Par Mohamed Ridha BOUGUERRA Sans vouloir faire preuve d'un angélisme politique béat, ne boudons pas notre plaisir et réjouissons-nous comme il se doit de l'annonce en grande pompe ce vendredi 7 octobre de la désaffection définitive des sous-sols du ministère de l'Intérieur ! Le caractère éminemment symbolique de cette mesure ne doit pas nous empêcher de savourer ce sentiment rare et précieux que l'on ressent chaque fois que la justice finit, avec le temps, par l'emporter sur les forces du mal. L'injustice n'a qu'un temps, aussi long soit-il. L'esprit d'équité, quant à lui, ne meurt jamais. Mais, en cette journée véritablement historique, notre pensée doit se tourner d'abord vers tous ceux qui, en ces sinistres culs-de-basse fosse et dans leurs pareils dans le pays, ont connu en cette vie les tortures de la géhenne et, pour nombre d'entre eux, y ont rendu l'âme après des humiliations et des souffrances innommables. Car cette heureuse disposition n'aura tout son sens et ne sera complète que le jour où l'on apprendra que les tortionnaires les plus notoires de l'ancien régime ainsi que ses sadiques exécuteurs des basses œuvres auront eu affaire à la justice. Mais aussi et surtout lorsque les commanditaires, la hiérarchie et le sommet de la hiérarchie, les responsables politiques sans qui la barbarie ne se serait jamais installée et n'aurait perduré aussi longtemps dans ces lieux, auront rendu compte de leur action à la justice. Ce jour-là et ce jour-là seulement, tous ceux à qui l'on a fait subir les ordalies des temps modernes connaîtront la paix et retrouveront leur dignité si souvent bafouée dans ces caves d'un autre âge. La réconciliation est bien nécessaire, mais elle doit suivre la justice et non pas la précéder. Le pardon est à ce prix. D'autre part, il ne suffit pas de condamner publiquement, pour toujours, et sous le regard de tout le peuple ébahi, les portes de ces geôles de l'infamie, il faut aussi et surtout édicter une loi qui incrimine clairement et explicitement tout usage de la force et de la contrainte physique par un agent de l'autorité de l'Etat qui porterait ainsi atteinte à l'intégrité physique ou morale du citoyen. Pour cela, il est urgent d'inculquer aux membres des forces de l'ordre l'esprit citoyen et la culture de la citoyenneté afin de mettre la police nationale au service de la communauté. Car, hélas, comme l'a écrit Bertolt Brecht : "Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde". Il suffit, en effet, d'ouvrir un peu les yeux et de tendre l'oreille pour écouter ce qui est en train de se passer dans notre si beau et paisible pays. Une maudite engeance, graine de fascistes, est en train d'essayer de nous dicter de force ce qu'elle considère comme vertu et ce qu'elle tient pour haram. Récemment, sur le marché de Sidi-Bouzid et à la faculté des Lettres de Sousse, de redoutables salafistes, certains brandissant des armes blanches, sont pour le moment au stade de la simple menace, mais nous promettent plus, comme égorger le doyen de la faculté de Sousse, à titre d'exemple, si une étudiante portant le niqab intégral n'était pas rapidement inscrite ! Imaginons un instant, qu'à la Providence ne plaise !, ces sinistres et incultes individus au pouvoir, il est facile de parier alors que les geôles nouvellement fermées du ministère de l'Intérieur ne resteront pas longtemps inoccupées ! C'est là, certes, un scénario catastrophe qui est fort improbable, heureusement. Il n'empêche qu'il nous revient à nous d'abord, nous simples citoyens, de barrer la route à cette peste verte malfaisante qui a pris l'Islam en otage ! "Ou le pays doit-il se laisser dévorer par cette maladie ?", pour parler encore comme l'auteur allemand déjà cité. De ce point de vue, le vote de chacun de nous le 23 octobre prochain sera déterminant, car, et c'est encore Brecht qui le dit : "Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu". Alors, votons de manière telle que notre Tunisie demeurera pour toujours un pays ouvert, tolérant, moderne, juste et démocratique.