A un mois des élections de la Constituante, un flou électoral flotte sur les esprits d'électeurs tenus de se présenter aux urnes un certain 23 octobre 2011. Qui choisir et que choisir ? Devant un fouillis de partis politiques et de listes indépendantes, le citoyen, quels que soient son niveau intellectuel et son appartenance sociale, ne sait à quel saint se vouer. Il a beau écouter les débats interminables des représentants de certains partis, il n'en sort que de plus en plus dérouté devant leurs ressemblances, leur discours démagogique et une absence de clarté manifeste quant à leurs programmes et leur projet de société. Pauvre électeur, abandonné à lui-même, ne sentant parfois aucune motivation qui le pousse à se présenter pour accomplir son devoir de citoyen. En effet, il s'agit bien de motivation qui selon Jean François Le Ny (Dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation, Nathan, 1994) est «un état ou disposition psychologique qui détermine la mise en route, la vigueur ou l'orientation des conduites ou des activités cognitives, et qui fixe la valeur conférée aux divers éléments de l'environnement.» D'après cette définition, qui pourrait motiver un électeur à se précipiter pour élire des listes auxquelles il donne confiance si ce n'est cette disposition psychologique, cette force intrinsèque qui pousse tout individu à diriger sa conduite dans le sens de la satisfaction d'un désir, d'un vouloir. Déjà lors de l'inscription au vote, beaucoup de Tunisiens n'ont pas manifesté un engouement à participer à ces élections. Cela s'explique par l'absence chez un grand nombre d'entre eux d'une motivation. Depuis la révolution, un fossé a commencé à se creuser entre, d'une part, des initiés de la politique qui sont concernés tout d'abord par une seule motivation : occuper une place dans la scène politique de la Tunisie nouvelle et, d'autre part, des citoyens qui, durant cinq décennies, n'ont jamais participé effectivement à une vie politique démocratique. Les médias n'ont fait qu'ouvrir davantage cette brèche par des programmes qui ne font pas participer le simple citoyen à ses débats politiques qui, à vrai dire, n'éduquent pas le citoyen. Il s'agit bien d'une éducation, d'une pédagogie, voire un comportement responsable de la part des moyens d'information qui auraient pu chercher des techniques de vulgarisation pour faciliter l'accès à l'information. Il est triste de constater qu'à un mois des élections le citoyen ignore presque tout des partis en présence. On se demande sur quelle base les électeurs vont distinguer entre des partis qui n'ont aucune couleur distinctive. Leur nombre ne fait qu'aggraver les choses. Quel mal y aurait-il si dans cette étape de voir les parties former des coalitions pour faciliter à l'électorat la connaissance des grandes orientations de quatre ou cinq grands rassemblements de partis qui ont entre eux des affinités et laisser à plus tard les distinctions (si cela se trouve) de chacun d'eux ? A-t-on pensé réellement à ces électeurs qui peuvent choisir, en l'absence d'une motivation politique, le candidat de leur quartier, la liste de leur village, les copains du café ou subir des pressions des uns et des autres, tomber sous le joug des manipulations de toutes sortes‑? Il est vrai qu'à cette étape on ne doit pas s'attendre à une conscience politique développée des électeurs, mais toujours est-il qu'il faut respecter les électeurs et leur favoriser les conditions d'assumer leur rôle de citoyens et d'avoir une véritable motivation qui, je l'espère, donnera un sens à leur engagement dans des élections libres et démocratiques. Pour ce faire, il est urgent de faire du mois d'octobre le mois des élections et de la motivation des électeurs, et ce‑: 1 - En demandant aux médias de donner à cet événement un caractère solennel et festif. 2 - En faisant participer le citoyen aux débats politiques. 3 - En présentant de la musique engagée de tous bords et non exclusivement du rap. 4- En donnant de nouvelles couleurs aux studios et aux émissions. 5- En rappelant souvent aux citoyens que la Constituante n'est pas une fin en soi mais une étape dans le processus démocratique. 6- En présentant dans des spots publicitaires les devoirs des citoyens dans cette étape cruciale de notre histoire. 7- En jouant un rôle d'avant-garde en incitant les citoyens à mettre l'intérêt de la nation au-dessus de tout calcul politique. 8- En demandant aux représentants des partis politiques de tenir un discours simple et clair accessible au simple citoyen dans lequel l'accent sera mis sur le programme et le projet de société. Il est tout aussi intéressant d'appeler les responsables régionaux de faire du mois d'octobre un mois haut en couleur et cela : 1- En couvrant la région du drapeau national 2- En facilitant l'organisation de réunions, de galas, de débats dans une atmosphère démocratique 3- En invitant les représentants des listes électorales à se réunir pour se mettre d'accord sur la stratégie à suivre pour la réussite des élections 4- En appelant les citoyens à participer à des actions bénévoles 5- En établissant un programme d'animation de la ville et de ses environs. De cette manière, on prépare un tant soit peu l'électorat à participer à cet événement historique animé non seulement par la simple motivation d'assumer son rôle de citoyen mais aussi par une orientation de la conduite dans le sens d'un choix motivé et non d'un choix désintéressé ou par le refus total de participer aux premières élections démocratiques de la Tunisie nouvelle.