de grave par rapport à ce qui se passe ailleurs. Justement, pour nous citoyens, il ne se passe pas un jour sans son lot de peurs véhiculées par des informations sur des attaques d'institutions, d'usines, de commerces et de biens publics. Les hôpitaux, les transports en public ont été attaqués. Pourquoi ? Où va-t-on ? Sommes-nous devenus fous ? Avons-nous fait une révolution pour détruire tout ce que nous avons fait de positif depuis 50 ans ? J'essaye de comprendre et même de justifier tous les écarts, par la révolte contre un système oppressant. On se rassure comme on peut en se disant qu'il s'agit de réactions exagérées contre les privations et les humiliations subies, mais il y a un seuil au-delà duquel je n'arrive plus à suivre. Non, le mal est plus profond, on doit en prendre conscience. De différentes façons, plus ou moins cyniques, un seuil a été atteint partout dans toutes les régions, dans tous les milieux: c'est ce qui est effrayant et c'est pour cela qu'il est du devoir de tous de ne plus se contenter de dénoncer les incivilités! Civisme et patriotisme sont synonymes, que ceux qui parlent fort au nom d'une révolution se le disent une bonne fois pour toutes! Qu'on soit de droite ou de gauche, pauvre ou riche, de l'Est ou de l'Ouest, du Nord ou du Sud, travailleur ou chômeur, respecter les règles de la vie commune est la façon la plus noble de soutenir la révolution. Nous pouvons diverger sur les lois, sur les orientations politiques, sur les réformes à faire, mais rien ne nous autorise à transgresser les principes de vie commune qui fondent notre communauté, et ces principes sont simples, clairs et ne souffrent aucune contestation. Ils se basent sur le respect de l'autre et de la chose publique. Cela n'implique nullement que nous devons taire des revendications trop longtemps non satisfaites, bien au contraire. Je dis simplement que plus nos aspirations sont exprimées de façon civique, plus elles auront de chances d'être audibles, parce qu'elles sont justes. Nos aspirations vers une vie meilleure doivent être exprimées autrement que par les grèves sauvages, la destruction des biens publics et, plus grave que tout, le non-respect de l'autre.