La citoyenneté a ses propres règles. Elles sont immuables que vous soyez à New York, Paris ou débarquez de la Grèce antique. Ces règles s'expriment en droits et, à ne jamais oublier, en obligation également. Si aujourd'hui, en termes de droits, nous sommes servis, à tort ou à raison, par la panoplie de revendications qui parcourt le pays, en matière d'obligations, rares sont ceux qui en parlent et même s'ils le font , ce n'est qu'à demi-mot, souvent d'une manière peu convaincante et presque toujours dans le cadre d'une approche de grossiste. Cela vaut aussi bien pour le commun des mortels que pour l'élite politique qui caracole sur les ondes FM devenues tribunes ouvertes. Ainsi, entendons-nous, parfois ça et là, quelques propos sur la fiscalité et plus rarement sur une éventuelle ou hypothétique réforme fiscale. En attendant que celle-ci prenne forme un jour, il y a des actions qui pourraient ne point attendre, à commencer par ce sacro-saint principe du régime forfaitaire qu'adore une population de contribuables formée de commerçants, de fast-foods, de professions libérales, de cafetiers, de vendeurs de glibettes et j'en passe et j'en oublie. Sachez pour vous profanes de ce monde de sous, que cette population compte 350.000 ( vous avez bien lu trois cent cinquante mille) contribuables qui participent — un bien grand mot — en moyenne au titre des impôts à raison de... 33 dinars en moyenne par an. Vite un coup d'œil sur votre fiche de paie et vous verrez la différence, que dis-je, vous brasserez du regard l'océan qui sépare votre effort de citoyen piégé par la retenue à la source de celui accompli par ces honnêtes contribuables. Vous regretterez tous les sandwichs que vous avez pris, les cafés et chichas que vous avez ingurgités, les visites répétées à votre médecin traitant et même les douceurs sucrées avec lesquelles vous vous êtes empiffrés Ramadan durant. Trente-trois dinars de contribution (!) Bien sûr, l'administration fiscale aux moyens aussi rudimentaires que limités a essayé de faire la chasse à ces "contribuables". Elle a même tenté de faire appel à leur sens du devoir et de l'amour du prochain. Rien n'y fit. La frêle moyenne des 33 dinars de contribution par agent économique restait de glace. Et ce beau monde, fait comme vous et moi, emprunte les mêmes voies publiques, se soigne dans les mêmes établissements hospitaliers, perçoit les allocations familiales (ridicules pour vous mais pas pour eux question de rattraper les 33 dinars), s'éclaire des mêmes lampadaires publics y compris de Bab Menara, envoie ses gosses dans les mêmes écoles... Pour ceux qui font ou feront notre quotidien fiscal, un petit calcul s'impose. Si par magie la glace qui recouvre la moyenne de 33 dinars fondait pour une fois et qu'un quelconque esprit sain tirait ce chiffre à 100 dinars, nous aurons dans les caisses de l'Etat, qui en ont drôlement besoin compte tenu du déficit budgétaire qu'il faudra boucler, un apport additionnel de 23,5 millions de dinars de recettes. Pour le faire, l'Etat pourra (d'une pierre deux coups) même recruter jusqu'à 500 contrôleurs formés de diplômés du supérieur, avec un salaire brut annuel de 16.000 dinars/agent et il gagnera toujours au change avec plus de 15 millions de dinars de recettes additionnelles. Ce chiffre augmente en différentiel toujours à près de 150 millions de dinars si la contribution moyenne atteignait 400 DT (chiffre encore en deçà de ce que devraient payer ces contribuables), de quoi réaliser environ 50 km d'autoroute par an, soit l'équivalent d'une autoroute Tunis-Sfax en 5 ans. Alors messieurs, une niche à visiter rapidement pour que le salarié ne sente pas toujours le goût de la dinde.