L'éthique sociale est sauve, tous ceux, qui ont atteint l'âge de la puberté à part une petite poignée de récalcitrants, font le jeûne. Jeunes, moins jeunes et vieux s'adonnent en apparence à cet exercice ancré dans le psychisme collectif. Nous disons en apparence parce que les prescriptions religieuses, d'une largesse certaine, en dispensent les personnes qui, pour de multiples raisons, ne peuvent accomplir ce devoir pourtant impératif. D'abord les malades, surtout les jeunes parmi eux, ne veulent à aucun prix que dans leur entourage scolaire ou professionnel, les autres sachent qu'ils suivent un traitement adapté à une malade chronique. Ils absorbent leur médicament ou mangent leur collation quasiment en cachette. Les vieux parmi les malades, eux non plus, ne montrent pas qu'ils ne jeûnent pas. Peuvent-ils faire autrement? L'espace public leur est fermé, cafés et endroits similaires ressemblent plutôt à des fumoirs qu'à des établissements de repos et de désaltération. Une puanteur tabagique vous prend à la gorge dès que vous franchissez le seuil de ces endroits d'habitude agréables et qui deviennent infâmes durant les trente jours que dure Ramadan. Les femmes, elles aussi, peuvent ne pas jeûner certains jours du mois de l'abstinence, elles en sont formellement dispensées. Elles, également, ne montrent pratiquement pas sur le lieu de travail, bureau ou usine, qu'elles ne jeûnent pas, obligées de s'acquitter d'une obligation qu'elles ne sont pas tenues de faire. Les voyageurs sur de longues distances se doivent de contenir leur soif durant plusieurs heures en pleine canicule, l'étancher serait très mal vu. Ceux qui prennent le train sont considérés comme des privilégiés mais tous les autres, ceux qui sont serrés dans des voitures de louage, parfois vétustes, ne peuvent en aucun cas compenser même en partie la perte d'eau subie par leur corps due à une transpiration intense. Quant aux boulimiques, ceux qui ne peuvent sauter aucun repas pour des questions de troubles psychiques, et ils sont assez nombreux ceux-là, se voient contraints d'absorber de petits rien presque en catimini chez eux, le faire dans la rue ou sur la route est très difficile, voire impossible. Les plus malins d'entre eux, se réveillent pour le s'hour (dernier repas de la nuit) pour ne pas rester le ventre vide dans les longues matinées ramadanesques. Les vieillards et les personnes âgées doivent se barricader chez eux durant tout le mois saint, ils ne peuvent trouver ni un endroit pour faire leurs besoins naturels ni pour se reposer ou se rafraîchir. Pourtant, nous nous targuons d'avoir atteint une espérance de vie proche de celles des pays riches et développés. La société les ignore carrément. Vivant dans une contrainte permanente, ils sont astreints de ne pas s'éloigner de chez eux, les risques d'accidents de santé étant pratiquement toujours présents. Quant à ceux qui posent la question de la liberté de conscience et revendiquent leur droit à la différence, ceux-là la société ne leur accorde, pendant Ramadan, aucun droit.