Par Taoufik CHARRADI Le régime foncier tunisien est un régime foncier des droits réels inspiré du régime foncier australien. Mis en œuvre en Tunisie depuis 1885, il est considéré parmi les plus anciens régimes fonciers dans le monde. Ce nouveau système est doté d'une publicité absolue, permettant une transparence des droits, affectant l'immeuble et assurant le libre droit d'accès aux informations contenues dans le livre foncier. Par conséquent, cette publicité dévoile à tout venant des données personnelles des titulaires des droits réels qui devraient être confidentielles. Les origines du système foncier L'idée de créer le régime foncier des droits réels vient suite à une escroquerie survenue chez l'un des amis de Robert Torrens (un australien d'origine anglaise) qui a été trompé par la découverte tardive d'un vice de titre qui lui avait fait perdre une propriété dans laquelle il avait investi toutes ses économies. Cette histoire avait révolté Torrens et l'avait incité à s'intéresser à la question de la transmission des immeubles déjà complexe, coûteuse et moins sécurisante. Inspiré par les mutations de navires dont les informations sont enregistrées dans un registre spécial, Il mettait au point un mode d'enregistrement des droits réels en Australie le 2 juillet 1858 appelé "Torrens Act" qui porte son nom et a pris la forme qui lui fait connaître dans le monde entier. La publicité du régime foncier La publicité est un des principes fondamentaux du régime foncier permettant d'assurer une transparence totale des droits affectant les immeubles et de mettre les données à la disposition du public. Ce principe, plus souvent appelé principe du miroir a pour effet de protéger les titulaires des droits réels qui se sont fiés, de bonne fois, à 1'image de l'état juridique d'un immeuble reflétée par le livre foncier dont la confiance découle du fait que l'inscription consolidait le droit qui devenait incontestable et irrévocable à compter du jour de son inscription. On constate que ce système foncier a l'immense avantage de se résumer dans un document unique appelé (livre foncier) de consultation aisée et rapide qui reflète à la fois la situation immobilière des propriétaires et l'état juridique complet de chaque propriété et les charges pouvant grever cette propriété. Problématiques? Malgré les immenses avantages qu'il offre, ce système foncier des droits réels est confronté à deux objectifs divergents. D'une part, il doit assurer le libre droit d'accès aux informations contenues dans le livre foncier à tout venant ce qui constitue la finalité première de la publicité foncière. D'autre part, cette publicité doit être conforme au droit de respect des informations personnelles légalement protégées par la loi, car la diffusion des données, exacerbée par les nouvelles technologies, peut porter atteinte au respect de la vie privée des titulaires des droits réels. Les données personnelles censées être sensibles sont la date de naissance, l'adresse, le régime matrimonial, le montant d'une hypothèque, etc. Ces données sont accessibles à l'occasion d'une consultation d'un titre foncier. Pour concilier ces deux objectifs, les solutions à retenir devraient être guidées par l'assurance de protéger les données personnelles sans remettre en question le principe de la publicité foncière. L'utilisation des nouvelles technologies dans le livre foncier peut concilier le libre droit d'accès aux informations et le droit de respect des informations personnelles. Ces outils technologiques vont permettre une plus grande diffusion de la publicité foncière en donnant un accès élargi et moins onéreux. Par ailleurs, elles peuvent être utilisées comme un moyen de protection de ces données censées être confidentielles, car beaucoup d'éléments techniques semblent pouvoir garantir cette protection.