Par Brahim Oueslati Sur plus de 1600 listes de candidatures à l'élection de l'Assemblée nationale constituante, un peu plus de 1300 ont été validées, et ce, en attendant le verdict des tribunaux pour ceux qui ont déposé des recours. Avec un nombre impressionnant de candidats qui avoisine les 10.000, un afflux qui a de quoi donner le tournis aux quelque 7 millions d'électeurs potentiels pas encore habitués ni préparés à une telle compétition électorale. La lecture de la répartition des listes de candidatures fait ressortir que seulement 65 partis sur les 110 légalisés ont réussi à présenter des listes de candidatures aux prochaines élections et que 4 uniquement se sont présentés dans toutes les circonscriptions, en Tunisie et à l'étranger. Les autres, à court d'arguments, sont restés en marge de la compétition et lorgnent, peut-être, vers les prochaines échéances électorales (présidentielles, législatives et municipales). Mais en fait, cette non participation au scrutin du 23 octobre trouve son explication, d'abord, dans leur manque d'expérience politique du fait qu'ils viennent de voir le jour et que par conséquent, ils ne sont pas bien préparés pour affronter cette échéance électorale. La plupart d'entre eux n'ont d'existence que sur le papier et l'on se demande si cette multiplicité ne risque pas, à terme, de fausser le jeu démocratique et subséquemment de discréditer un processus pas encore sur les rails. Coquilles vides pour d'autres, ils se trouvent dans l'incapacité de recruter de vrais militants ni de mettre sur pied des projets de programmes pour la période à venir. Certes, quelques partis parmi les "novices", voire parmi leurs aînés, ont conclu des accords entre eux pour présenter des listes communes, ou encore ils ont encouragé la présentation de listes indépendantes, mais cela ne saurait justifier un tel manquement à un principe fondamental de la démocratie qu'est la participation aux élections. Peut-être également par crainte d'être laminés d'autant plus qu'ils n'ont pas les finances nécessaires pour aborder une campagne électorale qui s'annonce rude et où l'argent sera le véritable nerf. Et si l'on sait que la subvention qui sera accordée par l'Etat aux différentes listes se situerait entre 7 et 8 mille dinars avec obligation pour les listes n'ayant pas réussi à obtenir au moins 3% des suffrages exprimés de rembourser la moitié de cette somme, on comprend ce "forfait" des partis dits "petits". L'autre constat à tirer de cette carte électorale, c'est que près de la moitié des chefs de partis (30 sur 65) qui se sont présentés aux élections ont préféré rester en dehors de la compétition pour mieux encadrer leurs troupes et rester ainsi au-dessus de la mêlée. C'est le cas, notamment, de Rached Ghannouchi, le chef d'Ennahdha et de Hamma Hammami, le premier responsable du Poct. Un chef ne risque pas sa survie politique en s'engageant dans une compétition dont l'issue n'est pas certaine. Question aussi de ne pas compromettre leurs chances et de rester en réserve pour d'autres échéances ou d'autres fonctions, gouvernementales, par exemple, en cas d'un gouvernement de coalition après le 23 octobre. Sachant que la durée de l'Assemblée nationale constituante ne devrait pas dépasser 12 mois et que des élections présidentielles et législatives vont s'ensuivre, les chefs de partis restés en retrait auront le temps nécessaire d'affûter leurs armes pour ces nouvelles échéances en observant à la loupe l'évolution politique du pays. D'autres sont exclus de fait, comme c'est le cas de Kamel Morjane et de Mohamed Jgham, deux anciens membres de gouvernement et du parti RCD qui ont créé leurs propres partis et qui sont frappés d'interdiction par l'article 15 du code électoral. Se réclamant d'une tradition destourienne et s'inclinant face aux exigences de la révolution, ils n'entendent pas demeurer dans l'exclusion et cherchent à se replacer sur l'échiquier politique national pour ne pas se trouver en marge de la transition. En attendant la publication des listes définitives, le flou va continuer à entourer cette étape de précampagne électorale et les électeurs auront beaucoup de mal à choisir parmi cette multitude de candidatures. Un flou qui pourrait profiter aux candidats indépendants. Car, devant cet embarras, l'électeur opterait pour le candidat qu'il connaît le mieux.