La campagne électorale a connu un démarrage lent à peu près partout dans le pays. On observe depuis deux jours, cependant, une accélération du rythme et, si les panneaux d'affichage ne sont toujours pas entièrement occupés par les manifestes et autres documents placardés, on s'active de-ci de-là à travers les marchés, sur les terrasses des cafés, et même en faisant du porte-à-porte, en s'initiant à une activité peu coutumière, où il s'agit de distribuer des dépliants, mais surtout de parler, d'expliquer, de gagner la sympathie et l'adhésion : un métier en soi, à vrai dire, qui est tout sauf facile. Mais les observations qui se dégagent de cette première phase de la campagne font aussi état de quelques formes d'irrégularités. Certaines sont plus visibles que d'autres, et les plus visibles ne sont pas forcément les plus graves, même si elles sont clairement déplorables. S'agissant des plus visibles, il faut parler des affiches déchirées. Le phénomène peut être mis sur le compte d'actes gratuits de manque de civisme, mais on sait aussi que la malveillance politique est parfois de la partie. Des formations ont d'ores et déjà reçu des avertissements à ce propos de la part des structures régionales de l'Instance supérieure indépendante pour les élections. Parmi les pratiques moins visibles, et qui posent problème du point de vue du bon déroulement de cette campagne, il y a l'utilisation par certains partis de leurs ressources financières pour s'octroyer une plus grande visibilité : ce qui peut être jugé d'autant plus facheux que beaucoup de listes sont particulièrement modestes et que la moindre surexposition d'un des partis qui userait de l'avantage de sa richesse au cours de cette période les condamnerait à se retrouver dans une fatale pénombre. Il faut croire que ce danger n'est pas une chimère puisque le président de l'Isie vient de lancer un appel à la vigilance à ce sujet. Un appel à la vigilance destiné aux citoyens, à la société civile et aux médias, doublé d'une mise en garde aux candidats qui viendraient à enfreindre – ou plutôt qui ont déjà enfreint — les dispositions en vigueur en matière de dépenses électorales au cours de la période actuelle. Cette mise au point, aux accents à la fois sereins et musclés, intervient alors que le Tribunal administratif a remis, pour ainsi dire, les pendules à l'heure en matière de respect des normes édictées par l'Isie en matière de conduite de la campagne électorale. M. Kamel Jendoubi en a donc profité pour rappeler la base juridique sur laquelle il entend exercer son autorité, en tant que garant d'un déroulement équitable de la campagne : il s'agit en particulier des articles 75 et 76 du décret-loi numéro 35. Ce décret-loi prévoit des sanctions très sévères, y compris sur le plan politique, à l'encontre de ceux qui s'autorisent des dépassements en matière de dépenses électorales. Il sévit aussi de façon assez dissuasive, au pénal, contre les actions d'achat des voix et de corruption. Il s'agit, en somme, de préserver les conditions générales d'un choix qui ne soit perturbé par aucune forme de violence, ni insidieuse ni brutale, qui pourrait fausser le sens du geste électoral par lequel, le jour J, le citoyen dépose son bulletin dans l'urne et sort du bureau en ayant le sentiment d'avoir apporté le poids de sa volonté pure à l'édifice d'un pays qui se veut désormais libre dans la moindre de ses parcelles.