• La réticence des investisseurs privés coûte jusqu'à deux points de croissance et près de 35 mille emplois, annuellement. • Les entreprises réagissent plus à «l'environnement des affaires» qu'aux avantages fiscaux et financiers. Principal moteur de la croissance économique, l'investissement occupe depuis toujours une place de choix dans toutes les stratégies et les plans de développement économique et social de Tunisie. Toutefois, les mécanismes et les dispositifs adoptés, malgré leurs apports, ont montré rapidement leurs limites et n'ont pas servi ainsi plusieurs fondamentaux économiques. C'est pour cette raison d'ailleurs que le Code d'incitations aux investissements a fait dernièrement l'objet de nombreuses critiques qui remettent en cause son efficacité. D'autres le considèrent comme un outil d'injustice fiscale. Rappelons à cet égard que la Tunisie s'est investie dans un code d'incitations aux investissements comportant une batterie d'avantages fiscaux et financiers, conçus sur la base de deux régimes, exportateurs et autres qu'exportateurs, tout en misant sur plusieurs priorités, entre autres la promotion des exportations, le développement régional, la création d'emplois, la recherche et développement… Cependant, les réalisations des prévisions, notamment en matière de création d'emplois, de développement régional, ou encore l'encouragement de nouveaux promoteurs ont enregistré des écarts défavorables, voire dramatiques pour certaines régions. Plus généralement, les dernières années ont été marquées par une réticence des investisseurs privés qui a coûté jusqu'à deux points de croissance et environ 35 mille emplois, annuellement. Compte tenu de la conjoncture spéciale du pays, la situation risque de s'aggraver, en l'absence d'une relance rapide et soutenue. D'où ce besoin d' un nouveau modèle mieux approprié aux spécificités de l'économie nationale et des orientations politiques du pays. Dans ce cadre, une étude en vue de l'évaluation des incitations aux investissements privés a été publiée par la Maison de l'entreprise. «L'objet de cette étude est d'évaluer dans quelles mesures les incitations à l'investissement privé accordées par la Tunisie permettent d'entraîner des effets réels en termes de création de richesse, de promotion des exportations, d'équilibre régional, de lutte contre le chômage, etc.». Pour apprécier le comportement des investisseurs privés, l'étude se base sur une approche comparative avec des pays à niveau de développement similaire à la Tunisie, tels que le Maroc, la Turquie, la Corée, le Chili… On retient ainsi que «comparée à ces pays, la Tunisie enregistre un déficit structurel de l'investissement privé». Pourtant, les avantages accordés aux investisseurs se ressemblent dans la majorité de ces pays. On peut donc conclure que les incitations ne sont pas suffisants à eux seuls pour stimuler le rythme des investissements privés. En effet, la croissance de la Tunisie s'est appuyée davantage sur l'investissement public. Un environnement d'affaires mieux adapté En dépit des solides fondamentaux économiques de la Tunisie, l'inefficacité microéconomique au sein des PME, l'environnement d' affaires et les contraintes du financement sont largement responsables de la réticence des investisseurs. Sur un autre plan, le régime mafieux a pesé lourd sur les investisseurs, plus généralement sur l'économie nationale. «Une des raisons du faible ratio de l'investissement privé est l'ouverture limitée, mais ciblée à des proches du pouvoir, des marchés de services et des industries de réseau», précise -t-on. On retient également les effets néfastes de la privatisation de certaines entreprises publiques dans les domaines stratégiques au profit des proches de l'ancien régime, tels que les technologies de l'information et de la communication, le transport, les finances… Justement, ces nouvelles firmes privatisées n'ont apporté aucun avantage aux consommateurs. Ils ont imposé plutôt de nouvelles régles sur le marché ce qui a affecté nettement les fondamentaux de notre tissu économique. L'analyse comparative a démontré, également, que bien que les dispositions en vue de promouvoir l'investissement privé local soient similaires, voire très proches des dispositions appliquées dans d'autres pays, les résultats sont divergents. L'étude retient ainsi d'autres facteurs . On estime que «les incitations fiscales ou financières à l'investissement viennent ensuite appuyer la décision d'investir. Le foncier demeure un facteur important pour l'investissement national et étranger.», conclut l'étude. Ainsi, l'on reconnaît que les aspects, autres que fiscaux et financiers, constituent des axes incontournables pour toute promotion des investissements. Certes, la prochaine étape nécessite l'adoption d'un nouveau code d'incitations aux investissements, mais surtout d'instaurer un nouveau climat d'affaires mieux favorable à l'entrepreneuriat, avec des procédures transparentes, une concurrence loyale et une administration proactive.