C'est un crustacé de nos eaux, parmi les plus rares. Il est tout petit et atteint huit centimètres (de diamètre) au plus. Vivant dans les crevasses des rochers du bord de mer et des plages, le crabe, avec son aspect bizarre, a toujours intrigué les estivants et les promeneurs. S'il attire la curiosité des jeunes et la sympathie des amis de la nature, il suscite par contre la crainte des tout petits. Sa carapace arrondie, gris verts, et ses pattes puissantes, dont les deux premières prennent la forme de pinces redoutables, lui donnent une physionomie hideuse, repoussante pour certains. Le crabe est un prédateur très habile, malgré sa taille minuscule. Il dispose, pour cela, de moyens pour se défendre. La variété la plus abondante chez nous est la carcinus mœnas, que les spécialistes appellent «crabe vert». Son nom populaire commun étant «crabe enragé» à cause de sa démarche un peu chancelante à progression latérale. Certains parmis nous l'ont appelé boujniba, vraisemblablement pour cette même raison. Ceux qui le craignent lui ont donné le nom très peu flatteur de agrab b'har (scorpion de mer) malgré le peu de ressemblance avec ce dernier. Son nom usuel est «crabe» pour tout le monde. Le crabe est un produit de la belle saison; il est moins présent le reste de l'année, faisant des apparitions fugitives chez les poissonniers spécialisés dans le menu fretin, ou vendu parfois par les pêcheurs amateurs qui le proposent, soit à la pièce, soit au tas, très rarement au poids. Ses amateurs connaissant bien ses mœurs, savent le déloger de ses abris pour l'en extraire. Mais le crabe ne pèse pas lourd, pas plus de quelques dizaines de grammes. Contenant peu de chair, il en faut alors une cinquantaine pour en faire un bon repas. Il est débité généralement vivant et nous ne le congélons pas encore. Ainsi, nous sommes obligés de le préparer dans la journée, sinon il meurt. Le crabe, malgré sa puissance apparente, est en fin de compte assez fragile. Sa chair est savoureuse pour ceux qui la connaissent; elle est tendre, maigre, très blanche et filamenteuse. Elle représente le quart de son poids. Située sous la carapace, dans les pattes et les pinces, elle est difficile à extraire. Le crabe est un mets des ichtyophages et des précieux parmi eux qui l'entourent de tous les soins. S'il n'est pas consommé séance tenante, on l'enveloppe d'un linge humide et on le garde au frigo pendant quelques heures par temps chaud, ou dans une pièce fraîche si la température est douce. Comment le préparer? De la manière la plus simple : le plonger vivant dans une eau bouillante salée. Dix minutes suffisent pour les petites pièces et jusqu'à trente pour les grosses ou quand il s'agit d'une grande quantité cuite à la fois. Pour consommer la chair, il faut être délicat et se munir de beaucoup de patience. D'abord, il faut veiller à ne pas abîmer la carcasse; elle peut servir comme récipient pour la présentation. Ensuite, détacher les pattes et les pinces, puis les casser avec un casse-noisette si on ne dispose pas d'un outil approprié, et enfin retirer la chair avec dextérité. Le crabe se mange, tel quel, ou incorporé dans des salades, des omelettes ou même des soupes. Sa période d'abondance n'est pas encore terminée. Alors, dégustez-le avant qu'il se raréfie, c'est un délice des dieux.