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«Ne pas voter, c'est permettre que la volonté du peuple soit de nouveau confisquée» Controverses - Elections : la société tunisienne est-elle prête pour le 23 octobre ?
Interview d'Emna Menif, porte-parole d'Afek Tounès Les élections de la constituante approchent. Les partis mettent l'accent sur la nécessité de gagner la bataille électorale et de mettre en place une assemblée nationale constituante, véritable représentant du peuple malgré le peu d'affluence des citoyens pour l'inscription sur les listes électorales. Emna Menif, Professeur de médecine, figure de proue du syndicat des médecins hospitalo-universitaires et porte parole d'Affek Tounes analyse dans cet entretien la campagne d'inscription, ses difficultés et ses enjeux tout en appelant les Tunisiens à y adhérer à deux mois et demi de l'élection de la constituante . Le Temps : Pensez-vous que la société tunisienne est fin prête pour le 23 octobre ? Emna Mnif : Les Tunisiens ont renversé une dictature pour instaurer une démocratie. Ils sont prêts depuis le 14 janvier à un changement radical. Ils sont cependant déroutés par la profusion de partis politiques, le manque de clarté du message, les débats cacophoniques… Tout cela ne pourra que se clarifier d'ici au 23 octobre et les tunisiens auront la possibilité de distinguer le bon grain de l'ivraie. - Près de 6 millions de Tunisiens ne sont pas encore inscrits sur les listes électorales. Est-ce là un handicap pour la tenue de ces élections ? Il y a un manque de clarté dans la communication de la part de l'Instance Supérieure Indépendante des Elections. La campagne d'inscription, telle que menée, semble indiquer que seules les personnes activement inscrites sur les listes électorales auront le droit de voter, auquel cas cette situation handicaperait lourdement la tenue des élections. En tout état de cause, il est évident qu'un prolongement des délais d'inscription est indispensable. Tous les tunisiens aspirent à des élections libres, transparentes, démocratiques et représentatives. - Quelles sont vos craintes et vos doutes ? Un fort taux d'abstention aux prochaines élections constituerait un échec pour la démocratie. Nul doute qu'une assemblée constituante élue par 20% des tunisiens ne sera en rien représentative et n'aura aucune crédibilité pour doter le pays d'une nouvelle constitution. Les résultats des élections risquent d'être contestés avec le risque d'une période d'anarchie et d'incertitudes. - Comment les inciter à s'inscrire ? Ceux qui ne sont pas motivés aujourd'hui pour s'inscrire parce qu'ils n'ont pas fait leur choix et n'arrivent pas à avoir une lecture claire du paysage politique doivent savoir qu'à la date du 23 octobre, le programme politique des partis, pour ceux qui ont des propositions sérieuses à faire, sera connu. Ils doivent impérativement s'inscrire maintenant et pourront choisir en toute connaissance de cause en temps voulu. Ne pas voter, c'est permettre, encore une fois, que la volonté du peuple soit confisquée et que, de nouveau, il ne soit pas maître de son destin. Les jeunes doivent en être particulièrement conscients. Elire est un droit, une expression de la citoyenneté, mais aussi un devoir dans un pays qui se prépare à se doter d'une nouvelle constitution et instaurer une démocratie authentique. C'est un devoir de reconnaissance et de mémoire pour nos martyrs et pour tous ceux qui ont payé le prix fort pour lutter contre la dictature pour la liberté et la dignité et une responsabilité pour l'avenir immédiat de la Tunisie et envers les générations futures. - Faut-il finalement se contenter de la présentation de la carte d'identité si le nombre des inscrits reste réduit ? C'est une option à considérer. Mais alors, à quoi aurait servi cette campagne et tous les moyens mobilisés ? Il faut aujourd'hui avoir la souplesse nécessaire dès lors que les délais d'inscription sont prolongés. Rien n'empêche, sinon du juridisme rigide, que les inscriptions continuent jusqu'à la fin du mois de septembre. - Ban Ki-moon avait affirmé que "les Nations Unies s'engagent à soutenir le processus électoral en Tunisie, à l'assister pour l'élection d'une Assemblée constituante. Cet apport étranger est-il souhaitable ? Une assistance par les Nations Unies n'est pas de l'ordre de l'ingérence étrangère. Une aide technique et logistique pourrait être salutaire. La priorité, aujourd'hui, est de maintenir le rendez-vous du 23 octobre et garantir que ces élections se déroulent dans les meilleures conditions. - Le sondage politique de Global Management Services révèle que plus de 80% des Tunisiens ne savent pas encore pour quel parti politique et pour quelle personnalité ils ont l'intention de voter. Qu'en pensez-vous ? Il est certain que si les citoyens n'ont pas une bonne connaissance des partis politiques, de leurs programmes et surtout de leurs projets politiques, il y a un risque majeur de démobilisation. Les élections du 23 octobre ne sont pas des élections présidentielles. Ce qui compte, donc, ce ne sont pas les personnalités mais le projet politique, de constitution, et un programme économique et social pour la phase qui reste encore de transition de l'Assemblée Constituante. - Pensez-vous que nous avons choisi le bon système de scrutin ? Saurons-nous garantir la transparence totale? Le mode de scrutin par listes et à la proportionnelle permet une représentativité de tendances assez large. Il devrait permettre un équilibre des forces en présence pour doter le pays, dans le consensus le plus large possible, de sa future constitution. La volonté existe pour garantir la transparence. Il ne faut se priver d'aucun moyen pour atteindre cet objectif et appeler à la responsabilité de toutes les parties et surtout du citoyen. C'est lui qui fera ces élections et qui devra combattre les méthodes mafieuses d'achats de voix ou d'influence utilisés lors des élections de l'ancien régime, Une des grandes difficultés concernera les personnes vulnérables et analphabètes. Afek Tounes réfléchit à une proposition pour garantir leur vote en toute liberté. - 19 sièges sont réservés aux Tunisiens à l'étranger dans la future Assemblée constituante. Est-ce suffisant ? En tout cas, c'est une avancée… - Finalement, ces élections permettront le vrai coup d'envoi de la démocratie en Tunisie ? Leur réussite donnera le coup d'envoi à l'instauration de la démocratie. Elle est hautement conditionnée par une forte participation des électeurs. On gagnerait probablement à lier leur validité à un taux de participation minimum.