Par Foued ALLANI La violence sournoise dans laquelle baignait notre société depuis des décennies jusqu'au 14 janvier et qui était due entre autres à l'oppression omniprésente et multiforme exercée par les différents pouvoirs, tous types confondus (politique, économique, hiérarchique, de contrainte dans les groupes informel, parental…) sur les individus, s'est reflétée sur la réalité quotidienne de toutes nos institutions et structures y compris nos entreprises économiques. Injustices, discriminations, humiliations et surtout manque et absence de dialogue et souvent de repères communs ont aussi fait aggraver les conflits directs et indirects qui rongeaient ces structures et que nous avons décrites en long et large sur ces mêmes colonnes depuis bientôt 10 ans. La contre-violence qui s'ensuivait pouvait avoir plusieurs expressions allant de la simple protestation à la rébellion en passant par la pseudo-soumission (perfide). Comme toute violence, celle qui pesait sur nos structures impliquées dans la production économique (administration, entreprises, marchés organisés) s'exerçait à travers des acteurs eux-mêmes organisés et hiérarchisés. Avec l'avènement de la révolution et son processus de destruction et de reconstruction, l'entreprise économique est en droit aujourd'hui de s'attendre à une nette baisse de la violence interne comme celle qui sévit dans son environnement. Les réactions brutales qui ont accompagné le déclenchement du processus révolutionnaire (attaques, règlements de comptes, grèves, limogeages de responsables terminées ou presque, l'on s'attend aujourd'hui à la naissance d'un nouveau pacte entre tous les acteurs de la production économique, au centre desquels se trouve l'entreprise. Une nouvelle culture doit voir le jour au sein de nos entreprises et doit s'y développer. Une culture basée sur le dialogue, l'implication de tous, la transparence, l'équité, la solidarité, etc. Bref, sur toutes les valeurs positives sur lesquelles se fonde la bonne gouvernance. Le capital est tenu d'offrir aux salariés toutes les garanties pour qu'ils puissent s'épanouir dans l'entreprise, et de considérer ces derniers comme étant le capital humain et des connaissances essentiels à la survie et au développement de ladite structure productive. (Le premier donc le capital financier). En retour, le capital humain s'engage à donner le meilleur de lui-même pour l'entreprise et d'être loyal envers elle. Mais dans un monde économique sous une énorme pression concurrentielle, éperonné par les performances toujours grandissantes des uns et des autres, harcelé par les crises et les catastrophes et menacé par les plus graves d'entre elles, les bonnes intentions et la bonne foi ne suffisent pas. A côté de toutes ces valeurs déjà citées, plusieurs qualités intellectuelles et de la vie pratique sont indispensables, vitales même. Point de salut, en effet, hors de l'ordre, de la rigueur, de la discipline, de la ponctualité, du sérieux, de la concentration sur la tâche, de la planification, de la définition précise des rôles, tâches et responsabilités, de la clarté des règles du jeu, de l'anticipation, etc. Autant de compétences nécessaires et indispensables quelle que soit la nature de la production de l'entreprise, de sa taille ou de sa situation financière. Or, comment réussir à former des salariés et futurs salariés qui sont capables de faire valoir toutes ces qualités d'une manière continue et non jusqu'à la titularisation? Pire, les jeunes recrues sont aujourd'hui dès le départ handicapées par le manque flagrant des compétences déjà citées et n'attendent pas la titularisation pour faire marche arrière et montrer leurs vraies étoffes. Fautives ces nouvelles recrues? Pas le moins du monde! Il suffit de jeter, en effet, un coup d'œil sur nos vies familiales. En effet, nos écoles et la gabegie qui y sévit, nos rues et routes, notre comportement face aux médias de masse, notre alimentation … pour remarquer que nous baignons dans une quasi-anarchie. Non-respect des horaires, non-respect du tour de rôle, gestion anarchique de l'espace, vocabulaire puisé dans une langue bâtarde et très polluée, tenue souvent négligée, faiblesse de la culture de la prévision, procrastination, etc. A cela s'ajouteront la faillite de nos organisations de jeunesse, les mille et une excuses évoquées pour ne pas passer sous les drapeaux, la famille-providence qui offre au chômeur une situation dorée, etc. Tout donc concourt à ce que les capacités et qualités, déjà décrites nécessaires à chaque entreprise, sont difficiles à trouver et à faire durer. Un travail de longue haleine au sein de la société globale (telle que l'appel les sociologues) nous attend afin de pouvoir inculquer ces qualités et les faire développer chez nous. L'on est au moins en droit d'être optimiste. C'est là une autre qualité et non des moindres.